«La situation au Canada est paradoxale en ce sens que le discours juridique n’est souvent pas compatible avec le discours politique; force nous est de constater aussi que, parfois, le discours politique rejoint le discours juridique, mais que les actions gouvernementales ne semblent pas suivre. C’est dire qu’il y a toujours un écart entre l’égalité juridique formelle et l’égalité réelle. Reste qu’il y a une renaissance du fait français et que de plus en plus de minoritaires croient à la possibilité de prendre leur place dans la société sans renoncer à leur langue et leur culture. La judiciarisation de grands enjeux sociaux a été avantageuse pour les minorités linguistiques.»
C’est ce qu’a affirmé Maître Michel Bastarache, le 16 décembre dernier, lors de son allocution dans le cadre de la 13e conférence de l’Académie internationale de droit linguistique, à Chiang Mai (Thaïlande).
Selon l’ex-juge de la Cour suprême du Canada, ce qui est très significatif est que la protection des minorités linguistiques a bénéficié d’un nouvel appui dans la décision du plus haut tribunal du pays dans l’affaire de la sécession du Québec. Dans cet avis constitutionnel, la protection des minorités a été identifiée comme étant un principe non écrit de la Constitution, une affirmation ayant le potentiel de changer les mentalités et de favoriser l’avènement d’une nouvelle culture politique.
Mais «les francophones hors Québec sont en quelque sorte les pions dans un jeu où ils ne sont pas les acteurs principaux. Malgré les nouvelles lois et les interprétations libérales de celles-ci par les tribunaux, les minorités sont encore victimes d’un sentiment d’insécurité.»
Le conférencier a rappelé l’évolution dans la reconnaissance des droits linguistiques devant les tribunaux. Au début, il s’est agi de l’égalité des langues quels que soient les locuteurs.
Cette thèse selon laquelle tous les participants au processus judiciaire, qu’ils soient juges, procureurs, greffiers ou justiciables, partageaient le droit d’employer le français ou l’anglais a mené à la surprenante interprétation que le droit d’employer l’une ou l’autre de ces deux langues ne comprenait pas le droit d’être compris sans interprète.