Des écoles françaises de qualité similaire à celles de la majorité?

Nicolas Rouleau, avocat de l’Association des parents de l’École Rose-des-vents.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 15/04/2014 par Gérard Lévesque

L’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés est-il enfreint lorsque le seul établissement d’enseignement en français dans une région est surpeuplé ainsi que moins spacieux, attrayant, fonctionnel et accessible que tout autre établissement anglophone de la même région? Le nombre d’élèves qui profiteraient du droit à l’instruction en français est-il suffisant pour justifier l’instruction dans des établissements d’enseignement de langue française?

Si oui, est ce que les titulaires de ce droit doivent tout de même démontrer qu’il est «pratiquement faisable» de leur fournir des établissements équivalents à ceux de la majorité? Afin de prouver que leurs établissements d’enseignement ne satisfont pas l’article 23 de la Charte, les titulaires de ce droit doivent-ils établir en preuve la ou les parts de responsabilité de la province et/ou du conseil scolaire?

Ces questions seront débattues en décembre prochain en Cour suprême du Canada dans le dossier Association des parents de l’École Rose-des-vents c. Ministère de l’éducation de la province de la Colombie-Britannique.

Établie à Vancouver en 2001, l’École Rose-des-vents est une école élémentaire de langue française qui accueille environ 350 élèves. Il s’agit de la seule école élémentaire francophone desservant la population habitant à l’ouest de la rue Main. Elle est située à proximité d’une école secondaire de langue française avec laquelle elle partage depuis un certain temps des installations scolaires.

Depuis de nombreuses années, les parents d’élèves fréquentant l’école réclament un établissement scolaire de qualité équivalente aux établissements scolaires dont dispose la majorité anglophone de la même zone scolaire.

Publicité

En 2010, un regroupement de parents dont les enfants fréquentaient l’École ont présenté une requête en Cour suprême de la Colombie Britannique cherchant à obtenir une déclaration que leurs droits garantis par la Charte avaient été enfreints dans la mesure que les installations scolaires dont ils bénéficient ne rencontrent pas les normes prévues par l’article 23 de la Charte. Selon les demandeurs, l’École Rose-des-vents est surpeuplée, moins facilement accessible que les écoles de langue anglaise de la région et ses installations de piètre qualité.

À l’étape préliminaire de la gestion de l’instance, le juge Willcock a noté la vulnérabilité de la minorité de langue officielle, telle que décrite en ces mots au paragraphe 29 de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62:

«Les droits garantis par l’art. 23 (de la Charte) présentent une autre caractéristique: en raison de l’exigence du «nombre justificatif», ils sont particulièrement vulnérables à l’inaction ou aux atermoiements des gouvernements. Le risque d’assimilation et, par conséquent, le risque que le nombre cesse de ‘justifier’ la prestation des services augmentent avec les années scolaires qui s’écoulent sans que les gouvernements exécutent les obligations que leur impose l’art. 23. Ainsi, l’érosion culturelle que l’art. 23 visait justement à enrayer peut provoquer la suspension des services fournis en application de cette disposition tant que le nombre cessera de justifier la prestation de ces services. De telles suspensions peuvent fort bien devenir permanentes en pratique, mais non du point de vue juridique. Si les atermoiements sont tolérés, l’omission des gouvernements d’appliquer avec vigilance les droits garantis par l’art. 23 leur permettra éventuellement de se soustraire aux obligations que leur impose cet article. La promesse concrète contenue à l’art. 23 de la Charte et la nécessité cruciale qu’elle soit tenue à temps obligent parfois les tribunaux à ordonner des mesures réparatrices concrètes destinées à garantir aux droits linguistiques une protection réelle et donc nécessairement diligente.»

Le juge a donc ordonné que l’audition de la requête ait lieu en trois phases, la première consistant à déterminer si les installations et le transport scolaire dont bénéficient les demandeurs sont équivalents aux installations et transport scolaire dont disposent les élèves fréquentant des écoles de langue anglaise se trouvant dans une situation analogue.

Subséquemment, la décision écrite par le juge Willcock a représenté une importante victoire pour les droits scolaires de la minorité. Toutefois, comme cela arrive souvent dans ce genre de dossiers, le gouvernement provincial en a appelé. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a infirmé la déclaration du juge de première instance selon laquelle les demandeurs n’ont pas accès aux établissements scolaires qui leur sont garantis par l’article 23 de la Charte. Il appartient maintenant au plus haut tribunal du pays de clarifier l’étendue des droits scolaires constitutionnels de la minorité de langue officielle.

Publicité

Dans ce dossier, l’Association des parents est représentée par Maître Nicolas Rouleau (720, avenue Brock, Toronto M6H 3P2; téléphone: (416) 885-1361; courriel: [email protected]

Commentaires sur la décision de première instance

Arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur