Charte des valeurs québécoises: in extenso

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Publié 11/09/2013 par l-express.ca

Voici de larges extraits des propositions du gouvernement du Québec en matière de neutralité religieuse de l’État et d’encadrement des accommodements religieux, présentées mardi par le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville. Source: http://www.nosvaleurs.gouv.qc.ca/fr

«Il y a bientôt un an, la première ministre m’a confié le mandat de présenter aux Québécoises et aux Québécois des solutions pour baliser les demandes accommodements religieux et assurer la neutralité religieuse de l’État. C’est ce que nous faisons en rendant publiques nos propositions. Il s’agit de propositions mesurées et équilibrées. Elles sont porteuses de relations harmonieuses et de cohésion sociale, dans un Québec de plus en plus multiethnique, multireligieux; un Québec pluriel», a affirmé Bernard Drainville.  

Ces cinq propositions s’appuient sur les grandes valeurs québécoises dont, notamment, l’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que la neutralité religieuse des institutions de l’État québécois. Elles se définissent comme suit :

1. Baliser les demandes d’accommodement dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Y inscrire, également, la séparation des religions et de l’État, la neutralité religieuse de l’État et le caractère laïque de ses institutions, en tenant compte de notre patrimoine historique commun; 

2. Établir, dans la loi, un devoir de réserve et de neutralité religieuse pour le personnel de l’État dans l’exercice de ses fonctions;

3. Encadrer le port des signes religieux ostentatoires pour le personnel de l’État durant les heures de travail (cette proposition est assortie d’un droit de retrait d’une durée d’au plus cinq ans, renouvelable pour certains secteurs); 

4. Rendre obligatoire le visage découvert lorsqu’on donne ou reçoit un service de l’État;

5. Établir une politique de mise en œuvre de la neutralité religieuse de l’État et de l’encadrement des accommodements religieux pour les organismes de l’État.

DÉFINIR DES RÈGLES CLAIRES POUR TOUT LE MONDE

Depuis 2006, plusieurs cas d’accommodements religieux très médiatisés ont suscité un profond malaise au Québec. Ces accommodements ont heurté des valeurs chères aux Québécoises et Québécois, telles l’égalité entre les femmes et les hommes et la neutralité religieuse de l’État. Mandatée pour étudier ces enjeux, la commission Bouchard-Taylor a remis son rapport en 2008. Depuis, rien n’a été réglé.

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Ces divisions résultent en partie de l’absence de règles claires pour baliser les demandes d’accommodement religieux. Pour préserver la paix sociale et favoriser la cohésion, nous devons éviter de laisser les tensions s’accroître.

Malgré une volonté populaire, souvent exprimée, de mieux encadrer les demandes d’accommodement religieux, le gouvernement n’avait à ce jour posé aucun geste significatif pour clarifier la situation. Le laisser-aller entretient les divisions plutôt que de mettre l’accent sur ce qui nous rapproche.

Cet encadrement sera bénéfique pour tous les Québécoises et Québécois, incluant les nouveaux arrivants. Nous serons mieux servis par un État qui nous traite toutes et tous également.

AFFIRMER LES VALEURS QUÉBÉCOISES

L’histoire du Québec est une histoire d’inclusion. La société québécoise est de plus en plus multiethnique, bénéficiant de la contribution des Québécoises et Québécois de toutes origines. Nous sommes un peuple accueillant, ouvert sur le monde, mais il faut clarifier le contrat social afin de faciliter l’intégration de chaque personne, peu importe son origine ou ses croyances.

Aujourd’hui, des valeurs fondamentales animent la société québécoise, notamment la primauté du français, l’égalité entre les femmes et les hommes et la neutralité religieuse des institutions de l’État québécois. Le temps est venu de nous rassembler autour de nos valeurs communes.

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HOMMES OU FEMMES, TOUS ÉGAUX

De grandes figures historiques comme Jeanne Mance, Marie Gérin-Lajoie, Marie-Claire Kirkland-Casgrain, Irma LeVasseur et Madeleine Parent ont marqué le combat pour les droits des femmes dans la société québécoise. Le travail de ces pionnières a contribué à inscrire l’égalité entre les femmes et les hommes au cœur de nos valeurs collectives.

Les femmes québécoises de toutes origines et de toutes croyances doivent bénéficier des mêmes droits, du même respect et des mêmes chances de réussite que les hommes.

Cette valeur essentielle doit toujours nous guider. Le gouvernement propose d’établir qu’un accommodement religieux ne puisse être accordé que s’il respecte l’égalité entre les femmes et les hommes.

UN PATRIMOINE HISTORIQUE À PARTAGER

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Riche de son histoire, le Québec est fier de son patrimoine qui explique d’où nous venons et ce que nous sommes aujourd’hui. Il importe de le transmettre aux jeunes générations et à toute personne venue d’ailleurs, afin qu’ils enrichissent à leur tour cet héritage.

La religion a occupé un rôle fondamental dans l’histoire du Québec ; nous devons protéger cet héritage. C’est pourquoi le gouvernement propose de préserver les éléments emblématiques du patrimoine culturel du Québec, qui témoignent de son parcours historique. Le crucifix de l’Assemblée nationale, la croix du mont Royal ainsi que les éléments toponymiques qui ornent le paysage québécois, tels les noms des municipalités et des écoles, en sont quelques exemples.

Nous souhaitons ainsi assurer la séparation de l’État et des religions ainsi que la neutralité et le caractère laïque de nos institutions, tout en protégeant notre héritage culturel et historique.

UN ÉTAT NEUTRE NOUS SERT TOUS

L’État a un devoir de neutralité qui découle implicitement de la liberté de conscience et de religion. Cette neutralité permet à une personne de croire et de manifester sa croyance, tout comme elle lui permet de ne pas croire et de ne pas adhérer à une croyance.

Le meilleur moyen de respecter les croyances de chaque personne est que l’État demeure neutre et n’ait aucune religion. Ce principe favorise le pluralisme en assurant un traitement égal et juste de toutes les croyances. À ce jour, la neutralité religieuse des institutions québécoises n’est définie et affirmée nulle part dans nos textes de loi. La reconnaissance claire dans notre droit de cette neutralité de l’État renforcerait l’égalité de tous les citoyens et citoyennes, peu importe leurs convictions.

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Si l’État est neutre, chaque personne qui le représente doit l’être également. Présentement, le personnel travaillant pour l’État peut manifester ses croyances religieuses sur les lieux de travail en raison de l’absence de règles. Désormais, ces employées et employés devraient faire preuve de neutralité religieuse, aussi bien dans leurs comportements que dans leur apparence. Les fonctionnaires sont déjà assujettis à un devoir de neutralité et de réserve en ce qui concerne leurs opinions politiques. Il en serait de même pour le personnel de l’État quant aux convictions religieuses et au port de signes religieux démonstratifs.

MODIFIER LA CHARTE QUÉBÉCOISE DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE

1re PROPOSITION :
Inscrire, dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, les valeurs de la société québécoise, dont la neutralité de l’État et le caractère laïque des institutions publiques, et y baliser les demandes d’accommodement religieux

Les mesures proposées dans cette première orientation visent à assurer la laïcité de l’État et à renforcer le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Elles prévoiraient également des balises pour encadrer les demandes d’accommodement religieux. Ces modifications auraient des effets directs et concrets sur les rapports entre l’État québécois et la population.

Ces modifications permettraient de donner une reconnaissance juridique explicite au concept de laïcité. En effet, la Charte a préséance sur les autres lois du Québec et elle s’applique aux actes posés par toute personne, incluant l’État.

Un message clair, qui n’est pas sans valeur pédagogique, serait ainsi envoyé à l’ensemble des Québécoises et Québécois, selon lequel la laïcité, la séparation des religions et de l’État et la neutralité religieuse des institutions publiques constituent des valeurs fondamentales structurantes de la nation québécoise.

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Le devoir de neutralité de l’État serait ainsi établi de façon explicite dans notre droit comme condition à l’égalité des personnes et à l’égalité de traitement de toutes les croyances, religieuses ou autres, en plus de spécifier que la neutralité religieuse devrait guider l’action des pouvoirs publics.

En outre, les modifications permettraient de tenir compte des éléments emblématiques et toponymiques du patrimoine culturel du Québec, qui témoignent de son parcours historique. L’affirmation de la laïcité ne devrait pas avoir pour effet de supprimer tout référent historique qui a une connotation religieuse et une valeur patrimoniale.

UNE DÉFINITION DE L’ACCOMMODEMENT

Une définition de l’accommodement serait donnée afin d’établir que celui-ci constitue un aménagement d’une norme ou d’une pratique d’application générale, fait en vue d’accorder un traitement différent à une personne qui, autrement, subirait des effets préjudiciables en raison de l’application de cette norme ou de cette pratique.

Ainsi, le gouvernement viendrait préciser que seules les demandes reposant sur une discrimination et entraînant un préjudice sont des demandes d’accommodement recevables et doivent être traitées comme telles.

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DES ACCOMMODEMENTS QUI RESPECTERAIENT LES VALEURS COMMUNES

Un accommodement ne pourrait être consenti que s’il respecte d’abord le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes.
En outre, l’accommodement devrait être raisonnable, c’est-à-dire qu’il ne devrait pas imposer de contrainte excessive, eu égard entre autres :
au respect des droits d’autrui ;
à la santé et la sécurité des personnes ;
au bon fonctionnement de l’organisme ou de l’institution ;
ainsi qu’aux coûts qui s’y rattachent.
Une demande d’accommodement qui s’adresse à une institution publique ne pourrait compromettre sa neutralité religieuse, son caractère laïque et la séparation des religions et de l’État.

ÉNONCER UN DEVOIR DE RÉSERVE ET DE NEUTRALITÉ POUR LE PERSONNEL DE L’ÉTAT

2e PROPOSITION :
Établir dans la loi un devoir de réserve et de neutralité en matière religieuse de la part des membres du personnel de l’État dans l’exercice de leurs fonctions

Afin de refléter la séparation des religions et de l’État et la neutralité de celui-ci, le gouvernement considère que ses employées et employés devraient, dans l’exercice de leur travail, faire preuve de neutralité religieuse ainsi que de réserve dans l’expression de leurs croyances religieuses.

Actuellement, les fonctionnaires, au sens de la Loi sur la fonction publique, sont déjà assujettis à un devoir de neutralité et de réserve à l’égard de leurs opinions politiques. Ce devoir est aussi énoncé dans plusieurs lois et règlements qui s’appliquent aux représentantes et représentants de l’État. Le gouvernement propose que le devoir de neutralité et de réserve s’applique en matière religieuse aux fonctionnaires, d’une part, et qu’il s’étende, d’autre part, à l’ensemble du personnel de l’État au sens large, c’est-à-dire les ministères et organismes gouvernementaux, les réseaux publics de santé, de services sociaux et d’éducation ainsi que les municipalités, en y ajoutant les personnes qui exercent une fonction juridictionnelle, nommées par le Québec.

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L’obligation de neutralité et de réserve en matière religieuse comprendrait deux aspects :
que les membres du personnel de l’État accomplissent leurs tâches avec toute l’objectivité nécessaire, indépendamment de leurs opinions et croyances en matière religieuse ;
qu’ils s’abstiennent de tout prosélytisme dans le cadre de leurs fonctions.

ENCADRER LE PORT DES SIGNES RELIGIEUX OSTENTATOIRES

3e ORIENTATION :
Dans la foulée du devoir de réserve et de neutralité en matière religieuse, le gouvernement propose d’interdire le port de signes religieux ostentatoires aux membres du personnel de l’État dans l’exercice de leurs fonctions.

Le personnel travaillant au sein de ces institutions et organismes serait visé par cette mesure :
le personnel des ministères et organismes du gouvernement, qui est nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique ;
le personnel des organismes budgétaires, des organismes non budgétaires et des entreprises du gouvernement ;
les organismes gouvernementaux mentionnés à l’annexe C de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs publics et parapublics ;
les personnes désignées par l’Assemblée nationale pour exercer une fonction qui en relève, ou tout organisme dont l’Assemblée nationale ou l’une de ses commissions nomme la majorité des membres2 ;
le système de justice provincial (juges nommés par le Québec, procureures et procureurs aux poursuites criminelles et pénales) ;
les services policiers municipaux et la Sûreté du Québec ;
les services correctionnels québécois ;
le personnel des commissions scolaires (notamment des écoles primaires et secondaires publiques) ;
le personnel des centres de la petite enfance (CPE), des garderies privées subventionnées et des bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial.

Serait également visé le personnel travaillant dans ces institutions et organismes :
les municipalités, y compris les arrondissements, les sociétés de transports, les communautés métropolitaines et les régies intermunicipales ;
le réseau public de la santé et des services sociaux (les agences de la santé et des services sociaux et les établissements publics) ;
les collèges d’enseignement général et professionnel et les établissements universitaires.
Toutefois, une municipalité, y compris les arrondissements3, un établissement du réseau public de la santé et des services sociaux, un collège d’enseignement général et professionnel et un établissement universitaire pourraient se prévaloir d’un droit de retrait valable pour une période de cinq ans renouvelable. Cette décision devrait être prise par un vote majoritaire du conseil municipal, du conseil de l’arrondissement ou du conseil d’administration des établissements visés.

Enfin, il importe de souligner que le personnel de ces institutions et organismes ne serait pas visé par cette mesure :
les écoles privées et les collèges privés ;
les personnes travaillant dans les garderies privées non subventionnées et les personnes reconnues à titre de responsables d’un service de garde en milieu familial subventionné en vertu de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance.

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Dans le cadre de leurs fonctions, les membres du personnel de l’État devraient veiller à ne pas porter de signes très apparents tels un couvre-chef, un vêtement, une parure ou un accessoire ayant un caractère démonstratif important, porté de façon facilement visible et qui véhicule une signification d’appartenance religieuse. Il est entendu que les signes discrets, par exemple une petite épinglette ou un petit pendentif, ne seraient pas visés par cette mesure.

Exemples de signes interdits :
la croix chrétienne ou la double croix orthodoxe de grande dimension, la kippa, le hijab, le niqab, la burqa, le turban.

Exemples de signes autorisés :
la croix, l’étoile de David ou le croissant étoilé, de petites dimensions.

PROJETER UNE IMAGE DE NEUTRALITÉ

Le port de signes ostentatoires revêt en soi un aspect de prosélytisme passif ou silencieux qui apparaît incompatible avec la neutralité de l’État, le bon fonctionnement de ses institutions et leur caractère laïque. Indépendamment du comportement de la personne, un tel signe à caractère religieux est susceptible de soulever un doute sur le fait que l’État est neutre et apparaît neutre.

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Cette exigence ne remettrait nullement en cause les aptitudes et le professionnalisme du personnel, mais témoigne simplement du fait que cela est incompatible avec la nature de sa fonction au sein du service public.

En outre, il faut préciser que les personnes qui obtiennent des services de l’État, tels les élèves, demeureraient libres d’afficher leurs croyances dans le respect des droits d’autrui et du bien-être général. Elles ne seraient pas visées par cette proposition, qui toucherait uniquement le personnel de l’État. Toutefois, si les bénéficiaires des services publics formulaient une demande d’accommodement, ils seraient assujettis, comme l’ensemble des Québécoises et des Québécois, aux nouvelles balises exposées dans le document d’orientation.

LE DOMAINE SCOLAIRE

En ce qui a trait au domaine scolaire, cette mesure s’inscrirait en droite ligne avec le parachèvement de la laïcisation de ces institutions. Depuis peu, les écoles publiques sont déconfessionnalisées et il va de soi que leurs représentantes et représentants devraient refléter cette neutralité. D’autant que leur position d’autorité leur confère un réel pouvoir d’influence sur les élèves, notamment sur le plan de leurs croyances.

Il faut rappeler que dans les années 60, au Québec, beaucoup de religieuses et de religieux qui œuvraient dans les établissements d’enseignement ont volontairement abandonné leurs uniformes religieux pour travailler dans ces institutions qui passaient aux mains de l’État. Cinquante ans plus tard, il importe de ne pas réintroduire un caractère religieux en permettant au personnel qui travaille au sein du réseau scolaire public de porter des signes démonstratifs facilement visibles.

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LES JEUNES ENFANTS

Il est important que le personnel des CPE, des garderies privées subventionnées ainsi que des bureaux coordonnateurs reflètent la neutralité de l’État, puisque les jeunes enfants sous leur responsabilité n’ont pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d’appartenance religieuse.

LE DROIT DE RETRAIT

Ce mécanisme introduirait un élément de flexibilité auprès de certains organismes et institutions de l’État dont la nature requiert une plus grande souplesse. Toutefois, il ne pourrait viser l’obligation d’avoir le visage découvert, prévue à la quatrième orientation.

Afin de respecter l’autonomie des municipalités et des arrondissements, ainsi que celle de leurs élues et élus, ces organismes pourraient choisir d’assujettir ou non les membres de leur personnel (sauf les policières et policiers, ainsi que les pompières et pompiers) à l’interdiction de porter des signes religieux ostentatoires. Une résolution à cet effet serait valable pour une durée déterminée n’excédant pas cinq ans et pourrait être renouvelée. Chaque municipalité pourrait donc être appelée à se saisir de cette question, à en débattre en tenant compte de sa situation particulière et, le cas échéant, à se justifier auprès de l’opinion publique si elle choisissait de se soustraire à la mesure.

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Un régime semblable serait également applicable dans le réseau public de la santé et des services sociaux afin qu’il puisse s’adapter à la variété des situations présentes dans ce réseau, particulièrement à Montréal où des établissements sont historiquement liés à certaines communautés.

Cette approche serait aussi applicable dans les collèges d’enseignement général et professionnel ainsi que dans les établissements universitaires. Cela permettrait de respecter l’autonomie de ces institutions postsecondaires ainsi que de tenir compte du fait que, dans celles-ci, il existe parfois des départements ou des facultés de théologie ou de sciences religieuses.

RENDRE OBLIGATOIRE LE VISAGE À DÉCOUVERT LORSQU’ON DONNE OU REÇOIT UN SERVICE DE L’ÉTAT

4e PROPOSITION :
Prévoir dans la loi que les services de l’État doivent être donnés et reçus à visage découvert

Le gouvernement propose d’établir la règle générale selon laquelle les services de l’État seraient fournis et reçus à visage découvert. Cette règle viserait à faire en sorte que lorsqu’il y aura interaction entre un membre du personnel de l’État et une personne dans le cadre de la prestation d’un service, le visage de ces personnes devrait être découvert.

Cette orientation s’inscrit dans le prolongement des modifications apportées aux lois électorales québécoises en 2007 afin de prévoir que l’identification de chaque électrice et chaque électeur, avant le vote, doit s’effectuer à visage découvert. Également, la Société d’assurance automobile du Québec prévoit que la prise de photo pour l’obtention du permis de conduire s’effectue à visage découvert.

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La pièce de vêtement, le masque ou tout autre objet couvrant le visage devrait être retiré lors de la prestation de services afin qu’il soit possible de voir facilement le visage de la personne qui dispense ou reçoit des services de l’État dans les ministères, organismes et établissements visés. Il en irait ainsi, par exemple, dans les écoles publiques, les collèges d’enseignement général et professionnel et les établissements universitaires entre les élèves, les enseignantes et les enseignants pour la prestation des services éducatifs.

En revanche, dans le cas, par exemple, d’une personne malade, accidentée ou défigurée, un aménagement à cette règle serait accordé.

Toutefois, compte tenu du contexte, un aménagement devrait être refusé lorsque des motifs portant sur la sécurité, l’identification ou le niveau de communication requis le justifient.

Par exemple, un aménagement ne pourrait être accordé dans ces cas :
nécessité de vérifier qu’une personne ne représente pas un risque pour autrui ;
nécessité d’émettre une carte de sécurité avec photo pour donner accès à des locaux à une personne qui y a véritablement droit ;
nécessité de voir le visage d’une ou un élève pour s’assurer de sa compréhension et favoriser l’échange pédagogique ;
nécessité de s’assurer que la personne qui reçoit le service est bien celle qui est visée.

ÉTABLIR UNE POLITIQUE DE MISE EN ŒUVRE POUR LES ORGANISMES DE L’ÉTAT

5e PROPOSITION :
Baliser les demandes d’accommodement religieux et prévoir une obligation pour les ministères, organismes et établissements de se doter de politiques de mise en œuvre

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Le gouvernement propose de prévoir dans la loi un cadre pour traiter les demandes d’accommodement religieux par les institutions étatiques. Ainsi, des règles visant à encadrer les demandes de congé pour des fins religieuses pourraient être énoncées. Cela permettrait de favoriser l’équité de traitement chez tout le personnel.

Les ministères, organismes et établissements devraient se doter d’une politique de mise en œuvre de ce cadre ainsi que des autres obligations qui pourraient être prévues par la loi, le cas échéant. Ces politiques seraient établies en tenant compte de la mission particulière de ces entités et des caractéristiques de leur clientèle (patients, élèves, détenus, etc.).

L’adoption de politiques de mise en œuvre permettrait d’incarner plus spécifiquement au sein de chaque ministère, organisme et établissement les éléments suivants, en tenant compte de leur mission et caractéristiques particulières :
l’obligation générale de respecter la neutralité de l’État et le caractère laïque des institutions publiques québécoises ;
l’obligation de leurs dirigeantes et dirigeants de la mettre en œuvre ;
l’obligation pour le personnel et les gestionnaires de faire preuve de réserve et de neutralité en matière religieuse dans le cadre de leur travail ;
la procédure pour s’assurer que les conditions entourant une demande d’accommodement sont remplies :
il s’agit bien d’un accommodement au sens de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne ;
il respecte l’égalité entre les femmes et les hommes ;
il est raisonnable, c’est-à-dire qu’il n’impose pas de contrainte excessive eu égard, entre autres, au respect des droits d’autrui, à la santé ou à la sécurité des personnes, à ses effets sur le bon fonctionnement de l’organisme ainsi qu’aux coûts qui s’y rattachent ;
il ne compromet pas la neutralité religieuse de l’organisme public et son caractère laïque ;
l’imputabilité du sous-ministre, du conseil d’administration et de la personne qui dirige l’organisme ou l’établissement ;
la reddition de comptes annuelle dans le cadre du rapport de gestion du ministère, de l’organisme ou de l’établissement. Pour les municipalités ou les organismes scolaires, l’information pourrait se retrouver sur leur site internet ;
la diffusion publique des règles et procédures internes des ministères, organismes ou établissements.

DES RÈGLES ADAPTÉES À CHAQUE MILIEU

Les institutions de l’État devraient donc se doter de leurs propres règles selon le cadre qui pourrait être fixé par la loi. Cela ferait en sorte, par exemple, qu’un accommodement devrait respecter la mission d’un organisme de l’État.

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Ainsi, dans le cas d’une école publique, il ne devrait pas compromettre par exemple :
le caractère laïque de l’école ;
l’obligation de fréquentation scolaire ;
le régime pédagogique établi par le gouvernement ainsi que le projet éducatif de l’école ;
la mission de l’école qui est d’instruire, de socialiser et de qualifier les élèves, dans le respect du principe de l’égalité des chances, tout en les rendant aptes à entreprendre et à réussir un parcours scolaire ;
la capacité de l’école de dispenser aux élèves les services éducatifs prévus par la loi.

Il faut mentionner également que pour des raisons de santé et d’hygiène, plusieurs centres hospitaliers disposent déjà de politiques relatives à la tenue vestimentaire et à l’apparence personnelle, qui interdisent les couvre-chefs et le port de bijoux.

De même, la Loi sur la santé et les services sociaux prévoit des règles touchant le respect des besoins spirituels des personnes. Ces règles ne seraient pas modifiées et continueraient à faire partie des considérations devant guider la prestation des services de santé et des services sociaux. Il en serait de même pour les services d’animation spirituelle et de pastorale, notamment dans les institutions postsecondaires et les centres de détention.

UNE MESURE QUI FAVORISERAIT LA PRÉVISIBILITÉ ET L’ÉQUITÉ

L’adoption des politiques de mise en œuvre ferait en sorte que la prévisibilité des réponses aux demandes d’accommodement serait accrue et les risques de dérapages, minimisés. Lorsqu’une demande d’accommodement serait formulée, elle pourrait être évaluée en fonction du processus établi et des balises mises en place.

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Chaque citoyenne ou citoyen aurait ainsi l’assurance qu’à la base, les institutions de l’État édictent des règles qui confirment le fait qu’elles ont un caractère laïque, qu’elles sont neutres à l’égard de toutes les croyances ou non-croyances et respectueuses de l’égalité entre les sexes.

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