Quand les artistes repoussent les limites de l’imaginaire

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Publié 01/03/2016 par Gabriel Racle

Bizarre, ce titre est bien celui d’un livre qui ne saurait échapper à l’œil attentif de l’amateur d’art — ou de distractions — qui ne s’intéresse pas qu’aux publications classiques sur le sujet, mais ne manque pas un ouvrage d’art qui sort de l’ordinaire. Et il devrait être bien servi, puisque le sous-titre de cette publication se lit L’autre histoire de l’art, et que son auteur est un écrivain spécialiste de l’art. À elle seule la couverture suscite attention et curiosité.

D’après les dictionnaires, l’expression «envers et contre tout» apparue au XVIe siècle, signifie faire quelque chose malgré les conseils opposés ou les conventions en vigueur.

Des conseils, Vincent Brocvielle, l’auteur de ce brûlot, en eut-il? Point ne le sais-je. Mais le lecteur doit s’y attendre: il va voir ce qu’il n’a point vu, il va lire ce qu’il n’a point lu, ce qu’il croyait sacré devient profane, ce qu’il croyait profane devient sacré.

L’éditeur s’en explique ainsi: «Représentations apocalyptiques dans les manuscrits médiévaux, anges habitant les cieux de l’Italie renaissante, myologies (parties de l’anatomie qui traite des muscles) baroques, visions fantastiques du romantisme noir, inquiétante étrangeté surréaliste, abolition des beaux-arts à la fin du XXe siècle… à chaque époque, les artistes repoussent les limites de l’imaginaire et dépassent le champ académique.»

L’ouvrage présente donc une histoire de l’art, celle que l’on ne voit pas, en épisodes chronologiques «brocvielliens» dans un encadrement vert (couleur préférée de l’auteur? La quatrième de couverture est également verte) au découpage original de l’énoncé et en l’absence de pagination.

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«À partir d’une sélection spectaculaire d’œuvres réunies pour l’étonnement et la fascination qu’elles provoquent encore au XXIe siècle, qu’elles soient célébrissimes (les portraits d’Arcimboldo, Le Jardin des délices de Jérôme Bosch) ou plus insolites (les caricatures de Léonard de Vinci, Le Vol de sorcières de Goya), cet ouvrage de 250 pages propose une contre-histoire de l’art occidental, en étudiant la réception de chefs-d’œuvre en leur temps et, plus largement, la vaste épopée du goût.»

Perspectives

«Commençons par la fin des temps, Les monstres et les merveilles». C’est ainsi que s’ouvre le livre par une section consacrée au Moyen Âge. Comme c’est le cas dans tout le cours du livre, l’auteur présente une ou des illustrations en couleur et pleine page (à de rares exceptions) avec un texte explicatif «analysant la notion de bizarre, non comme catégorie esthétique à part entière (contrairement au tragique, au pittoresque ou au sublime), mais comme l’écart, le pas de côté qui, à toutes les époques, interpelle le spectateur.»

Ces pas de côté sont précisément ces œuvres que l’on a bien rarement l’occasion de voir et que le lecteur va découvrir avec étonnement, stupeur ou amusement, entrant de ce fait de plein pied dans cette autre histoire de l’art.

Le bestiaire des bestiaires va intriguer, tout comme certaines représentations myologiques. «L’art gothique et l’art antique partagent un même goût pour l’exotisme… Les chimères et les créatures imaginaires viennent de très loin…

Ces figures composites ressurgissent à l’époque gothique principalement dan les arts précieux, quand l’ornementation des tissus ou des carreaux de pavement joue de l’illusionnisme et fait apparaître des êtres fantastiques.»

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Et d’étape en étape, on passe «À l’ombre de la Renaissance où l’on découvre quelques artistes récalcitrants et non moins visionnaires», auteurs de tableaux très étranges, sans parler de «ces figures (qui) n’existent pas», pour la surprise du lecteur.

Et la fête continue…

C’est le Baroque qui se présente ensuite: «Les plafonds et les bas-fonds où se côtoient les hauts et les bas». Et le lecteur (le voyeur?), est servi de l’art jésuite aux bamboches, en passant par l’astrologie et l’anatomie, sans oublier les allégories du temps et de la mort.

Ouf! Voici le Romantisme avec «Les prophètes et les apprentis sorciers». En veux-tu, en voilà: Le roman noir gothique, Nationalisme et supercherie, Les artistes hallucinés, Sorcières et fantasmagories. Des titres sonores qui accompagnent des œuvres que l’on ne voit jamais et qui sont pourtant des œuvres d’artistes.

L’éditeur l’avait dit: se «succèdent les grandes périodes de l’histoire de l’art afin de considérer l’évolution du bizarre dans la création, la façon dont il est perçu par le public et la manière dont les peintres et les sculpteurs s’en emparent. Il dresse ainsi un panorama des mythes, des démons et des monstres…»

L’art moderne avec son «jusqu’au boutisme» et contemporain avec sa «mécanique burlesque» ferment la marche. Les mannequins miniatures aux formes dénudées si féminines de Jake et Dinos Chapman attireront tout autant l’attention que l’Homem Magnético (l’homme magnétique), 2004, de João Maria Gusmão e Pedro Paiva. et d’autres reproductions.

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«C’est tout naturellement que le prisme du bizarre renouvèlera le regard du public sur nombre d’œuvres désormais sacralisées mais paradoxalement banalisées, en démontrant à quel point elles ont été révolutionnaires en leur temps.»

Au-delà des titres et des déclarations, il faut se plonger dans ce livre qui ouvre des horizons insoupçonnés bien souvent sur une autre histoire de l’art brillamment illustrée.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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