Une femme qui voulait faire tuer son mari est libérée

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Publié 18/01/2013 par Stéphanie Marin (La Presse Canadienne)

à 14h20 HNE, le 18 janvier 2013.

OTTAWA – Une femme battue, accusée d’avoir embauché un tueur à gages pour faire assassiner son mari, ne peut invoquer la défense de contrainte pour éviter une condamnation, a tranché vendredi la Cour Suprême du Canada.

Mais celle qui est à l’origine de cette cause, Nicole Ryan, est toutefois libre: dans un geste exceptionnel, la Cour a ordonné l’arrêt des procédures contre elle.

Dans une décision empreinte d’humanité, la Cour juge notamment que la femme de la Nouvelle-Écosse a suffisamment souffert.

Alors que plusieurs s’attendaient à ce que la «défense de la femme battue» soit précisée, voire étendue, la décision ne vient finalement que clarifier la défense de contrainte et l’interdire pour les victimes de violence conjugale. Et le plus haut tribunal n’indique aucunement que l’embauche d’un tueur à gages était acceptable.

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La Cour en a toutefois profité pour dénoncer le comportement de la police qui n’a pas protégé Mme Ryan malgré ses multiples demandes d’aide.

Celle-ci, violentée par son mari qui menaçait d’ailleurs de la tuer, ainsi que sa fille, avait voulu engager un tueur à gages pour se débarrasser de son conjoint. Mais sans le savoir, l’homme qu’elle avait voulu embaucher était un agent d’infiltration de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Elle avait accepté de le payer 25 000$ et lui avait fourni une photographie de son époux et son adresse.

Arrêtée et accusée d’avoir «conseillé la commission d’un crime», Mme Ryan avait plaidé que malgré tous ses appels à la police et aux centres d’aide pour victimes, personne ne l’avait aidée.

Selon le témoignage de cette mère, qui a été crue par le juge, le comportement violent et menaçant de M. Ryan se manifestait au moins une fois par semaine par des scènes au cours desquelles il lui lançait des objets à la tête, l’agressait physiquement et menaçait de la tuer. Il lui répétait souvent qu’il les tuerait, elle et sa fille, si jamais elle tentait de le quitter et qu’il «mettrait le feu à la foutue maison» pendant qu’elles se trouveraient à l’intérieur. La Cour a noté que l’accusée était émotionnellement brisée, amaigrie et se sentait dans une impasse.

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Nicole Ryan soutenait qu’elle n’avait pas d’autre choix, et que sa tentative pour faire tuer son mari avait donc été faite sous la contrainte.

Elle avait été acquittée par la Cour supérieure et la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse.

Mais la Cour suprême, à l’unanimité, a rejeté ses arguments. Elle juge que ce moyen de défense de contrainte peut seulement être invoqué lorsque la victime est un tiers innocent.

«À notre avis, le moyen de défense fondé sur la contrainte peut être invoqué lorsqu’une personne commet une infraction sous la contrainte d’une menace proférée dans le but de la forcer à commettre cette infraction. Ce n’était pas le cas de Mme Ryan. Elle voulait faire tuer son mari parce qu’il menaçait de les tuer, elle et sa fille, et non parce que quelqu’un la menaçait dans le but de la forcer à le faire tuer», insiste la Cour suprême.

La Cour ne se prononce pas sur la légitime défense, et si Mme Ryan aurait pu la plaider.

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Une occasion manquée, avance Kim Pate, la directrice exécutive de la Société Elizabeth Fry, un organisme communautaire qui vient en aide aux femmes qui doivent faire face à la justice pénale.

«La Cour n’a pas dit clairement que Mme Ryan avait le droit de se défendre», déplore-elle.

«C’est injuste de tracer des lignes étanches entre les divers moyens de défense, entre lesquelles les femmes battues peuvent tomber et ne pas obtenir la protection des tribunaux», a-t-elle fait valoir.

Malgré ses conclusions sur la défense, la Cour a jugé que ce «cas exceptionnel» méritait une «réparation exceptionnelle». Elle a ainsi ordonné l’arrêt des procédures.

«Soulagée», a répondu Mme Ryan vendredi, crispée, alors que des journalistes lui demandaient en point de presse, à Halifax, comment elle se sentait.

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La Cour a conclu (huit juges en faveur et un dissident) qu’il serait injuste de lui imposer un autre procès. Et cela, en raison des mauvais traitements qu’elle a subis aux mains de son mari et des interminables procédures en justice qui se sont étirées sur près de cinq ans. La Couronne a changé sa position sur la possibilité de la défense de contrainte entre la Cour supérieure et la Cour d’appel, ce qui a mis Mme Ryan dans une situation intenable.

«Nous estimons également que l’incertitude entourant le droit en matière de contrainte, conjuguée au changement de position du ministère public entre le procès et l’appel, a porté atteinte au droit de Mme Ryan à une défense équitable», écrivent les juges Louis Lebel et Thomas Cromwell qui ont rendu le jugement.

Le juge Morris Fish aurait pour sa part ordonné un nouveau procès.

Mais le plus haut tribunal du pays écorche aussi la police.

«Il est aussi troublant de constater, à la lumière du dossier, que les autorités compétentes ont semblé démontrer un plus grand empressement à intervenir pour protéger M. Ryan qu’à réagir à la demande de Mme Ryan lorsqu’elle sollicitait leur aide pour mettre un terme au règne de terreur que lui imposait son époux», est-il écrit dans le jugement.

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«C’est triste», a laconiquement déclaré Mme Ryan, au sujet des reproches faits à la police.

Kim Pate espère pour sa part que le comportement des policiers fera l’objet d’un examen approfondi, puisqu’il est loin d’avoir été à la hauteur.

Maintenant que les procédures judiciaires sont terminées, Nicole Ryan espère avant tout pouvoir renouer avec sa fille, qu’elle n’a pas vue depuis cinq ans, depuis qu’elle a été accusée dans cette affaire.

Visiblement anxieuse, elle n’a pas voulu décrire comment elle a vécu sans contact avec sa fille, qui est maintenant âgée de 12 ans.

«Je suis heureuse de pouvoir rétablir ma vie et retourner à l’enseignement», a-t-elle toutefois indiqué.

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