Le loupgaroulogue Bryan Perro dévoile les secrets de son imaginaire

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Publié 31/03/2015 par Manon Bodel

«Il y a des lutins partout!» En Afrique, en France, au Québec… Peu importe notre origine: ces petites créatures fantastiques se moquent bien des frontières nationales et viennent hanter l’imaginaire des êtres humains vivant aux quatre coins du monde.

Et c’est sur cet imaginaire collectif que travaille l’écrivain Bryan Perro, auteur de la série à succès Amos Daragon, venu à l’Alliance française de Toronto mercredi dernier pour faire partager à ses lecteurs sa passion pour la mythologie – celle-ci ayant fortement influencé son écriture.

«Au Québec, le lutin est petit, il a un corps fait comme une poire, des pattes de grenouille et il adore les chevaux: il les fait galoper toute la nuit», raconte-t-il. «En Irlande, il est roux, habillé en vert, et porte un chapeau haut-de-forme avec un trèfle à quatre feuilles: c’est le farfadet. En Scandinavie, il est petit, il a de la barbe, il est vieux et a un chapeau rouge: c’est le gnome. En France, en Bretagne, il porte le nom de korrigan.»

Les lutins sont bel et bien «partout», et ils ne sont pas les seuls. Les loups-garous et leurs variantes, par exemple, sont également présents dans tous les pays du monde : en Afrique, l’homme se transforme en guépard, en Corée, il devient un singe.

Un monde mythologique

Et pourtant ces créatures n’existent pas… réellement. «On n’a jamais attrapé un lutin. On n’a jamais trouvé leurs corps, leurs maisons, leurs cadavres… Ils existent mais n’ont pas de matérialité: ils sont dans l’imaginaire. C’est la gullivérisation: les hommes prennent leurs peurs et fantasmes et les transforment en créatures imaginaires», explique Bryan Perro avant d’ajouter: «c’est ça que j’aime dans la mythologie!»

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La mythologie parle de l’homme. Le loup-garou évoque la bête qui est en nous et qui attend les conditions propices pour sortir. Le vampire reflète notre désir de jeunesse éternelle (chirurgie esthétique, refus de vieillir), et est aussi, selon Bryan Perro, une véritable métaphore du banquier capitaliste, puissant, n’ayant de compte à rendre à personne, prenant ce qu’il a besoin pour vivre chez les autres individus pour son propre profit.

«La mythologie aujourd’hui répond à ce que l’on est et à ce que l’on voit.»

Mais les créatures fantastiques ne sont qu’un pan de la mythologie. L’auteur s’intéresse également à ses trois autres facettes que sont les dieux, les héros et les contes. Les dieux aussi sont présents dans chaque pays du monde: toutes les cultures, tous les peuples ont leurs propres dieux et démons qui leur permettent de concevoir la construction du monde.

Et sur ce point, Bryan Perro l’affirme, le monde est encore très mythologique aujourd’hui. En témoigne le fameux «axe du mal» du président Bush qui séparait de façon très manichéenne le bien et le mal.

Quant aux héros, ceux-ci sont également présents dans toutes les cultures. Les plus anciennes ont leurs grands guerriers, comme les samouraïs japonais. Enfin, les contes et les légendes interviennent dans tous les pays pour expliquer le monde lorsque l’homme n’a pas su l’expliquer par la science.

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Des débuts difficiles

La mythologie est devenue une source d’inspiration inépuisable pour Bryan Perro et elle lui permet de vivre aujourd’hui de ses livres. Cependant, ce ne fut pas toujours le cas : trois pièces de théâtre tombées dans l’oubli, un premier roman, Marmotte, qui ne s’est vendu, lors de sa parution, qu’à seulement 133 exemplaires, un deuxième roman, Mon frère de la planète des fruits, qui n’a pas non plus connu le succès…

Sans oublier entre-temps la faillite de son éditeur: Bryan Perro a dû racheter 200 copies de ses livres. «Je me suis dit: c’est en écrivant que l’on devient… pauvre!» plaisante-t-il.

Et puis son troisième roman, plus autobiographique, Pourquoi j’ai tué mon père, s’est vendu à 800 exemplaires. Toutes ces œuvres précédemment citées, écrites au cours de dix années, ont à peine vendu 1000 copies ensemble.

Pourtant, ces échecs n’ont pas découragé l’auteur. «J’ai continué à écrire parce que c’était la seule chose dans ma vie qui me rendait véritablement heureux.»

C’est alors que son éditeur, connaissant le goût et l’expertise de Bryan Perro en mythologie, lui commande trois romans à écrire en un an, sur le modèle d’Harry Potter ou du Seigneur des anneaux. L’auteur saisit sa chance, met de côté son emploi de professeur de cégep, travaille matin, midi et soir sur ce qui deviendra Amos Daragon.

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Et à sa grande surprise, lui qui avait peur de «connaître le plus grand flop de l’histoire de la littérature au Québec», il est informé par l’éditeur, peu de temps après la publication de ses livres, que 40 000 copies des trois premiers volumes ont été vendues.

Aujourd’hui, une série télévisée Amos Daragon va bientôt être diffusée sur Radio-Canada. Ce qui permet à Bryan Perro de conclure sur ces quelques mots d’encouragement: «Quand on veut faire quelque chose dans la vie, il faut construire le truc, travailler, mettre brique après brique, et à un moment donné, on arrive à faire ce que l’on veut faire.»

Auteur

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