La communauté francophone veut se dissocier des déboires de Franco-Expo

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Publié 10/04/2007 par Magdaline Boutros

Après l’éclosion du scandale Franco-Expo qui a mené à l’annulation abrupte de la foire francophone le 27 mars à Exhibition Place, l’heure est maintenant à la réflexion. Deux principales questions sont sur toutes les lèvres: les déboires de Franco-Expo auront-ils des répercussions sur les prochains événements qui seront organisés dans la communauté franco-torontoise? Et les trois organisateurs de l’événement sont-ils partis avec l’argent de la caisse?

Le mutisme de Kimber Management – firme organisatrice de l’événement – laisse bien plus de questions en suspens qu’il n’apporte de réponses. Aucun de nos appels n’a été retourné et aucun participant n’a encore eu droit à une explication.

Franco-Expo devait se dérouler du 26 au 28 mars au Queen Elizabeth Hall d’Exhibition Place. Les organisateurs de l’événement – Gail Makila, Joseph Civitella et David Kimber – ont annulé cavalièrement la foire quelques heures après son ouverture. Des élèves d’écoles d’immersion étaient pourtant sur place et des représentants d’universités qui tenaient des kiosques s’étaient déplacés d’aussi loin que Terre-Neuve pour venir présenter leurs programmes aux jeunes Torontois.

Plusieurs conférenciers de renom, dont Justin Trudeau et Bernard Voyer, ont été avertis à la dernière minute de l’annulation de l’événement et leur contrat n’a pas été honoré. Même scénario du côté des artistes qui devaient offrir des spectacles, dont Marie-Chantal Toupin, Sylvain Cossette, Audrey de Montigny et Konflit Dramatik, qui ont tous perdu trace des trois organisateurs depuis.

Tous ceux qui se sont sentis floués par Kimber Management tentent maintenant de savoir ce qui s’est vraiment passé.

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Les trois partenaires de Kimber Management avaient-ils vu trop gros en voulant organiser un événement de très grande envergure en français à Toronto et ils n’ont tout simplement pas su se défaire honorablement de leurs engagements? Ou ont-ils tout bonnement voulu profiter de la confiance qui leur a été accordée pour renflouer leurs coffres personnels? Difficile à savoir. Quelques pistes méritent toutefois d’être mentionnées…

Gail Makila, l’une des trois partenaires de Kimber Management, occupait auparavant le poste de directrice générale de l’organisme Français pour l’avenir, dont le mandat est de favoriser la dualité linguistique au Canada. Mme Makila aurait occupé le poste pendant deux ans et demi avant de se faire démettre de ses fonctions à l’automne dernier. La raison de son renvoi est floue. Mais lorsque L’Express a demandé à la directrice générale actuelle de l’organisme, Joanna Campion, si il y a eu des irrégularités dans la gestion financière, elle nous a tout simplement répondu «pas de commentaires».

«Ce n’est pas quelqu’un que Français pour l’avenir voulait garder comme directrice générale», avance-t-elle comme explication, avant d’ajouter que l’organisme n’a plus aucun contact avec Gail Makila et qu’il veut être dissocié de ses déboires actuels.

Au niveau du financement de Franco-Expo, nous n’avons trouvé aucun ministère ou organisme public qui aurait octroyé des subventions à l’organisme. Aucune demande n’a été faite auprès de Patrimoine canadien, de la Fondation Trillium, du Conseil des arts de l’Ontario, du ministère de la Culture et du Bureau du Québec à Toronto, mais l’Office des Affaires francophones a reçu une demande à laquelle il a répondu négativement puisque l’événement ne répondait pas à ses critères de sélection.

La Société des loteries et des jeux de l’Ontario (OLG) a également été approchée. Une de ses représentantes était sur place pour remettre aux organisateurs une commandite de 5000$. Elle s’est ravisée en voyant que l’événement avait été subitement annulé.

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Les seuls deniers qui seraient entrés dans les coffres de Kimber Management sont donc les coûts de location des kiosques et les billets vendus pour les spectacles (les écoliers ne devant pas payer pour participer à la foire). Selon les informations que nous avons obtenues, une dizaine de stands ont été réservés pour la foire. Le prix payé pour les stands variait de quelques centaines de dollars à environ 2000$. Ce sont principalement des universités et des collèges qui ont été sollicités pour la location de kiosques. Selon nos informations, aucune institution n’a été remboursée.

Pour ce qui est des billets de spectacle, il a été impossible de retracer le nombre de billets achetés par le public. Les billets pour les spectacles de Marie-Chantal Toupin et Sylvain Cossette étaient vendus au prix de 39,95$, celui d’Audrey de Montigny à 29,95$ et la prestation de Konflit Dramatik était à 14,95$. Aucune publicité n’avait toutefois été faite dans les médias locaux et les conseils scolaires francophones n’ont pas été sollicités directement. La vente n’a donc pas dû être florissante.

Kimber Management a honoré ses engagements financiers auprès du Direct Energy Centre d’Exhibition Place. Aucun cachet pour les artistes, conférenciers et animateurs qui ont été engagés pour Franco-Expo n’a toutefois été versé. Plusieurs procédures judiciaires sont en cours.

Il s’avère donc impossible pour l’instant d’affirmer que Kimber Management est parti avec un gros montant. C’est peut-être même plutôt de dettes que les trois organisateurs hériteront si les procédures judiciaires entamées à leur endroit portent fruit.

Mais le plus important pour beaucoup de francophones de Toronto, c’est de dissocier la déconfiture de Franco-Expo des événements organisés en français dans la Ville-Reine. «C’est important qu’on en parle pour que les gens de Toronto et de l’extérieur de la ville associe le fiasco à ces gens-là. L’événement n’a pas été un échec parce qu’il n’y avait pas d’intérêt, c’est qu’il a été mal organisé», plaide Mireille Messier, auteure de livres jeunesse qui avait été invitée à offrir des ateliers lors de Franco-Expo.

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Même son de cloche du côté de Daniel Bonin du Bureau du Québec à Toronto. «Il ne faudrait pas que cet événement fâcheux atteigne la crédibilité d’autres organismes bien implantés comme la Franco-Fête. L’organisation était déficiente. J’espère que ça ne causera pas de dommages collatéraux à d’autres institutions francophones, mais je demeure optimiste.»

Alors, quelle conclusion tirer de toute cette histoire? Francine Contrasty, enseignante à la retraite qui accompagnait des classes de l’école Marshall MacLuhan à Franco-Expo, et qui a par la suite mené sa petite enquête pour comprendre ce qui se cachait derrière Franco-Expo et Kimber Management, conclut que «ce n’est peut-être pas de la fraude, mais c’est malhonnête de leur part d’être parti comme ça».

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