Marc Fisher crée une Miss Marple québécoise

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 12/12/2006 par Paul-François Sylvestre

Marc Fisher était l’invité de la Bibliothèque publique de Toronto lors du Festival des écrivains de Toronto, en octobre dernier. Il venait tout juste de publier La Femme rousse: chronique de l’amour à l’âge de fer. Il s’agit à la fois d’un roman d’amour et d’un thriller auxquels le lecteur accroche aisément, tant les rebondissements sont nombreux et palpitants.

Marc Fisher met en scène une dénommée Louise Marple, ancienne infirmière, libraire et auteure d’un premier roman. Son collègue Gigi est un libraire gai qui rencontre le bonheur avec un joueur de hockey dans le placard. Mademoiselle Marple, elle, est poursuivie par Charles Bormes, richissime play-boy de 38 ans, qui n’est pas encore marié parce qu’il a rencontré des femmes «qui lui ont posé les mauvaises questions et celles à qui il a donné les mauvaises réponses».

Louise Marple cherche à faire publier le manuscrit d’un roman. Elle se rend vite compte que le monde de l’édition est dominé par les hommes et que, «si vous voulez qu’un homme vous donne ce que vous désirez (contrat de publication), il faut que vous lui donniez ce qu’il désire (faveurs sexuelles). C’est injuste, je sais, et c’est souvent dégueulasse, mais si vous ne voulez pas passer votre vie à attendre à côté de la piste de danse, il faut que vous jouiez le jeu.» L’auteur caricature, bien entendu, mais son constat repose sur une part de vérité.

Mademoiselle Marple rencontre un éditeur et devient aussitôt victime de chantage sexuel. Elle porte plainte à la police, mais les griefs d’une femme harcelée ne valent pas grand chose à moins qu’elle soit à l’article de la mort: «je suis allée à la police, mais tu sais comment c’est: si tu n’arrives pas sur une civière ou le crâne défoncé à coups de marteau, tu ne les intéresses pas». En plus de ce chantage, Loulou Marple est la cible d’un mystérieux homme à la gitane, de plus en plus agressif, au point où la vie de la femme rousse est en danger. À l’image de la fameuse Miss Marple d’Agatha Christie, mademoiselle Louise Marple décide de mener son enquête. Les rebondissements ne manquent pas, tous savamment orchestrés.

L’auteur aime jouer sur les mots et semble y prendre un vif plaisir puisqu’il s’adonne régulièrement à ce jeu. Marc Fisher décrit, par exemple, un homme qui baise comme un pied, puis ajoute que c’est peut-être pour ça qu’il appelle ça «prendre son pied». Ailleurs, Fisher note qu’«une femme pas niquée est une femme… paniquée». L’auteur écrit que chaque homme sait qu’il va mourir un jour, mais lorsqu’on sait quel jour on va mourir, à quelques semaines près, «ça vous fait drôle, ça vous… tue!»

Publicité

Le romancier pousse ses jeux de mots jusqu’à déformer des expressions bien connues. Ainsi, la mère de Louise Marple parle le plus sérieusement du monde en étayant ses conversations avec sa fille d’expressions telles que «tirer le verre du nez», «découvrir le pot de roses», «sauter trop vite sur les conclusions», «riche comme Cirus», «faire plaisir au lego» et «crayonner le bonheur».

La Femme rousse n’est pas seulement un roman d’amour et un thriller, c’est aussi une réflexion sur la vie de couple. Les remarques sur ce sujet se glissent dans un dialogue ou dans une subtile digression du narrateur. À titre d’exemple, il est noté que, au début d’une relation, on découvre plusieurs «plus» chez l’être aimé. Heureusement car, avec le temps, les «moins» arrivent au galop «et si on voulait que la différence des deux soit favorable, c’est-à-dire ne devienne pas l’assassin de la passion, il fallait un bon lot de “plus”, ça prenait souvent deux “plus” pour effacer un “moins”: le couple a une algèbre que seul le couple connaît».

Je recommande fortement la lecture de La Femme rousse car, à travers une intrigue délicieusement complexe et avec une galerie de personnages à la fois drôles et touchants, Marc Fisher dresse une chronique saisissante des amours contemporaines.

Marc Fisher, La Femme rousse: chronique de l’amour à l’âge de fer, roman, Éditions Québec Amérique, Montréal, 2006, 428 pages, 24,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur