Néandertal, un autre humain

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Publié 09/01/2007 par Gabriel Racle

En 1856, en exploitant une carrière dans la vallée de Neander (Neandertal, en allemand), à une dizaine de kilomètres de Düsseldorf, en Allemagne, des ouvriers ont découvert des ossements et un fragment de crâne qu’ils ont remis à un instituteur local passionné d’histoire naturelle. Il s’est vite rendu compte qu’il s’agissait d’ossements anciens, primitifs, correspondant à un homme nouveau, d’une «conformation naturelle jusqu’ici inconnue».

Cette découverte, faite dans une vallée, dont curieusement le nom signifie «vallée de l’homme nouveau», sera suivie par d’autres et mettra finalement au jour l’existence d’une autre humanité, celle d’Homo neanderthalensis, selon la terminologie scientifique.

Les caractéristiques primitives particulières de l’homme de Néandertal déplairont alors fortement et des paléontologues réputés, comme le français Marcellin Boule, lui donneront l’image d’une brute épaisse, qui subsiste encore de nos jours dans certains milieux.

La situation a changé. Une équipe d’experts germano-suisses a reconstruit une représentation vivante de l’homme originel sur la base de restes crâniens retrouvés il y a 150 ans. L’homme de Néandertal a retrouvé un visage très présentable grâce aux ordinateurs. «Trapu, costaud, mais intelligent. Chasseur redoutable, habile de ses mains et capable de pensée conceptuelle», telle est par exemple la description que l’on en donne aujourd’hui.

Mais surtout, le point essentiel reste celui de la distinction entre l’espèce de Néandertal et l’espèce de l’Homme moderne, Homo sapiens. Pendant longtemps, on a considéré l’homme de Néandertal comme une sous-espèce de l’Homo sapiens, mais depuis 2003, la grande majorité des scientifiques en font une espèce distincte, parallèle. Les analyses de l’ADN de l’Homme de Néandertal et d’Homo sapiens indiqueraient un cheminement séparé des lignées humaine et néandertalienne.

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La «dernière espèce humaine toute proche mais différente de la nôtre» a peuplé l’Europe et l’ouest de l’Asie, entre 300 000 ans et 30 000 ans avant notre ère. Une partie de la communauté scientifique avait longtemps considéré l’Homme de Néandertal comme un être archaïque, peu évolué. Mais il commence à apparaître avec un tout autre visage, celui d’un être doté de capacités intellectuelles et de traditions culturelles. Il a fabriqué un outillage complexe et élaboré, doté parfois de manches collés avec du bitume. On a des preuves qu’il chassait de grands herbivores.

On rattache également à l’Homme de Néandertal les premières manifestations de préoccupations esthétiques ou symboliques, il collectionne de jolis cristaux de roche, des coquillages qu’il perce pour en faire des parures, des pierres étranges, il utilise de l’ocre, il grave de traits, des lignes ou de signes géométriques simples sur des os ou des pierres, il enterre ses morts, bref il manifeste des «traits culturels modernes».

Cet «homme préhistorique» était-il intelligent? L’étude des crânes a fourni une réponse. «Un cerveau de même capacité que le nôtre, avec un cortex associatif préfrontal développé, signe d’une activité cérébrale et émotive intense. Mieux, la position de son larynx, la présence d’un certain os*, montre qu’il avait la capacité physique de parler un langage articulé contenant les trois voyelles universelles: a, i et ou», précise Jean-Louis Heim, anthropologue du Muséum d’histoire naturelle de Paris. (*L’os hyoïde, un petit os qui maintient la base de la langue et qui est indispensable à l’élocution.)

Mais alors, pourquoi cet être évolué a disparu environ 30 000 ans avant notre ère? De nombreuses hypothèses ont fleuri à ce sujet. Est-il mort de faim ou de froid? A-t-il été victime de maladie? A-t-il été absorbé par l’Homo sapiens arrivé en Europe vers – 40 000 ans ou en concurrence avec lui? Les deux espèces ont coexisté, au moins dans l’est de l’Europe, pendant 8 000 à 10 000 ans. Et les données archéologiques montrent qu’il n’y a pas eu une extinction massive, mais une disparition progressive.

«Les recherches sur l’ADN fossile de Néandertal montrent que son patrimoine génétique est différent de celui de l’homme moderne, mais cette différence n’est pas plus grande que celle qui existe entre les génomes de deux groupes de chimpanzés. Et il subsiste dans le génome de l’homme moderne un petit pourcentage de gènes, dont on ne s’explique pas l’origine. Ils pourraient venir de Néandertal», explique Évelyne Heyer, professeur de génétique des populations humaines à Paris.

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Y a-t-il eu un métissage entre les deux espèces? L’hypothèse est envisagée. On étudie aussi la possibilité de problèmes d’ordre génétique liés à une forte consanguinité ou celle d’une épidémie virale, causée des maladies tropicales apportées par les groupes d’hommes modernes.

Métissage ou catastrophe démographique? «La réponse viendra peut-être de nouvelles études génétiques en cours, d’ici 2 ou 3 ans», suggère Évelyne Heyer. «Lorsqu’on parle de disparition, n’oublions pas que nous parlons plutôt en millénaires, voire en dizaines de millénaires… et que Néandertal a tout de même prospéré pendant 300 000 ans, alors que nous n’existons que depuis 120 000 ans», d’ajouter Marylène Patou-Mathis, directrice de recherche au CNRS, spécialiste des Néandertaliens.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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