D’un océan à l’autre

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Publié 17/04/2007 par Gabriel Racle

Trouver le plus court chemin pour relier l’océan Atlantique à l’océan Pacifique date de bien longtemps. Dès 1567, le roi Philippe II d’Espagne ordonnait à ses ingénieurs d’étudier une voie commerciale répondant à cet objectif. Où en sommes-nous aujourd’hui et surtout, où en serons-nous dans quelques années, du fait des activités humaines directes et indirectes?

Actuellement, les deux océans sont reliés par le canal de Panama, dont l’histoire est une véritable saga, qui voit d’abord les Français entreprendre l’ouvrage, sous la direction de Ferdinand de Lesseps, l’inventeur du canal de Suez.

Mais les travaux, commencés début 1881, connaissent de sérieuses difficultés causées par le climat (précipitations abondantes), la géographie (zones montagneuses), la maladie (fièvre jaune, malaria). S’y ajoutent des scandales financiers qui entraînent la liquidation de la Compagnie universelle du canal interocéanique de Panama et jettent de Lesseps en prison.

Finalement, les États-Unis rachètent en 1904 tous les droits de la compagnie française, pour 40 millions de dollars, et obtiennent à perpétuité la concession du canal et une zone de 16 km de chaque côté. Les travaux reprennent et l’inauguration officielle a lieu le 15 août 1914.

Grâce à une entente entre le président Carter et celui du Panama, ce pays reprend le contrôle total du canal le 31 décembre 1999.

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Mais un autre projet avait failli voir le jour. Les États-Unis s’étaient d’abord intéressés au projet de Philippe II, le canal du Nicaragua. En 1849, un contrat était signé entre un homme d’affaires étatsunien et le gouvernement du Nicaragua, lui donnant le droit de construire un canal. En 1884, un accord politique était conclu entre les États-Unis et le Nicaragua. Mais à cause de l’instabilité politique et peut-être géologique (volcanisme), le projet fut abandonné au profit du Panama.

L’idée a refait jour depuis une dizaine d’années, sous l’impulsion d’un consortium d’importantes entreprises européennes, nord-américaines et japonaises. Le mythique projet nicaraguayen deviendrait réalisable, appuyé par les autorités locales. Les travaux, estimés à 18 milliards de dollars, pourraient être achevés en 2019 et la future voie maritime – deux fois plus large que sa rivale panaméenne – permettrait le transit de bateaux de 250 000 tonnes.

Devant cette menace, le Panama a réagi en proposant un élargissement de son canal, avec un troisième jeu d’écluses, permettant le passage de navires de 120 000 tonnes, moins que le rival nicaraguayen.

Y a-t-il place pour deux canaux? Oui, pense le président du Nicaragua «Nous savons que sur 100 navires qui viennent dans les Amériques, sept seulement utilisent le canal de Panama. Un canal nicaraguayen apporterait une effervescence économique jamais vue en Amérique centrale.» Encore faudrait-il trouver le financement. Des banques chinoises et japonaises? Cette voie réduirait d’au moins une journée le trajet entre la Chine et l’Europe et les gros navires pourraient l’emprunter.

Mais il y aurait une troisième possibilité, à plus ou moins long terme, le passage du Nord-Ouest, longtemps cherché comme voie directe entre l’Europe et l’Asie, notamment par des explorateurs anglais dont certains ont laissé leur nom dans la région: Martin Frobisher, John Davis, entre 1570 et 1580, Henry Hudson, Robert Bylot, William Baffin, entre 1610 et 1620.

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L’intérêt commercial manifesté pour un passage du Nord-Ouest s’est ensuite estompé pour réapparaître au XVIIIe siècle, puis au XIXe siècle, poussé plutôt par la curiosité scientifique.

Depuis quelques années, un intérêt renouvelé se manifeste pour ce légendaire passage, touristique d‘abord, scientifique, militaire et commercial, un intérêt accru avec la perspective de la fonte des glaces. Le principal attrait du passage du Nord-Ouest, c’est qu’il supprime quelque 4 000 km à la distance entre l’Asie et l’Europe, par rapport au canal de Panama. Pour les gros navires, qui doivent maintenant franchir le cap Horn, le trajet serait raccourci.

Quand cela se fera-t-il? «Nous assistons depuis 30 ans à la fonte de 8% de la banquise chaque décennie. Il est donc possible qu’il n’y ait plus de glace dans l’Arctique durant l’été, dans les décennies à venir», de dire Bruno Tremblay, de l’Université McGill.

«Le passage du Nord-Ouest pourrait être ouvert à une navigation plus régulière en 2015», écrivaient les spécialistes militaires dans un rapport de février 2006. Des scientifiques avançaient une ouverture possible du passage vers 2020-2030. Le Centre national pour la recherche atmosphérique estime que la glace de l’océan Arctique pourrait fondre presque totalement en été, vers 2040.

Un passage libre de glace, même pour un temps limité, intéresserait les compagnies de transport maritime, mais il poserait au Canada des problèmes nombreux et complexes: problèmes juridiques (eaux canadiennes ou voie internationale comme le veulent les États-Unis et l’Europe), surveillance des côtes, exploitation d’hydrocarbures, perturbations écologiques (accident, risques de pollution, vie des cétacés), problèmes sociaux (vie des Inuit), présence militaire, affirmation de la souveraineté canadienne. Et le Canada n’est pas encore prêt à y faire face.

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D’un océan à l’autre, des voies à suivre.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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