Un assassin bien élevé et prévenant

Raymond Ouimet, Tuxedo Kid
Raymond Ouimet, Tuxedo Kid – La beauté du diable, essai, Québec, Éditions du Septentrion, coll. Dossiers criminels, 2018, 168 pages, 19,95 $.
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Publié 29/04/2018 par Paul-François Sylvestre

Alfred Hitchcock a déjà dit que «le crime n’a rien d’extraordinaire en soi, ce qui me fascine ce sont les détails de ce crime». C’est ce qui fascine aussi Raymond Ouimet, chroniqueur en histoire et auteur de Tuxedo Kid, un dossier criminel bien documenté sur Léo-Rhéal Bertrand (1913-1953), un bel homme gentil, prévenant, bien éduqué et… assassin d’au moins une de ses deux épouses.

Léo-Rhéal Bertrand reçoit le surnom Tuxedo Kid parce qu’il se présente en cour comme s’il participait au plus chic gala de la haute société. Ce Québécois frappe par sa beauté, son charisme, ses talents musicaux et sa débrouillardise. Il jure cependant dans le décor familial en raison de sa paresse et de ses mensonges. L’auteur écrit que Bertrand est «menteur comme un soutien-gorge» ou «menteur à mille-feuilles».

Voleur de moutons dans sa jeunesse, avorteur amateur à Ottawa-Hull, auteur d’un hold-up raté en banlieue d’Ottawa, Bertrand se marie pour faire de l’argent, soit via la police d’assurance-vie de sa première épouse, soit via un partage des biens considérables de sa seconde épouse. Reste juste à les envoyer ad patres!

Dans ce récit d’une affaire criminelle très médiatisée dans les années 1930 et 1950, Raymond Ouimet fournit plein de renseignements sur les enquêtes policières de l’époque, les cours de justice, les pénitenciers de Kingston et de Montréal. Comme le Tuxedo Kid a vécu à Ottawa au début des années 1930, Ouimet nous apprend que le détective Jean Tissot y a mené une campagne antisémite et qu’il était alors appuyé par l’Ordre de Jacques-Cartier.

En dix-neuf années, le Tuxedo Kid «a subi pas moins de cinq procès, dont quatre pour meurtre, et a obtenu cinq sursis». Il a bénéficié d’un adage selon lequel il vaut mieux avoir un coupable en liberté qu’un innocent en prison. Mais il y a une limite à la présomption d’innocence, limite que Léo-Rhéal Bertrand franchit en 1951.

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Avant de se présenter à l’échafaud le 12 juin 1953, Léo-Rhéal Bertrand doit subir un examen médical, «car, pour être pendu, un homme doit être… en bonne santé». Son poids, sa taille et la dimension de son cou doivent être soigneusement notés afin de permettre au bourreau de régler la longueur de la corde.

Raymond Ouimet étaye son dossier criminel de petits encadrés sur des sujets comme L’avocat de la défense, Le procureur de la Couronne ou La peine de mort au Canada. On y apprend que la sodomie avec un homme ou une bête est passible de mort dès 1859, que la peine capitale ne s’applique qu’aux meurtres de policiers et gardiens de prison à partir de 1967, qu’elle est abolie en 1976, sauf dans la loi martiale (abolition en 1998).

L’auteur note que le meurtre remonte aussi loin que Caïn qui assassine Abel. La Bible permet à Ouimet de rappeler que Dieu Lui-même a été un assassin lors du déluge. «Je ferai pleuvoir sur la terre quarante jours et quarante nuits, et j’exterminerai de la face de la terre tous les êtres que j’ai faits», assène-t-il dans la Genèse.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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