30 ans après Polytechnique: un marqueur changeant

tuerie
La plaque rappelant le massacre perpétré par Marc Lépine sur un mur extérieur de l'école Polytechnique de Montréal.
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Publié 06/12/2019 par Gratianne Daum

Trente ans après l’attaque du 6 décembre 1989, qui a coûté la vie à 14 étudiantes de l’école Polytechnique de Montréal, que reste-t-il de cet attentat dans la mémoire collective canadienne?

Rappelons que ce jour-là, peu après 16h, Marc Lépine, 25 ans, entre dans une classe de Polyechnique armé d’une carabine, sépare les hommes et les femmes et ouvre le feu, tuant 14 femmes et blessant 10 femmes et 4 hommes, avant de se suicider.

Si, deux ans après, le Parlement du Canada a officiellement rendu cette date Journée de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes, cette action a-t-elle contribué à faire avancer la cause?

L’école Polytechnique de l’Université de Montréal.

Un pays de régions

«Même si c’est une journée commémorative nationale, le Canada, en tant que pays, est très régional. Les provinces ont souvent tendance à ignorer les maux sociétaux des autres provinces même si un mal touche à l’ensemble.»

Cette observation de l’une des personnes interrogées sur le sujet à Grande Prairie, Alberta, semble être vraie pour ce qui est de l’horreur de Polytechnique.

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En Colombie-Britannique ou en Alberta, seules les personnes impliquées dans l’aide aux femmes par le biais de leur travail ou celles ayant des liens directs avec Québec, en ont connaissance.

«J’ai connu l’événement parce que j’étais au Québec, mais je n’en ai jamais entendu parler ici et jamais vu passer sur les médias sociaux», dit par exemple Catherine, résidante de North Vancouver, en Colombie-Britannique.

Photo tirée d’une récente publicité de recrutement d’étudiants et d’étudiantes pour l’école Polytechnique de Montréal.

Futures ingénieures

Parmi les jeunes, ce sont les étudiants en génie civil qui semblent majoritairement informés. C’est le cas pour Joyce, étudiante à Shédiac, au Nouveau-Brunswick: «Oui, le 6 décembre est une journée marquante dans l’histoire de l’ingénierie, c’est une des premières choses que j’ai entendues quand j’ai commencé mes études.»

Au fil des ans, cet évènement semble se distinguer davantage comme un épiphénomène au sein de la thématique plus large du traitement de la femme dans la société.

«C’est un bon signe que la dernière tragédie faite envers les femmes au Canada soit arrivée en 1989, ça veut dire que l’on est sur la bonne voie, mais je suis plus inquiète de ce qui se passe dans les maisons où les femmes se font violentées sans témoins», estime Catherine.

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Sur l’importance d’une journée commémorative dédiée, elle répond : «C’est un bon moyen, mais je suis convaincue qu’une éducation continue est le meilleur moyen. Et pas forcément de prendre les grandes tragédies comme exemple.»

Communautées entendues

Cette journée commémorative peut-elle venir à bout de l’hydre féminicide?

Marie, impliquée dans un organisme de protection de femmes violentées, voit l’utilité suivante: «Des personnes qui n’ont pas été victimes ou témoins de violence peuvent être amenées à penser qu’en effet, c’est du passé. Cela permet, en ouvrant la journée commémorative à toutes les violences, de permettre à toutes les communautés concernées de se sentir entendues.»

Ruth, psychologue en Alberta, abonde en ce sens: «Lorsqu’on prend en considération la vérité et le vécu de chacun, je crois que cela permet à l’autre de se sentir accepté, soutenu et reconnu. Cela crée du lien. Et le lien est curatif.»

C’est ce que semble observer Joyce qui estime que cela «a fait une différence de l’acceptation des femmes en génie».

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Le ruban blanc commémore la turie du 6 décembre 1989.

Pas de progrès?

Quelques-unes des personnes interrogées avouent cependant être mitigées à cet égard. Pour elles, cette commémoration est un hommage à ces étudiantes, mais n’a pas fait avancer la lutte contre les violences faites aux femmes.

La mobilisation publique, des autorités et l’éducation des jeunes sont des solutions plusieurs fois évoquées, et élargies à l’oppression des femmes. «La prise de conscience ne doit pas s’arrêter à une journée» dit Patricia à Montréal.

Catherine va dans ce sens: «Il est important d’éduquer les jeunes hommes et femmes à propos du passé, et continuer l’éducation des hommes sur leurs manières envers les femmes.»

Visibilité

La cause gagnerait-elle en force si elle était signalée plus visiblement?

«Je pense qu’il y a un phénomène intéressant quand on déclare une journée commémorative», indique Janet, thérapeute par les arts à Vancouver. «On voit des gens porter un chandail rose contre l’intimidation à l’école; un chandail orange en souvenir des survivants du système d’écoles résidentielles; des coquelicots pour les anciens combattants, etc.»

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«Quand on arrive à avoir une masse qui participe, ceci montre une sorte de solidarité pour cette cause (et) le relève dans la conscience publique.»

Auteur

  • Gratianne Daum

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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