Plusieurs Français qui immigrent à Toronto préfèrent garder une certaine distance à l’égard des institutions franco-torontoises, voire de langue française elle-même. C’est du moins ce qui ressort d’une étude menée en 2002 et dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Francophonies d’Amérique.
L’auteur de cette étude est le professeur Gilles Forlot, de l’Université catholique de Louvain. Son enquête a pris la forme d’entrevues auprès d’un échantillon de Français et Françaises, et d’observations presque quotidiennes pendant deux ans dans quatre lieux fréquentés par des Français de Toronto: deux bureaux de traduction, une école et un institut culturel.
Après avoir analysé les données de Statistique Canada, Gilles Forlot note d’abord qu’il y a 71 535 francophones à Toronto, dont 5 à 7 000 seraient des Français (selon les recensements et immatriculations consulaires). Il souligne ensuite que la présence francophone dans la Ville-Reine est caractérisée par une dispersion et une absence de territorialisation (pas de quartier français).
Les entrevues menées au cours de cette étude permettent d’affirmer que plusieurs Français de Toronto ne demeurent pas en contact avec leurs compatriotes et les quelques regroupements français qu’ils associent à cette «hiérarchisation sociale et culturelle que l’on a souvent fuie dans le pays d’origine». Nombre de Français viennent à Toronto parce qu’ils sont attirés par les valeurs de liberté et d’égalité que promeut le multiculturalisme canadien et parce qu’ils rejettent «la fermeture d’esprit de certains Français».
L’auteur précise qu’il est fréquent de voir des Français venus s’établir à Toronto pour vivre un certain rêve américain. Du même coup, ils ont quitté leur pays pour fuir «une société française qu’ils estiment sclérosante et hiérarchisée». Il arrive même, selon le chercheur universitaire, que des Français prônent une immersion complète ou une nécessité «d’être complètement isolés» de la francophonie torontoise.
Les observations menées pendant deux ans permettent à Gilles Forlot d’affirmer que le profil de certains immigrants français à Toronto se caractérise «par un désintérêt, voire une méfiance, à l’endroit des Français et des francophones de Toronto». Ce désintérêt ou cette méfiance, note l’auteur, ne diminue en rien l’atout économique que représentent le français et le bilinguisme dans la Ville-Reine.