Corruption: le cartel de l’asphalte expliqué

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Publié 23/05/2013 par Lia Lévesque (La Presse Canadienne)

à 15h31 HAE, le 23 mai 2013.

MONTRÉAL – Gilles Théberge, un ancien directeur de Sintra dont la voiture a explosé en 2000, a expliqué à la Commission Charbonneau, jeudi, le fonctionnement du cartel de l’asphalte dans la région de Montréal.

En 2000, les présidents de quatre entreprises, à savoir Sintra, DJL, Simard-Beaudry et Beaver Asphalte, s’étaient rencontrés pour fixer le prix plancher de la matière première et fixer les volumes de production pour chacun, a-t-il expliqué.

C’est son président, Daniel Ducroix, qui le lui avait rapporté, en lui demandant de s’arranger pour faire fonctionner le système à son niveau.

Le système était «compliqué et fastidieux» à gérer sur le terrain, a-t-il rapporté, parce qu’à chaque réunion, il fallait vérifier le niveau de production de telle usine, laquelle était en retard, etc.

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En 2000, «c’était la première fois qu’il y avait une collusion aussi grande que ça», a-t-il opiné. Il y en avait avant, mais pas aussi élaborée, étendue et contraignante.

M. Théberge a été clair: en libre compétition, le profit brut est de 4 à 8 pour cent, mais en collusion, c’est «au moins 30 pour cent et plus».

Pour un contrat privé, l’entreprise pouvait alors vendre la tonne d’asphalte 40 $, contre 50 $ pour le secteur public. «Le public, c’était toujours plus cher.»

Le 15 juin 2000, une bombe a fait exploser la voiture de M. Théberge, la nuit à 2h45, à son domicile de Lorraine.

Son premier réflexe n’a pas été d’appeler la police, mais son président pour lui dire que son véhicule venait d’exploser et qu’il croyait qu’il était allé trop loin dans la collusion. M. Théberge a quitté son emploi chez Sintra à cause de l’incident.

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Il a aussi appelé l’entrepreneur Antonio Accurso, dans les heures qui ont suivi, et ce dernier a nié savoir qui avait fait exploser sa voiture. Si M. Théberge a pensé à M. Accurso, c’est qu’il l’avait rencontré, la veille, lors de l’inauguration de son restaurant L’Onyx, à Laval. Plusieurs autres entrepreneurs assistaient à la fête.

Lors de cette inauguration, M. Théberge avait aussi rencontré l’entrepreneur Joseph Borsellino, de Construction Garnier. M. Borsellino lui avait demandé s’il était intéressé par un projet de 4 millions $ à Saint-Laurent. Mais M. Théberge lui avait dit qu’il ne l’avait pas suffisamment regardé pour se faire une tête et que, de toute façon, ce n’était ni la place ni le moment pour en discuter.

Selon lui, M. Borsellino lui signifiait ainsi qu’il voulait que Sintra lui cède le passage, laisse Construction Garnier obtenir le projet. Finalement, Sintra n’a pas soumissionné.

M. Borsellino n’a pas eu de réaction positive ni négative à sa réplique. Les deux hommes ont simplement convenu de s’en reparler. Mais ils ne l’ont jamais fait, M. Théberge ayant décidé de quitter Sintra après l’explosion de sa voiture dans son entrée de garage.

Quinze jours avant l’explosion de son véhicule, pendant son absence, son voisin d’en face avait vu plusieurs vitres de sa maison fracassées.

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M. Théberge avait alors fait enquête auprès de l’entrepreneur Nicolo Milioto, surnommé Monsieur trottoir devant la Commission Charbonneau. C’est M. Milioto qui lui avait rapporté que les vitres brisées chez son voisin d’en face constituaient «un avertissement» qui lui était adressé, «mais que les gars s’étaient trompés de maison».

M. Théberge croit que ses péripéties sont dues au fait qu’il a parfois dit non à des entrepreneurs qui lui demandaient de se tasser, lors d’un appel d’offres, ou de déposer une soumission de complaisance. Il est parfois plus facile de dire oui pour acheter la paix, a-t-il expliqué, mais «en disant non, il est arrivé ce qu’il est arrivé».

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