On peut très bien entendre une personne parler sans toutefois comprendre un seul mot de ce qu’elle dit. Voilà pourquoi il est important de saisir la différence entre «être entendu» et «être compris».
La Cour suprême du Canada a tenté à plusieurs occasions d’éliminer la confusion entre les principes de justice fondamentale et les droits linguistiques. Dans l’arrêt R. c. Beaulac, [1999] 1 RCS 768, le juge Bastarache a écrit au nom de la majorité de ses collègues, au paragraphe 41:
«Le droit à un procès équitable est universel et il ne peut pas être plus important dans le cas de membres des collectivités des deux langues officielles au Canada que dans celui de personnes qui parlent d’autres langues. Les droits linguistiques ont une origine et un rôle complètement distincts. Ils visent à protéger les minorités de langue officielle du pays et à assurer l’égalité de statut du français et de l’anglais.»
Tous les justiciables canadiens bénéficient des garanties juridiques constitutionnelles, dont le droit à l’assistance d’un interprète. Il y a donc lieu de s’interroger pourquoi la première disposition réglementaire prise en application du droit des Albertains de parler français devant les tribunaux vise l’interprétation plutôt que la capacité du juge de comprendre le français. En effet, le paragraphe 2(1) du Règlement 158/2013 indique que, lorsqu’un justiciable désire utiliser le français ou désire que son conseiller juridique utilise le français dans une instance, le justiciable fournit à cet égard un avis raisonnable au poursuivant et à la Cour ; le procureur de la Couronne doit alors faire les démarches pour que le service d’interprétation soit disponible à l’audience.
Il résulte de ce paragraphe que le juge et le procureur de la Couronne seront unilingues anglais et ne comprendront le justiciable francophone et son avocat que par l’entremise d’un interprète.