57 mois de prison pour un chercheur-escroc

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Publié 13/07/2015 par Bruno Geoffroy (Agence Science-Presse)

La fraude scientifique a un prix. Dong-Pyou Han le sait. Le 1er juillet dernier, cet ex-chercheur de l’Université de l’Iowa a écopé de 57 mois de prison ferme pour avoir fabriqué et falsifié des données expérimentales portant sur des vaccins contre le sida. Une condamnation d’une ampleur inégalée pour ce type d’escroquerie.

L’histoire débute en octobre 2013. L’Université de l’Iowa (ISU) conclut que M. Han, membre de l’équipe menée par le professeur Michael Cho, a contrefait des résultats d’expériences financées par les Instituts américains de la santé (NIH).

Pendant quatre ans, il a ajouté des anticorps humains dans des échantillons de sang de lapins traités avec un vaccin antisida expérimental. Les autres membres de l’équipe scientifique dont il faisait partie ont cru à tort que les animaux avaient développé une immunité contre le virus!

19 millions $ en subventions

Grâce à ces résultats (frauduleux) si prometteurs, M. Han, ses collègues et l’ISU ont obtenu 19 millions $ américains en subventions, notamment de la part des NIH et de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID).

L’homme avoue sa responsabilité, démissionne et est déclaré inéligible à des fonds publics pendant 3 ans par le Bureau de l’intégrité de la recherche (ORI), l’organisme qui enquête sur les cas d’inconduites impliquant des fonds des NIH.

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L’affaire aurait pu en rester là si Charles E. Grassley, un sénateur républicain de l’Iowa, ne s’en était pas mêlé. Connu pour ses positions sur la transparence de l’utilisation des fonds publics, il a porté l’affaire en cour.

Le 1er juillet, le tribunal fédéral de l’Iowa a condamné Dong-Pyou Han à 57 mois de prison, au remboursement de 7,2 millions $ au NIH et à trois ans de liberté surveillée après sa sortie de prison.

Le juge fédéral évoque même la possibilité que Dong-Pyou Han, originaire de Corée du Sud, soit renvoyé dans son pays. De son côté, l’ISU devra rendre 496 000 $ au gouvernement fédéral et se voit amputer de 1,4 million $ en bourses (non payées encore).

La peur par l’exemple?

S’il est vrai que Han a floué ses collègues, son employeur et des organismes financés par des fonds publics, sur le fait que le vaccin expérimental ne fonctionnait pas, on peut se demander si sa peine d’emprisonnement envoie aux fraudeurs potentiels le message escompté par la procureure fédérale adjointe, à savoir: «Que vous ayez un doctorat ou non, vous serez tenus responsables de vos actes.»

Pour David Wright, ex-directeur de l’ORI, le bénéfice d’une telle poursuite pénale est discutable. Selon lui, bannir un chercheur d’accéder à des bourses ou des subventions gouvernementales est déjà une sentence de mort professionnelle en soit.

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Un article de Nature rappelle aussi que le pouvoir d’enquête d’organismes publics de financement de la recherche comme les NIH reste structurellement très limité, leur pouvoir de sanction aussi.

En attendant de faire mieux, les chercheurs-escrocs sont prévenus!

Quelques centaines de cas

Le Bureau de l’intégrité de la recherche répertorie 296 chercheurs américains coupables d’inconduites en recherche depuis 1995.

Dans un article du quotidien Des Moines Register, Ivan Oransky, médecin, journaliste médical et cofondateur du site Web Retraction Watch, estime qu’environ une demi-douzaine de chercheurs ont été condamnés à la prison dans les 30 dernières années.

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