Stephen Harper va rencontrer les Premières Nations le 11 janvier

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Publié 01/01/2013 par Stéphanie Marin (La Presse Canadienne)

à 04h19 HNE, le 6 janvier 2013.

OTTAWA – Le premier ministre Stephen Harper a finalement accepté de rencontrer des dirigeants des Premières Nations lors d’une réunion de travail qui aura lieu vendredi prochain.

Il a fait connaître sa position au 25e jour de la grève de la faim de la chef autochtone de la communauté pauvre d’Attawapiskat, Theresa Spence, qui campe sur l’Île Victoria, à Ottawa.

Celle-ci réclame depuis le début une rencontre avec le premier ministre et avec le gouverneur général afin de résoudre de nombreux problèmes qui affectent les communautés autochtones et qui n’ont selon elle jamais l’attention qu’ils méritent.

Cette rencontre est annoncée alors que le mouvement national de protestation autochtone «Idle no more» a pris de l’ampleur, notamment avec de multiples manifestations et même un blocus de lignes ferroviaires.

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Dimanche, les manifestants autochtones qui bloquaient la principale ligne ferroviaire entre Toronto et Montréal depuis 17h samedi ont mis fin à leur action peu après minuit.

Le blocus de la ligne ferroviaire, à la hauteur de Marrysville, près de Kingston, en Ontario, a pris fin à minuit 30. La circulation des trains de Via Rail aura donc été interrompue pendant plus de 7 heures. Plus d’un millier de passagers ont dû être transportés par autocars.

Les activités de Via Rail étaient de retour à la normale dimanche, journée importante de déplacement à travers le pays, alors que le congé des fêtes se termine pour plusieurs Canadiens.

M. Harper a fait savoir que la réunion de travail avec les Premières Nations sera axée sur deux domaines découlant de la rencontre du 24 janvier 2012: les relations fondées sur les traités et les droits des peuples autochtones, ainsi que le développement économique. Le ministre des Affaires autochtones, John Duncan, sera aussi présent.

«Le gouvernement du Canada et les Premières Nations entretiennent des relations durables fondées sur le respect mutuel, l’amitié et le soutien. Le gouvernement du Canada est résolu à renforcer ces relations», a indiqué Stephen Harper dans un communiqué de presse.

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L’Assemblée des Premières Nations avait demandé une rencontre le 24 janvier, pour marquer le premier anniversaire de la rencontre historique entre la Couronne et les Premières Nations.

Mais la chef Spence avait fait savoir que cette date était trop tard pour elle, car elle ne pourrait tenir jusqu’à la fin janvier. Elle exigeait une rencontre dans les prochaines 72 heures.

Il n’est toutefois pas précisé dans le communiqué de presse du bureau de Stephen Harper s’il va rencontrer Theresa Spence. Le bureau du premier ministre a indiqué par la suite que c’est l’Assemblée des Premières Nations qui décidera qui assistera à la réunion de travail. Il n’a par ailleurs aucune objection à y voir Mme Spence, a indiqué un porte-parole du bureau de M. Harper.

Plusieurs chefs autochtones, présents lors d’un point de presse organisé avec le Nouveau Parti démocratique (NPD) qui a débuté quelques minutes après l’envoi du communiqué du premier ministre, ont bien accueilli, bien qu’avec prudence, l’annonce du gouvernement.

L’an dernier, ils avaient déploré que la rencontre historique n’avait rien accompli de concret et qu’aucun suivi ne semblait être donné.

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Le Grand Chef Stan Loutit, a toutefois exprimé que selon lui, le geste de Stephen Harper «sauve la vie de Theresa Spence».

Mme Spence n’a toutefois pas l’intention de mettre un terme à sa grève de la faim avant la tenue de la rencontre, a fait savoir son porte-parole Danny Metatawabin. Elle va par ailleurs demeurer jusque-là sur l’Île Victoria.

Expédition en traîneau à chiens

Dans la communauté innue de Betsiamites, au sud-ouest de Baie-Comeau, l’Attikamek Herman Niquay prépare depuis des semaines une expédition de plus de 400 kilomètres qui le mènera de Waskaganish à Attawapiskat… en traîneau à chiens.

L’homme de 41 ans a participé à quelques barricades, «à Restigouche pour soutenir les Micmacs» et en tant que Warrior, comme avaient été nommés les combattants mohawk alignés de l’autre côté des barricades d’abord dressées contre les policiers, puis contre l’armée canadienne, pendant la crise d’Oka, en 1990.

À présent, et à l’instar de plusieurs Autochtones du Canada, M. Niquay a pris la voie de l’action pacifique. Avec les six malamutes qui tireront son traineau, il part en expédition le 15 janvier pour «sensibiliser les gens» à la cause de Mme Spence, qu’il a aussi fait sienne.

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Pour M. Niquay, l’idée est de «se tenir debout quand il y a du monde qui veulent te garder à genoux».

«Pour moi, c’est important que je me lève et que je m’implique parce que ça me touche aussi. Ça concerne toutes les nations à travers le Canada», lance-t-il, la voix calme, avant de préciser que l’ensemble des Canadiens devrait s’y intéresser.

«Ce que je souhaite c’est que le gouvernement travaille aussi de son côté pour qu’il y ait une bonne relation entre les Autochtones et les non-Autochtones. Avec mon action pacifique, je veux aussi sensibiliser les non-Autochtones qui ont des préjugés», résume-t-il. «J’aimerais que les « Blancs » nous appuient. J’ai beaucoup d’amis qui sont non-Autochtones, mes employeurs « blancs » m’ont toujours respecté, je n’ai aucun problème avec eux.»

Des manifestations au-delà des frontières

S’il est vrai que les membres des Premières Nations des quatre coins du pays participent à présent au mouvement Idle No More, il semble également que celui-ci s’étende au-delà des frontières canadiennes. Des manifestations autochtones ont eu lieu au Texas, à Hawaï et en Nouvelle-Zélande; même l’équipe d’Al-Jazira à Washington y a consacré un reportage.

À Paris, le Français Anthony Schwartzmann organise une manifestation devant la tour Eiffel le 19 janvier.

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«Nous voulons que les Français prennent conscience du triste sort des Premières Nations», résume celui dont la découverte de ses origines mohawk et huronne-wendat a suscité un vif intérêt envers les causes autochtones. «Pour plusieurs européens, les Premières Nations ont beaucoup plus de droits que les colons qui ont été envoyés en Amérique», croit-il.

Le mouvement Idle No More a été lancé par quatre femmes: Nina Wilson, Sylvia McAdam, Jessica Gordon et Sheelah McLean. Elles ont profité des discussions à propos du projet de loi C-45 de mise en oeuvre du budget fédéral pour attirer l’attention sur l’impact de cette loi omnibus «non seulement sur les Autochtones, mais également sur les territoires, l’eau et tous les citoyens canadiens», lit-on sur le site Web du mouvement.

Les instigatrices d’Idle No More réclament des actions pacifiques. À présent, plusieurs démonstrations culturelles comme des danses traditionnelles ont été organisées au pays, mais des routes et des lignes ferroviaires ont également été bloquées.

Jeudi également, le mouvement Idle No More a reçu l’appui d’une quinzaine d’organisations, notamment Amnistie Internationale Canada, l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, le Sommet des Premières Nations, Lawyers Rights Watch Canada et KAIROS: Initiatives canadiennes œcuméniques pour la justice.

Campagne aux États-Unis

Mardi, Pamela Palmater, une des leaders du mouvement, s’est rendue à Washington pour donner des entrevues à la presse américaine. Elle a expliqué que le but de la campagne médiatique était de faire connaître le mouvement sur la scène internationale et forcer le premier ministre Stephen Harper à agir.

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Mme Palmater dit avoir été invitée à se rendre aux États-Unis pour répondre aux questions des médias sur «Idle No More» et expliquer pourquoi le mouvement se propageait aux États-Unis, a-t-elle indiqué lors d’une entrevue téléphonique.

Mme Palmater a expliqué que la grève de la faim de la chef d’Attawapiskat Theresa Spence, dans sa quatrième semaine, s’inscrit dans un mouvement de protestation beaucoup plus vaste. Si «Idle No More» a pris naissance à cause du projet de loi omnibus du budget du gouvernement conservateur, il porte maintenant sur des questions plus larges comme l’inégalité et les droits issus des traités, a-t-elle indiqué.

Selon elle, les manifestations ont évolué au cours des dernières semaines, et sont maintenant davantage portées sur la désobéissance civile.

«Nous avons écrit des lettres, fait des appels et essayé de parler aux députés et ça n’a pas fonctionné», a-t-elle fait valoir, expliquant que ces techniques avaient été remplacées par des manifestations éclair et des blocus.

Plusieurs perturbations ont eu lieu sur des lignes ferroviaires au cours de la dernière semaine, dont une sur le principal corridor entre Montréal et Toronto dimanche soir qui a retardé les passagers Via Rail. Les manifestants ont aussi bloqué les rails du Canadien National à Sarnia, en Ontario.

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Il y a eu des appels à mettre en place des blocus aux postes frontaliers entre le Canada et les États-Unis samedi, mais les États-Unis n’ont pas appuyé ce type de manifestation et on ne sait pas si les militants locaux donneront suite à ces appels.

Un communiqué mis en ligne la semaine dernière sur le site Internet du mouvement «Idle No More» a fortement conseillé au militants de tenir des manifestations pacifiques, soutenant que tout acte qui ne le serait pas détournerait l’attention de la mission du mouvement.

Mme Palmater a indiqué qu’elle appuyait cette déclaration. «Nous faisons de notre mieux pour éviter ce qui causerait des inconvénients aux Canadiens», a-t-elle soutenu.

Le grève de la faim de Mme Spence continuait de recueillir des appuis de partout au pays. Un groupe de militants s’est rendu des Maritimes pour apporter des provisions au site de sa manifestation, une île dans la rivière des Outaouais en face du Parlement.

Mardi après-midi, des dizaines de manifestants ont marché dans les rues du centre-ville de Toronto, en guise de soutien à «Idle No More», et perturbé la circulation automobile à l’une des plus importantes intersections de la métropole canadienne.

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Elle ne veut pas du ministre

Le ministre des Affaires autochtones John Duncan a offert de rencontrer la chef Spence mais celle-ci a refusé son offre.

La ministre fédérale de la Santé, Leona Aglukkaq, s’est jointe samedi à d’autres ministres fédéraux qui estiment que Mme Spence devrait accepter une rencontre avec le ministre des Affaires autochtones, John Duncan, qui a tenté de la rejoindre à quelques reprises.

Le gouvernement fédéral soutient qu’il a fait un effort pour consulter les leaders autochtones et travailler sur des questions urgentes sur les réserves comme l’éducation, de l’eau potable et le logement.

L’ancien premier ministre conservateur Joe Clark s’est dit préoccupé de la relation du Canada avec les Premières Nations au terme de sa rencontre avec la chef crie.

M. Clark, premier ministre conservateur de 1979 à 1980, a qualifié la vision de Mme Spence de modeste et d’atteignable, et souligné que le dialogue direct et honnête était toujours utile et parfois essentiel, particulièrement dans le cas d’enjeux complexes comme les relations entre le Canada et les Autochtones.

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Sur sa page Facebook, le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et Labrador, Ghislain Picard, écrivait le jour de Noël que la chef Spence demeurait «positive, même si Harper continue à avoir la tête, bien fourrée, dans le sable». Il a également manifesté son intention d’aller à la rencontre de la Grand chef lundi ou mardi.

La nation huronne-wendat de Wendake, au nord de Québec, a réitéré son appui à Mme Spence par voie de communiqué. «Ensemble nous sommes forts, nous existons et c’est dans le respect et le pacifisme que nous entendons poursuivre nos actions pour que la Chef Spence puisse enfin atteindre son but, malgré les risques pour sa santé», a déclaré le Grand Chef Konrad Sioui.

Le Nouveau Parti démocratique a de son côté envoyé une délégation de 16 députés sur l’île dimanche, notamment le député de Pontiac, dans l’ouest du Québec, Mathieu Ravignat. Bien au fait des problématiques en lien avec les réserves — les communautés algonquines de Lac-Barrière, Lac-Rapide et Kitigan-Zibi se trouvent dans la circonscription qu’il représente —, celui-ci estime que la relation entre le Canada et les Premières Nations doit changer.

«C’est un problème au sein du gouvernement du Canada, croit-il. «C’est clair qu’ils [les conservateurs] veulent de la parure, prendre des photos, démontrer qu’ils agissent, mais dans les faits, il n’y a rien qui a changé.»

Il dénonce au passage la situation sanitaire de Kitigan Zibi, où 40 pour cent de la population vit sans eau potable.

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La grève de la faim de Mme Spence a attiré l’attention sur les enjeux autochtones, mais plusieurs lui ont demandé de recommencer à manger des aliments solides.

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