Vélos volés, spécialité torontoise

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Publié 14/11/2006 par Yann Buxeda

Toronto et le vélo, c’est une histoire d’amour renaissante. Alors que la course à l’urbanisme et l’escalade cavalière aux SUV avaient presque relégué l’ancêtre à deux roues au rôle d’antiquité pour certains, d’utilitaire à la balade pour d’autres, voici que le Torontois se remet à découvrir que le vélo est aussi un moyen de transport pratique au quotidien.

Depuis le début des années 1990, le vélo a retrouvé ses lettres de noblesse parmi les divers moyens de locomotion des Torontois. En 1995, la revue Bicycling Magazine avait même consacré la Ville-Reine zone par excellence d’épanouissement pour le cyclisme en milieu urbain.

Avec environ 170 km de voies dédiées au vélo, et près de 5% des déplacements effectués avec ce moyen de transport dans Toronto intra-muros au début des années 2000, la mairie avait flairé le bon coup à travers cet engouement et avait initié une campagne d’amélioration majeures des infrastructures sur dix ans. Un projet qui a finalement pris du retard, alors que la date butoir de 2011 prévoyait la mise en place d’un millier de kilomètres de pistes cyclables sur le territoire municipal.

Néanmoins, le vélo continue de séduire de plus en plus de travailleurs qui, dès les premières chaleurs du printemps, enfourchent leur compagnon à deux roues pour se rendre sur leur lieu de travail.

Malheureusement, la partie immergé de l’iceberg est bien plus sombre. Avec plus de 3 000 disparitions déclarées auprès des autorités compétentes l’an dernier, force est de constater que Toronto est devenue la capitale nord-américaine du vol de vélo et du rachat de matériel volé. Le marché est devenu l’objet d’une économie sous-terraine florissante pour les receleurs peu scrupuleux.

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Et depuis des mois déjà, de nombreux forums Internet font état de la chose, certains participants se contentant de relater leurs expériences personnelles, d’autres en développant des théories parfois surprenantes. Le nom d’un vendeur de vélos basé sur la rue Queen revient d’ailleurs souvent au plus profond des arcanes cybernétiques: on lui attribuerait la disparition de nombreux vélos, ainsi que des tentatives d’intimidation auprès des clients. Des rumeurs qui n’ont jamais fait l’objet d’un approfondissement quelconque, les plaintes n’ayant pas encore véritablement été dirigées contre l’établissement.

Toujours est-il que les vendeurs des trottoirs de la rue Queen – des particuliers qui proposent parfois une petite dizaine de modèles de vélos à la vente, souvent différents d’une semaine à l’autre – en ressentent les effets, comme le souligne Mark, qui propose sa marchandise aux passants: «Pour un acheteur, peu importe la provenance du produit. Alors c’est sûr que quand un particulier nous propose un vélo à racheter pour le revendre ensuite, il nous est impossible de savoir s’il lui appartient réellement. Nous n’avons aucune possibilité de le savoir.»

Pour lutter contre cette situation que l’on trouve alarmante jusqu’à l’Hôtel de Ville, des mesures ont été prises par l’équipe municipale.

Quelles solutions?

À l’image du conseiller municipal Adam Giambrone, dont la monture mécanique a déjà disparu à deux reprises l’été dernier, la mairie est consciente de faire face à un problème de grande envergure: «Nous enregistrons chaque année 3 000 plaintes pour des disparitions de bicyclettes, mais nous estimons le véritable chiffre aux alentours de 7 000. C’est le taux le plus important qui soit en Amérique du Nord, mais nous essayons d’enrayer la situation depuis quelques années.»

Premiere cible des services municipaux, les supports d’accrochage des vélos qui ne répondraient pas aux attentes: «Ce système, que nous remplaçons au fur et à mesure, s’est montré défaillant à plusieurs reprises, puisque la fonte utilisée est fragilisée à certains endroits. On peut donc, en exerçant une pression importante, libérer les cadenas accrochés.»

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Mais la mairie développe également un nouveau système de sécurité. Depuis le début de l’année, 80 casiers fermés sont mis à la disposition des Torontois qui, pour un abonnement mensuel de 10$, peuvent y entreposer leur vélo en toute sécurité.

Un premier pas qui, selon Adam Giambrone, devrait déboucher sur la création de «4 000 à 5 000 casiers répartis dans la ville.»

Parallèlement, la Ville tente de remédier au problème en amont, et la police municipale travaille à la mise en place d’un registre des achats et ventes de vélos, neufs ou d’occasion, afin de faciliter la traçabilité des véhicules. Chacun des vélos mis en vente possède un numéro de série qui lui est propre, mais celui-ci n’est que très rarement relevé.

Un inventaire informatique de ces vélos permettrait aux marchands de savoir si le vélo proposé par un particulier est bien le sien où s’il est susceptible d’être volé. Une démarche qui pourrait limiter le trafic de manière drastique en obligeant les voleurs à se débarrasser par eux-mêmes de leur marchandise.

Mais les solutions évoquées par la mairie ne sont pas les seules, et plusieurs organismes se sont distingués ces derniers mois en proposant des solutions novatrices.

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Options alternatives

L’Université de Toronto par exemple, qui fait face à une recrudescence des vols sur son campus St. George, a décidé de faire confiance à la technologie et annonce qu’elle mettra plusieurs vélos munis de système de localisation GPS afin de servir d’appât et de remonter les filières de vol. Une mesure qui mise sur la répression mais aussi sur la dissuasion, puisque l’établissement torontois estime que le seul effet d’annonce de cette pratique pourrait réduire de 20% le nombre de vols sur son territoire.

Moins percutant, plus éducatif, le système «Bikeshare» mise sur un concept de partage de vélos. Un programme lancé en 2001 par le Réseau communautaire de vélos qui réunit près de 500 utilisateurs. Avec l’achat d’une carte saisonnière de 25 $, il peuvent emprunter autant de fois qu’ils le veulent un vélo dans l’un des 15 points de service disponibles pour une durée de trois jours et le ramener ensuite.

Des vélos jaunes marqués qui font l’objet d’un suivi informatique, limitant presque toute possibilité de revente pour un voleur. Un système qui n’est pas sans rappeler celui des «Vélos blancs» de la ville d’Amsterdam à la fin des années 60, qui avait pourtant été un échec parce que ces vélos n’étaient pas dotés de cadenas ni de numéros de série identifiable.

Une chose est certaine, c’est que si Toronto veut continuer de promouvoir le transport vert via le cyclisme et les transports en commun, elle devra s’inspirer de ces solutions, avant que les utilisateurs ne se découragent, à l’image de Vincent Leyranie: «En l’espace d’une semaine, je me suis fait voler deux bicyclettes. C’est franchement dommage parce que Toronto est une ville plutôt adaptée à la circulaton en vélo. Mais il est presque légitime de se demander si l’utilisation d’une voiture ne reviendrait pas moins cher, à moyen terme.»

Une idée qui se répand peu à peu, et que la mairie doit absolument enrayer pour continuer son travail de réduction du parc automobile.

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