Quel système électoral pour l’Ontario?

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Publié 05/12/2006 par Yann Buxeda

Il y a deux ans, le premier ministre de l’Ontario Dalton McGuinty avait annoncé la mise sur pied d’une assemblée indépendante de citoyens sur la réforme électorale. Un consortium dont le mandat était d’évaluer le présent système, d’en déterminer les avantages et failles, et d’éventuellement prescrire une modification du mode de scrutin ontarien.

Le 29 mai dernier, l’assemblée avait commencé à prendre forme, avec la nomination de sa première représentante. Les mois qui avaient suivi avaient vu se constituer un consortium de 103 personnes, chacune représentative d’une circonscription ontarienne, avant que ne débutent six semaines de formation. Un processus aujourd’hui terminé et, la semaine dernière, les premiers débats et travaux ont débuté. Mais la pséphologie est une science complexe. Il existe en effet autant de systèmes électoraux à travers le monde qu’il existe de peuples.

Comme dans toutes les autres provinces et territoires du Canada, le système ontarien est basé sur un mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour. En Ontario, chaque électeur votant se prononce en faveur d’un seul représentant, qui sera le porte-parole de sa circonscription s’il obtient une majorité simple. Un système aisé à comprendre et à première vue équitable, puisqu’il se déroule comme une course d’athlétisme, avec un vainqueur et des vaincus.

Mais le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour présente également des faiblesses, pour ne pas dire des failles. Sa représentativité, notamment, est pointée du doigt.

Dans le cadre d’une élection serrée où le vainqueur ne recueille que 25% des voix, il se trouve à la tête d’une circonscription au sein de laquelle il compterait probablement plus d’opposants que de partisans.

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Par extension, si une telle situation se reproduisait dans une majorité de circonscriptions ontariennes, l’Assemblée législative pourrait être gouvernée par le parti n’ayant pas récolté le plus de votes populaires.

Évidemment, si elle n’est pas exempte de tout reproche, la désignation par scrutin majoritaire uninominal n’est pas la seule à présenter quelques failles. Ainsi, parmi les trois autres grands modèles, chacun possède son lot d’avantages et d’inconvénients. Qu’il s’agisse par exemple du scrutin majoritaire absolu à deux tours, favorisant clairement l’individu aux dépends du courant politique, ou de la représentation proportionnelle qui emprunte le système inverse, chaque méthode suscite débats quant à ses penchants antidémocratiques.

Seul concept capable de contenter les deux camps, le système mixte utilisé notamment en Allemagne, qui propose un scrutin majoritaire uninominal pour 50% des élus, et un système de représentation proportionnelle pour les 50 autres pourcentages. Un mécanisme jugé plus équitable, mais beaucoup plus complexe à assimiler pour l’électeur, ce qui est par conséquent susceptible de provoquer un désintéressement notamment au niveau de la politique locale.

Référendum en 2007?

L’équation comporte donc de multiples inconnues, mais aussi un grand nombre de solutions, toutes approximatives. Néanmoins, l’objectif de l’Assemblée ne réside pas dans l’utopie de trouver un système parfait, mais de garantir une équité maximale, comme le souligne l’une des membres francophone de ce consortium, Mayté Darraidou, sélectionnée pour le quartier de Rosedale à Toronto: «C’est très important pour nous de bien étudier toutes les solutions disponibles. Nous avons la possibilité de nous exprimer et d’être entendus. C’est une belle opportunité et nous devons la saisir pour que nos décisions apportent des changements bénéfiques aux Ontariens.»

Un travail très lourd, et qui nécessitera de faire certains sacrifices, comme le soulignait André Blais, professeur au département de science politique et ultime intervenant des six semaines de formation: «À vous de déterminer les principes que vous jugez prioritaires. On aimerait pouvoir les englober tous, mais ce n’est pas possible.»

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Une variable assimilée par les 103 personnes chargées de l’évaluation qui auront jusqu’à mai 2007 pour informer le gouvernement de l’état des choses. Un laps de temps relativement réduit, d’autant plus que le programme est chargé.

Dans les prochaines semaines, les citoyens d’une quarantaine de municipalités de la province seront sollicités par les membres de l’Assemblée pour partager leurs opinions sur le système en place et les possibilités de modifications. Lors des réunions prévues à cet effet, dix minutes seront accordées à chaque intervenant pour qu’il puisse défendre sa vision des choses.

Un processus qui se terminera début février, date à laquelle l’Assemblée reprendra ses séances plénières afin de débattre des conclusions obtenues. Des discussions qui déboucheront sur la rédaction d’un rapport rendu au gouvernement en mai 2007.

Mais au-delà des simples intérêts citoyens que représente la participation à un tel projet, les participants avouent s’enrichir chaque jour. Ainsi Roxane Taillon, participante francophone désignée pour la région de Glengarry-Prescott-Russel, se réjouit de la portée humaine de ces rencontres: «Bien sûr, c’est très intéressant d’en apprendre sur les fonctionnements des divers systèmes électoraux, mais les rencontres que l’on fait sont tout aussi importantes. Des gens de tout âge, de tous milieux, de toutes confessions religieuses et de toutes obédiences politiques se rencontrent et échangent sur un sujet qui les concerne tous. C’est l’expression type de la démocratie.»

Une démocratie à laquelle on donne ici une véritable chance, et souhaitons que le pouvoir citoyen sache mesurer sa proposition pour amener un système accessible à tous et le plus équitable possible. La perspective de l’échec de l’expérience similaire menée en Colombie-Britannique il y a quelques années serait forcément décevante. L’ancien système électoral avait été conservé après référendum en raison de la complexité de la proposition de l’assemblée.

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Une hypothétique conclusion qui, de toutes façons, ne pourra être vérifiée avant la mi-2007, date à laquelle le gouvernement lancera un référendum en fonction des décisions de l’assemblée.

Système mixte pour les étudiants

En parallèle de l’Assemblée des citoyens sur la réforme électorale, une assemblée étudiante a été constituée selon le même concept. Les 103 participants à cette opération se sont réunis mi-novembre dans la région des Muskokas pour une durée de cinq jours, où se sont succédés conférences et débats sur les systèmes électoraux du globe.

Une petite semaine à la suite de laquelle les 103 membres de l’assemblée ont voté, privilégiant à 56% la mise en place d’un système mixte basé, à l’image du système allemand. Un choix qui sera présenté à l’assemblée des citoyens en février 2007.

Une initiative que soutient tout particulièrement Victor Ngai, délégué de l’assemblée pour la circonscription de Scarborough-Rouge River: «Ces initiatives sont essentielles, puisque nous devons profiter de l’occasion pour faire s’exprimer un maximum de gens sur le sujet. Nous allons organiser des ateliers dans les écoles élémentaires et secondaires. Nous devons transmettre ce que nous avons appris, c’est essentiel.»

L’ensemble des données recueillies par l’assemblée des étudiants servira d’échantillon comparatif à l’assemblée des citoyens lors des débats de début 2007.

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