Du folk à la pop, il n’y a qu’un pas pour Elisapie

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Publié 27/11/2012 par Guillaume Garcia

Elisapie Isaac. Ce nom ne vous dit rien? C’est assez fâcheux… Originaire du Grand Nord québécois, cette chanteuse à la voix envoûtante sort son deuxième album, où elle s’appelle Elisapie, tout simplement.

Travelling Love possède des sonorités beaucoup plus pop que son premier disque, mais conserve le côté «flyé» des textes et des textures. En concert le jeudi 6 décembre dans la Ville Reine, au Rivoli, Elisapie a bien voulu répondre aux questions de l’Express. Une belle voix, une belle femme, ça y est, on est amoureux!

Le grand public a découvert Elisapie avec There Will Be Stars, sorti en 2009. Pourtant la jeune chanteuse avait déjà fait pas mal de création notamment en duo avec Alain Auger au début des années 2000. Elle a d’ailleurs gagné un Juno du meilleur album aborigène en 2005 avec l’album éponyme.

Elisapie est née d’une mère Inuk et d’un père terre-neuvien. Adoptée par des Inuit à sa naissance, elle vit toute son enfance à Salluit, au Nunavik, dans la deuxième communauté le plus au nord du Québec.

Arrivée à Montréal pour étudier le cinéma, domaine dans lequel elle connaîtra beaucoup de réussite, notamment avec Si le temps le permet, qui sera présenté dans de nombreux festivals de films et documentaires, Elisapie se tourne finalement vers la chanson et bien lui en prend.

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Sa voix survole les mesures et vient se fracasser contre nos tympans comme une explosion de douceur.

Écrit en un an

Pop, avec des sonorités organiques, son dernier album Travelling Love nous plonge dans la musique des années 70. Écrits en quelques mois, les chansons touchent une corde plus personnelle d’Elisapie. Moins de contexte nordique, mais plus de sentiments en quelque sorte. «J’ai commencé à vraiment écrire cette année. Je me suis donné un deadline, pour focuser pendant quelques semaines. J’avais besoin de m’exprimer. Je savais que si je faisais comme d’habitude, ça allait prendre trois ans!», indique Elisapie.

Alors elle commence à écrire deux de ses «comparses», Manuel Masse et Gabriel Gratton et les chansons les plus mélancoliques se couchent spontanément sur le papier. «C’est le plus naturel pour moi», continue la chanteuse.

«J’avais pas mal d’idées sur ce que je ressentais. Les mélodies plus dansantes je les ressentais aussi, j’ai un amour pour les mélodies des chansons des années 70. Ça a donné le ton à l’album. Le côté énergique, les beats plus réveillés ça sonne forcément plus pop. Les gens sont étonnés que je fasse ça, mais c’est juste une continuité.»

On pouvait d’ailleurs voir des prémices de cet amour pour les mélodies dans plusieurs chansons du premier album, dont Out Of Deseperation. Comme elle le souligne si joliment, «le monde va s’attendre à ce que je les surprenne toujours. Le prochain album sera certainement complètement différent!».

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Pas de français

Les francophones feront peut-être un peu la tête, Elisapie a choisi de chanter en anglais et en inuktitut mais pas en français sur ce nouvel album. «Je me suis dit ‘on va perdre notre monde’, mais les vrais fans vont aimer et au moins respecter», se rappelle une Elisapie très loquace. Étonnés ou pas, frustrés ou pas, les fans ne pourront que reconnaître la qualité de l’album, qui «s’enligne pas mal avec There Will Be Stars». «C’est pas complètement autre chose. Il y a un chemin que je vois très bien.»

Ce chemin qu’elle voit tracé devant elle, Elisapie le décrit comme très créatif et expérimental». «Je suis une chanteuse et aussi une créatrice», résume-t-elle.

Pour Travelling Love, le côté pop a poussé la création vers l’anglais, langue qui convient beaucoup plus à la conceptualisation et aux textures dynamiques. C’est comme le blues, des fois le français, ça fitte juste pas!

«J’ai pas d’ordre quand j’écris, je déteste ça. Des fois on me dit de réfléchir à un texte, ou de travailler dessus. Ça ne marche pas. Je suis très instinctive donc je ne pense pas trop dans quelle langue je vais écrire. Mon père biologique est anglophone, ce sont aussi mes racines et j’en suis fière.»

Souvent présentée, et on l’a aussi fait au début de l’article, comme la voix du Grand Nord, Elisapie a appris à laisser glisser les clichés, comme sa voix glisse sur les mélodies.

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Voix du Grand Nord

«Je suis très fière de venir du Nord, et j’ai fini par accepter de ne pas contrôler ce que les gens pensent. Au début ça m’énervait qu’on parle plus de ça que de ma musique, mais quand j’ai réalisé qu’ils manquent juste d’éducation j’ai arrêté d’y penser. Aujourd’hui ça va mieux, on focus plus sur ma musique.»

Voix du Grand Nord, qu’elle le veuille ou non, cette étiquette risque de lui rester collée à la peau un bon bout, comme celui de rappeur autochtone à Samian, avec qui Elisapie a souvent collaboré par ailleurs. Mais c’est le cas pour Samian ou d’autres, Elisapie ne touche pas au politique dans ses chansons. «J’écoute pas beaucoup de political songs. Ça ne m’interpelle pas. En tant que créatrice j’ai de la misère avec cette musique-là. Si je vais vers le politique, ça pourrait être en parlant de la vie là-bas, ou en chantant dans ma langue, en inuktitut. J’aime ça faire deviner les gens dans mes chansons.»

La musique d’Elisapie touche au politique, sans qu’elle ne le veuille, mais un politique artistique. Ce dont elle parle, dont elle raconte son histoire et le simple fait qu’elle chante en inuktitut est éminemment politique en soi.

La tête tournée vers un prochain album, Elisapie sera à Toronto le 6 décembre prochain, alors que la tournée officielle de l’album Travelling Love débutera fin février à Montréal. Elisapie va devoir garder ses idées dans un coin de sa tête pendant encore quelque temps. On lui fait confiance pour savoir quand récolter les fruits de sa création.

En concert le 6 décembre au Rivoli.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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