Corruption: il y avait bien collusion de firmes de génie-conseil à Montréal

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Publié 22/01/2013 par Lia Lévesque (La Presse Canadienne)

à 16h57 HNE, le 24 janvier 2013.

MONTRÉAL – Devant la Commission Charbonneau, jeudi, l’ingénieur Michel Lalonde, président de Génius conseil, a admis l’existence d’un système de collusion au sein des firmes de génie-conseil qui oeuvraient à Montréal et qui se partageaient les contrats entre elles, un petit groupe duquel il était même le coordonnateur.

Poursuivant son témoignage devant la commission, M. Lalonde s’est lui-même qualifié de porte-parole du groupe. Il avait été choisi parce qu’il était bien vu même par les grandes firmes de génie-conseil.

À ce titre, c’est lui qui veillait à contacter les autres firmes de génie pour s’assurer du partage des contrats de services professionnels, a-t-il témoigné.

M. Lalonde a aussi admis avoir donné de l’argent pour s’assurer que les comités de sélection fassent le bon choix de firme de génie.

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Il a aussi indiqué qu’il était mis au courant des projets à venir à la Ville de Montréal par l’intermédiaire de Bernard Trépanier, ancien responsable du financement du parti Union Montréal, qui avait accès au comité exécutif. Il se souvient avoir discuté du Programme triennal d’investissement de la Ville, le PTI, avec M. Trépanier et Frank Zampino, l’ancien président du comité exécutif de la Ville de Montréal.

Témoignages contradictoires

Par ailleurs, l’ex-organisateur politique du parti Union Montréal Martin Dumont s’est retrouvé pour une troisième fois devant la Commission Charbonneau, jeudi matin, et l’avocat d’Union Montréal, Michel Dorval, a tenté de le mettre en contradiction avec les versions qu’il a données lors de son premier témoignage des 29, 30 et 31 octobre, et lors de ses rencontres avec les enquêteurs qui ont précédé son premier témoignage.

Lors de sa première rencontre avec les enquêteurs de la Commission Charbonneau, le 12 septembre dernier, Martin Dumont n’avait pas mentionné que le maire de l’époque, Gérald Tremblay, était présent lors de l’incident de la double comptabilité pour une élection complémentaire. Ce n’est que lors de la deuxième rencontre, un mois plus tard, qu’il a mentionné la présence du maire aux enquêteurs.

Mais le 17 octobre octobre, Martin Dumont avait témoigné du fait que lors d’une élection complémentaire dans Saint-Laurent pour laquelle il était organisateur, il était inquiet du fait que le budget de campagne soit dépassé. C’est alors que l’agent officiel Marc Deschamps lui avait dit de ne pas s’inquiéter, en exhibant une feuille avec deux colonnes illustrant un budget officiel et un budget officieux.

Il avait même soutenu que le maire s’était levé et avait quitté la pièce, en disant qu’il n’avait pas à savoir ça — ce que le maire, qui a démissionné depuis, a toujours nié.

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La présidente de la commission, la juge France Charbonneau, s’est étonnée à voix haute du fait que M. Dumont ait oublié un événement aussi marquant que la présence du maire lors d’un échange sur une double comptabilité pour une élection complémentaire. Elle lui a demandé d’expliquer pourquoi il n’avait pas mentionné cette présence du maire lors de la première rencontre avec les enquêteurs, et seulement à la seconde.

M. Dumont a répliqué qu’à ses yeux, «c’était banal».

Requête rejetée

Le second témoignage devant la Commission Charbonneau de Martin Dumont avait été suspendu mardi midi, son avocate ayant annoncé qu’elle s’adresserait à la Cour supérieure et demandait un sursis.

Me Suzanne Gagné voulait qu’une déclaration sur vidéo faite par Martin Dumont aux enquêteurs de la commission, le 11 décembre dernier, après son premier témoignage d’octobre, soit écartée.

Elle arguait que les droits de M. Dumont n’ont pas été pleinement respectés. Dans cette déclaration, celui-ci donne une autre version des faits par rapport à son premier témoignage d’octobre sur le comptage d’une somme de 850 000 $ dans les locaux du parti politique, en 2005.

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Après avoir contre-interrogé le directeur des opérations et des enquêtes de la commission, Robert Pigeon, qui a participé au nouvel interrogatoire de M. Dumont en décembre, Me Gagné a voulu interroger de nouveau Martin Dumont, son épouse Célina Machado et un autre témoin, Luc Tremblay.

Mme Machado avait également été rencontrée par les enquêteurs, le 11 décembre dernier, en même temps que M. Dumont, dans une autre salle. Elle a travaillé en même temps que lui à la permanence du parti Union Montréal en 2005.

La présidente de la commission, la juge France Charbonneau, a toutefois refusé la requête de Me Gagné de faire entendre ces témoins, affirmant que les commissaires n’avaient pas besoin d’en entendre davantage pour faire leur travail.

«À ce stade-ci, nous en avons suffisamment, le commissaire (Renaud) Lachance et moi, pour nous pencher par la suite, à la fin de notre rapport, sur la valeur probante qui sera donnée au vidéo. Et nous disposerons de cette preuve-là et de l’ensemble du témoignage de M. Dumont et nous disposerons donc de cette preuve-là à la fin de notre rapport», a résumé la juge Charbonneau.

Hospitalisation

L’avocate a par ailleurs révélé que M. Dumont avait été hospitalisé le 11 décembre dernier. «J’entends également mettre en preuve le dossier médical de M. Dumont, qui a été hospitalisé dans les heures qui ont suivi _ j’allais dire dans l’heure, mais en début d’après-midi du 11 décembre 2012», a-t-elle indiqué, avant de formuler sa demande de sursis.

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Me Gagné veut faire écarter la déclaration enregistrée de M. Dumont, notamment parce qu’il avait reçu une assignation à comparaître pour rencontrer les commissaires à huis clos, alors qu’il a plutôt rencontré les enquêteurs de la commission dans une salle.

En contre-interrogeant l’enquêteur Pigeon, elle lui a notamment fait dire qu’il avait rappelé à M. Dumont que son épouse était interrogée en même temps que lui dans une salle attenante et qu’elle aussi s’exposait à des accusations si les deux s’étaient entendus sur une histoire qui était fausse.

Me Gagné a aussi fait admettre à l’enquêteur qu’il avait révélé à M. Dumont qu’un témoin qui avait fait une fausse déclaration devant la commission, François Thériault, serait accusé de parjure pour n’avoir pas dit toute la vérité sur des cadeaux et avantages reçus.

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D’autres reportages de la Presse Canadienne sur les audiences de la Commission Charbonneau.

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