Corruption: le maire de Montréal démissionne au lendemain de son arrestation

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Publié 18/06/2013 par Pierre Saint-Arnaud (La Presse Canadienne)

à 18h02 HAE, le 18 juin 2013.

MONTRÉAL – La mairie de Montréal est à nouveau vacante.

Michael Applebaum a annoncé mardi après-midi qu’il démissionne du poste de maire, au lendemain de son arrestation sous 14 accusations de fraude, corruption, abus de confiance et complot.

«Être maire n’est pas une tâche que l’on peut faire en se défendant face à des accusations et vous comprendrez que je vais miser toutes mes énergies sur ma défense et sur ma famille. C’est pour cela que je vous annonce que je démissionne à titre de maire de Montréal. C’est le geste responsable à faire», a déclaré M. Applebaum dans une courte déclaration d’à peine deux minutes à l’hôtel de ville, à l’issue de laquelle il n’a répondu à aucune question.

M. Applebaum est soupçonné d’être mêlé à une affaire de pots-de-vin et de favoritisme relativement à deux projets immobiliers dans son arrondissement de Côte-des-Neiges – Notre-Dame-de-Grâce, des soupçons qu’il rejette vigoureusement.

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«Je maintiens mon innocence. (…) J’ai l’intention de me battre comme je l’ai toujours fait et je n’ai jamais pris un sou de personne», a-t-il dit.

Sa démission n’a pas mis de temps à soulever des tensions au sein de la fragile coalition qui régnait sur Montréal sous la direction du maire démissionnaire.

Les élus montréalais devront maintenant se choisir un autre maire capable d’assurer l’intérim jusqu’à l’élection municipale du 3 novembre prochain et les chefs des deux partis d’opposition ont aussitôt jeté leur dévolu sur des candidats différents.

La chef de Vision Montréal, qui constitue l’opposition officielle à l’hôtel de ville, Louise Harel, a d’abord salué la décision de Michael Applebaum, soulignant que celui-ci avait agi avec dignité.

Le candidat idéal

Puis, elle a défini des critères assez restrictifs quant à ce qui constituait un bon et un mauvais candidat.

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«Ce que je recommande très fortement, c’est que ce soit un élu qui siège déjà au comité exécutif de la ville et qui, d’aucune façon, ne soit (…) dans un arrondissement qui a été l’objet de perquisitions et qui, d’aucune façon, ne soit concerné par quelque rumeur qui serait portée à l’attention de l’opinion publique», a-t-elle indiqué.

Puis, elle a confirmé qu’elle appuyait la candidature de l’actuel président du comité exécutif, Laurent Blanchard, qui siège comme indépendant mais qui a été élu sous la bannière de Vision Montréal.

Mme Harel a dit souhaiter un candidat qui fasse consensus entre les élus, de manière à ce qu’un nouveau maire puisse être choisi avant le week-end, puisque la période de mise en candidature, qui s’ouvre mercredi, prendra fin vendredi.

Intégrité

Or, dans les secondes suivant son point de presse, son adversaire et chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, a présenté son propre candidat, le maire de l’arrondissement Rosemont – Petite Patrie, François William Croteau.

«Il nous apparaît que la seule personne en qui nous puissions avoir confiance est une personne issue de nos rangs, a soutenu M. Bergeron. Parce que cette personne issue de nos rangs assure aussi qu’il n’y aura plus de perquisitions à l’hôtel de ville. L’intégrité, l’honnêteté sans faille, c’est la première marque de commerce de Projet Montréal.»

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M. Croteau s’est toutefois dit prêt à céder sa place si une autre candidature semblait faire consensus. La présence d’un seul candidat éviterait une élection car celui-ci serait élu par acclamation.

M. Bergeron a ajouté d’autres critères pour un éventuel candidat, soit l’absence de perquisitions dans le conseil d’arrondissement d’un candidat éventuel, une assurance que ce candidat voudra maintenir la coalition et que celui-ci s’engage à assurer les services sans prendre de grandes décisions politiques avant l’élection du 3 novembre.

M. Bergeron a par ailleurs qualifié la démission du maire Applebaum de nouvel épisode de l’histoire d’horreur des 12 années noires d’Union Montréal et a ajouté qu’il fallait «tuer (ce parti) une fois pour toutes» en évitant d’élire un de ses anciens représentants convertis en indépendants.

L’administration fonctionne

À Québec, le ministre responsable de la métropole, Jean-François Lisée, a tenu à rassurer les citoyens, précisant que l’administration municipale montréalaise demeurait efficace, malgré l’instabilité politique qui secoue l’hôtel de ville.

«Une partie de notre sérénité vient aussi du fait que ces derniers mois, l’administration à la fois du ministère des Affaires municipales et de la métropole a fonctionné de façon quasi quotidienne avec l’administration montréalaise, de façon très collaborative», a indiqué M. Lisée lors d’un point de presse.

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«On n’est pas du tout en face d’une ville qui est dysfonctionnelle», a-t-il lancé, ajoutant toutefois que la ville avait besoin de «sang neuf».

Pour sa part, le ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault, a formulé quelques souhaits quant aux qualités que devra posséder le remplaçant de M. Applebaum.

Il espère notamment que la personne qui assurera l’intérim jusqu’à l’élection municipale du 3 novembre saura travailler de concert avec tous les élus, peu importe leur allégeance politique.

À son avis, le nouveau maire par intérim devra «s’assurer de travailler en équipe, d’être au-dessus de la partisanerie, surtout dans un contexte où on s’en va en élections municipales (…), de s’assurer que la ville va bien, que les projets poursuivent leur cours».

Lune de miel de courte durée

Michael Applebaum a accédé au poste de premier magistrat de Montréal de façon intérimaire le 16 novembre dernier, dans la foulée de la démission du maire Gérald Tremblay. Ce dernier avait jeté l’éponge quelques jours auparavant, après avoir été éclaboussé à quelques reprises devant la Commission Charbonneau.

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Sitôt ses nouveaux habits de maire revêtus, M. Applebaum s’était montré désireux de se distancier de l’héritage de l’administration Tremblay et s’était engagé à lutter sans relâche contre la corruption qui a gangréné Montréal pendant des années.

Lors de son discours d’assermentation, le 19 novembre, il avait promis aux contribuables montréalais de «tout faire pour récupérer (l’argent volé) et de tout faire pour (…) protéger du prochain qui essaiera d’en profiter».

La lune de miel avait été de courte durée. Quelques semaines après son entrée en fonction, à la mi-janvier, il avait été montré du doigt pour avoir participé en 2003 à une activité de financement très privée au restaurant La Cantina — un établissement fréquenté par la mafia.

Il s’était défendu vigoureusement, se disant victime d’une campagne de salissage orchestrée par des opposants qu’il n’avait pas voulu identifier.

«Il y a des gens qui ne sont pas contents que je sois maintenant maire de Montréal», avait-il suggéré aux représentants des médias après que ces informations eurent fait surface dans le quotidien Le Devoir.

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Michael Applebaum a fait son entrée en politique municipale à titre de conseiller. Il a obtenu la faveur des électeurs en 1994 et en 1998 avant d’être élu maire de l’arrondissement de Côte-des-Neiges – Notre-Dame-de-Grâce en 2001.

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