3e Rapport du commissaire François Boileau

Les privatisations ne doivent pas sacrifier les services en français

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Publié 08/06/2010 par Vincent Muller

Les francophones de la province n’osent pas assez souvent demander les services en français, même quand ceux-ci sont disponibles. Par ailleurs, il arrive encore fréquemment que les réponses apportées par les ministères aux plaintes concernant l’application de la Loi sur les services en français (LSF) n’offrent pas réellement de solutions aux problèmes soulevés par les plaintes. C’est l’une des constatations du Commissaire aux services en français de l’Ontario, François Boileau, qui publiait jeudi dernier son troisième rapport annuel.

Le Commissaire insiste particulièrement sur l’importance pour les organismes ou ministères recevant des plaintes, de proposer des solutions permanentes pour remédier à leurs lacunes.

Le Commissariat aux services en français est probablement vu par certains comme un empêcheur de tourner en rond. François Boileau préférerait que les ministères perçoivent plutôt les plaintes «comme des mécanismes de contrôle de qualité de leurs services offerts au public».

Il souligne également l’importance de l’offre active des services en français. En effet si l’offre est disponible dans de nombreux ministères et services gouvernementaux, nombreux sont les employés qui ne la proposent pas.

On est bilingue, mais on veut du français

Selon le rapport, certains seraient sincèrement prêts à offrir le service en français, mais mettent en avant le fait que le public ne le demande pas.

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Du côté des francophones il semble que nombreux se sentent gênés de demander des services en français mais l’accepteraient volontiers s’il leur était proposé.

De plus, beaucoup de gens auraient tendance à considérer que les francophones de l’Ontario sont tous bilingues, «ce qui n’est pas le cas et ce qui n’est pas pertinent dans le cadre de la LSF qui vise plutôt à la pérennité de la population francophone en Ontario», rappelle le rapport.

Pour ces raisons, il est important de sensibiliser le personnel sur l’offre active des services, c’est à dire sur le fait de proposer systématiquement le service dans les deux langues officielles.

À ce titre, ServiceOntario est cité en exemple, tout comme le secteur de la justice, le ministère du Procureur général et celui de la Sécurité communautaire et des services correctionnels qui, suite à des recommandations précédentes, «ont commandé un état des lieux en rapport aux besoins des communautés sur le plan des services en français adaptés à leurs besoins spécifiques» et a produit un guide en matière des services en français à l’intention de tous les gestionnaires du gouvernement, ce qui est positif, même si le rapport souligne que l’utilisation du guide est optionnelle.

Services offerts par des tiers

D’autre part, étant donné le fait que le gouvernement ontarien se soit délesté de certains services offerts à la population au profit des municipalités, suite à des privatisations, des transferts de responsabilités administratives ou de nouveaux partenariats public-privés, les possibilités d’obtenir des services en français sont parfois menacées.

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M. Boileau insiste donc sur l’importance pour le ministère des Affaires francophones, de faire en sorte que lorsque des services ne sont plus offerts par la province cela ne diminue pas leur qualité.

Les fournisseurs ne sont en effets pas toujours tenus de respecter la LSF quand ils fournissent des services au nom d’un ministère ou d’un organisme gouvernemental. Ainsi, il est important que le ministère des Affaires francophones fasse en sorte qu’ils soient tenus de respecter cette loi, mette également en place un «cadre réglementaire sur les services offerts par des tiers» et s’assure que «toute loi autorisant une privatisation contienne des clauses spécifiques indiquant expressément que les droits prévus dans la Loi sur les services en français continueront de s’appliquer».

Suite à une plainte visant Pride Toronto, organisateur de la Fierté gaie, le ministère du Tourisme et de la culture, qui subventionne l’organisme, «s’est engagé à inclure dorénavant des clauses contractuelles sur la prestation de services en français lorsque l’évènement s’y prête». Cela veut-il dire que le Festival du film ou le Musée des Beaux-Arts, largement subventionnés par la province, devront aussi se conformer à l’esprit ou la lettre de la LSF?

Victime d’agression sexuelle

Dans la même idée, il recommande au ministère de la Santé et des soins de longue durée d’exiger des bureaux de santé publique, lorsque le financement provient en tout ou en partie, de la province, qu’ils appliquent la LSF.

De son côté, le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse devra remédier à des situations problématiques au niveau des Sociétés d’aides à l’enfance dont les lacunes en matière de services en français ont parfois eu de graves conséquences, comme ce fut le cas dans le cadre d’un témoignage d’une victime.

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L’adolescent, victime d’agression sexuelle a éprouvé des difficultés en partie dues au fait que l’entretien n’ait pas pu se faire en français. Il est donc recommandé à ce ministère de veiller à ce que ces les Sociétés d’aide à l’enfance «intègrent l’offre active de services en français dans la prestation de leurs services partout dans la province» et de créer avec elles un répertoire de fournisseurs de services en français pour les sociétés qui ne sont pas en mesure d’offrir ces services.

Centres d’accès aux soins communautaires

D’autre part, une modification législative en avril 2009, ayant engendré le passage du statut des centres d’accès aux soins communautaires d’organisme gouvernemental à organisme sans but lucratif géré par un conseil d’administration indépendant, a eu des répercussions sur leur obligation à délivrer des services en français.

Cependant le ministère pouvant encore exercer une influence sur ces organismes, il est recommandé à la ministre de la Santé et des soins de longue durée d’émettre un règlement afin que les centres d’accès aux soins communautaires se conforment aux obligations prévues par la LSF.

Effort de traduction

Le rapport évoque des recommandations des années précédentes et la façon dont elles ont été prises en compte. Il approuve notamment les efforts faits dans le cadre de la traduction des règlements, qui est une tâche assez laborieuse et qui nécessite d’établir des priorités, ce à quoi le gouvernement travaille.

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Le rapport 2008-2009 préconisait également de s’assurer que l’Office des affaires francophones «réalise pleinement son mandat au sein du gouvernement, entre autres en révisant à la hausse les ressources accordées à l’OAF ainsi qu’à la coordination des services en français pour l’exercice financier 2010-2011».

Le gouvernement a répondu en rappelant les augmentations du budget alloué, depuis qu’il est au pouvoir, aux conseils scolaires francophones, à l’OAF, à l’éducation postsecondaire francophone ou aux travaux d’agrandissement de l’Hôpital Montfort à Ottawa.

Pour le commissaire aux services en français «la réponse gouvernementale n’est absolument pas satisfaisante». Celui-ci considère que, pour intégrer la LSF parmi les priorités gouvernementales, «il faut que l’OAF, que les coordonnateurs et leurs chefs aient des pouvoirs décisionnels et une influence importante au sein de l’administration provinciale».

Comité de la magistrature

En revanche François Boileau se dit «pleinement satisfait du sérieux de la réponse du ministère du Procureur général» suite à la recommandation de mettre en place un comité consultatif de la magistrature et du barreau sur les services en français du Procureur général de l’Ontario, qui sera présidé par le juge de la Cour d’appel Paul Rouleau et l’avocat franco-ontarien Paul Le Vay.

En matière de santé, il salue la réaction positive du Ministère de la promotion de la santé et celui de la Santé et des soins de longue durée qui, suite au rapport spécial sur la santé paru au printemps 2009, ont pris différentes initiatives pour étendre l’offre active de services en français. Il souligne également l’adoption du Règlement 515/09 sur l’engagement de la collectivité francophone en matière de services de santé en français en Ontario qui «a permis de fermer de nombreuses plaintes».

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Le scandale du dépliant unilingue anglophone pour l’information sur le virus H1N1 n’a pas été oublié non plus. Il ne s’agit pas de déterminer s’il y a eu un manquement à la LSF, cela étant évident, mais d’enquêter pour comprendre ce qui a conduit à ce manquement.

Il constate également qu’après avoir reçu de nombreuses plaintes contre le ministère de la Santé et des Soins de longue durée pour la région de Peel-Halton, il y a eu une reconnaissance des erreurs et une nouvelle attitude qui amènent le ministère à travailler dans le bon sens pour satisfaire la population francophone importante dans ce secteur.
http://www.csf.gouv.on.ca/fr

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