Le «Testament» de Mark Carney

Depuis 2008, des années fascinantes et parfois pénibles

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Publié 14/05/2013 par l-express.ca

«Alors qu’à l’échelle du globe, les pays continuent à subir les répercussions douloureuses de la crise financière mondiale, l’ampleur et la gravité des événements ont permis aux autorités publiques de tirer d’importantes leçons au sujet du fonctionnement de la politique monétaire, de son cadre de conduite ainsi que des instruments et des tactiques utilisés.»

C’est ce qu’a déclaré à Edmonton le 1er mai – la veille de l’annonce du nom de son remplaçant, Stephen Poloz, ancien patron d’Exportation et développement Canada – le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, lors d’une conférence portant sur la politique monétaire «après la chute», c’est-à-dire après la crise financière et la récession de 2008-2009.

Ce discours peut donc être considéré comme un «testament» politique canadien de Mark Carney, qui deviendra bientôt chef de la Banque d’Angleterre, l’un des plus grands argentiers de la planète et le premier «étranger» à occuper ce poste prestigieux à Londres.

Troisième gouverneur invité à prononcer la conférence commémorative Eric J. Hanson à l’Université de l’Alberta, M. Carney a notamment cité ses prédécesseurs John Crow (1988) et David Dodge (2008) sur l’engagement ferme et continu de la banque centrale à l’égard de la stabilité des prix.

Aujourd’hui, dans le sillage de la crise financière mondiale, des «questions fondamentales sont soulevées au sujet de la politique monétaire, de sa portée ainsi que des rôles et des responsabilités des banques centrales», a précisé M. Carney.

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Inefficaces et trop puissantes?

«À l’échelle du globe, on accuse maintenant les banques centrales d’être à la fois inefficaces et trop puissantes. On remet en question les objectifs de la politique monétaire», a indiqué M. Carney.

«Il est également admis que la façon dont la politique monétaire interagit avec les autres politiques macroéconomiques, notamment les politiques budgétaire et macroprudentielle, peut nuire à son indépendance et peut-être même à son efficacité.»

Le gouverneur sortant a observé que la stabilité des prix demeure «l’objectif fondamental de la politique monétaire».

Même si la crise avait démontré que le régime flexible de ciblage de l’inflation était le cadre de conduite de la politique monétaire par excellence, «les événements laissaient entrevoir certaines leçons primordiales qui pourraient influencer la forme et la mise en œuvre du régime».

Quelle stabilité?

«Premièrement, la stabilité des prix n’est pas un gage de stabilité financière.»

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Selon le chef sortant de la Banque du Canada, la stabilité des prix peut être associée à une croissance excessive du crédit et à la création de bulles d’actifs qui, à leur tour, peuvent finir par compromettre l’atteinte de la stabilité des prix.

En outre, «la stabilité peut donner lieu à un optimisme excessif susceptible d’entraîner une surestimation de la croissance future des revenus et des prix des actifs, ce qui occasionne pendant un certain temps un boom du crédit et des actifs qui s’autoalimente».

Dernière ligne de défense

«Deuxièmement, la politique monétaire est la dernière ligne de défense contre les vulnérabilités financières.»

Les premières lignes de défense (une attitude responsable de la part des particuliers et des institutions ainsi que la réglementation et la surveillance micro- et macroprudentielles) contribueront fortement à limiter le risque d’excès financiers.

Accessoirement, la politique monétaire pourrait venir compléter les efforts macroprudentiels qui ont déjà été déployés.

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«La question de savoir si elle devrait activement prévenir les déséquilibres dépend de la gravité de ceux-ci et de l’efficacité prévue des mesures macroprudentielles. Dans des cas exceptionnels, le recours à la politique monétaire peut s’avérer nécessaire pour soutenir la stabilité du système financier.»

Taux d’intérêt zéro

«Troisièmement, les banques centrales qui se heurtent à la borne du zéro ne sont pas impuissantes.»

«Lorsque la crise a éclaté, l’atteinte de la valeur plancher des taux d’intérêt, qui n’était jusque-là qu’une vague possibilité, est devenue réalité à une vitesse hallucinante. C’est ce qui a amené les banques centrales à élaborer rapidement des mesures non traditionnelles, comme l’assouplissement direct du crédit, l’assouplissement quantitatif et les indications exceptionnelles, afin d’augmenter le degré de détente monétaire.»

Certitude stimulante

«Quatrièmement, l’importance de la communication.»

En avril 2009, la Banque du Canada s’est engagée à maintenir les taux à leur valeur plancher jusqu’à la fin du deuxième trimestre de 2010, sous réserve des perspectives concernant l’inflation. «L’engagement conditionnel a donné les résultats escomptés parce qu’il était exceptionnel, explicite et arrimé à un régime de ciblage de l’inflation très crédible», estime M. Carney.

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Comme elles augmentent la durée attendue du maintien des taux à leur valeur plancher, les indications prospectives peuvent faire baisser les taux nominaux à long terme. La plus grande certitude au sujet de la trajectoire des taux renforce cet effet stimulant.

«En précisant (et en balisant) les conséquences de sa stratégie concernant la dynamique d’inflation à court terme, la banque centrale peut aider à ancrer les attentes d’inflation et maintenir sa crédibilité.»

Pouvoir limité

«Cinquièmement, les limites du pouvoir discrétionnaire des banques centrales doivent être clairement définies.»

«Il est possible d’allonger le délai d’atteinte de la cible d’inflation, mais la crédibilité nécessaire au succès d’une telle tactique pourrait être compromise si la flexibilité est poussée à l’extrême, si l’on y a trop souvent recours ou si elle est exercée à la dérobée.»

De plus, la souplesse dont les banques centrales peuvent avoir besoin, tant pour remédier aux conséquences de la crise que pour réduire le risque qu’elle se répète, «soulève une question fondamentale» quant aux limites appropriées qui devraient encadrer les pouvoirs conférés aux banques centrales.

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Selon lui, «un cadre clair améliore la capacité de la banque centrale à rendre compte de ses actes et accroît l’efficacité de sa politique monétaire.» Et «mieux ce cadre sera compris du public, plus grandes seront les chances de réussite»…

Rôle plus large

En conclusion, M. Carney a indiqué que les répercussions de la crise ont élargi le rôle joué par la politique monétaire et accru la flexibilité des régimes de ciblage de l’inflation.

«Les cinq années écoulées depuis la conférence Hanson donnée par le gouverneur Dodge ont été fascinantes et parfois extrêmement pénibles», a affirmé M. Carney. «Si la crise nous a permis de tirer de nombreux enseignements, nous avons encore beaucoup à apprendre.»

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