200 ans et bien conservée!

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Publié 21/09/2010 par Gabriel Racle

Elle a 200 ans et elle est toujours bien conservée. La preuve, on ne manque pas de la voir souvent en faisant des courses. Elle est en bonne forme, des formes diverses d’ailleurs, elle est grande ou petite, arrondie ou plate, aguichante, attrayant ou terne, qui n’attire guère le regard, rajeunie pour paraître plus séduisante, ou dans une simplicité classique.

Elle n’a pas pris une ride, malgré son âge, et elle trouve facilement sa place dans nos intérieurs. Cette omniprésente porte pourtant un nom bien banal, qui l’a fait oublier, c’est tout simplement la boîte de conserve!
Pas de quoi en faire un plat… enfin!

Et en cette année 2010, elle affiche ses 200 ans, que bien peu pensent même à célébrer.

La bouteille à Appert

Toute cette histoire commence en France, avec Nicolas Appert, né en 1749, neuvième enfant d’un couple d’aubergistes de la région Champagne. La cuisine et la confiserie font partie de l’apprentissage de sa jeunesse, ce qui le sensibilisera aux problèmes de la conservation des aliments.

Au service de diverses familles nobles, il finit par s’installer à Paris où il ouvre une boutique de confiseur, La Renommée.

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Après quelques démêlés avec la justice lors de la période révolutionnaire française, il poursuit des recherches sur la conservation des aliments.

Il n’est pas satisfait de ce qui se fait alors et qui dénature le goût des produits, sel, fumée, séchage, confits, et il est au courant des problèmes de scorbut qui affectent les armées et la marine, et dont on sait aujourd’hui qu’ils résultent d’une carence en vitamine C.

Il multiplie des expériences pour tenter de conserver des aliments. En 1795, il tente un nouveau procédé: remplir à ras bord une bouteille de champagne à goulot élargi, avec de la viande et des légumes, la fermer hermétiquement et la chauffer au bain-marie pendant quelques heures, à la température de l’eau bouillante.

L’appertisation

Les bouteilles épaisses résistent bien à la pression intérieure et les aliments ainsi traités conservent leurs qualités.

Appert réussit à convaincre des amiraux d’essayer ses «conserves». C’est un succès. Il présente ses produits conservés à une exposition en 1806. Il écrit au gouvernement en 1809 pour faire part de sa découverte, le 15 mai 1809.

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Le 11 août, le ministre de l’Intérieur lui propose un choix: prendre un brevet, ou offrir sa découverte à tous et recevoir un prix du gouvernement. Mais la publication des résultats de ses travaux se fera à ses frais. Appert choisit cette deuxième option.

Concurrence britannique

Mais outre-Manche, la question de la conservation des aliments reteint aussi l’attention. En août 1810, un certain Peter Durand dépose un brevet portant sur l’emploi de récipients pour la conservation des aliments selon l’appertisation, et parmi ces contenants se trouve la boîte métallique en fer blanc.

Il ne prétend pas avoir découvert le procédé dont il aurait eu connaissance en 1809 «par une personne résidant à l’étranger». Il aurait amélioré le procédé en remplaçant les fragiles bouteilles en verre par du métal.

La source d’inspiration de Peter Durand n’est pas très claire. Du côté britannique, on dit qu’il se serait inspiré des recherches effectuées par un Français, un dénommé Philippe de Girard. Mais il s’agirait d’une usurpation.

Dans une lettre de Nicolas Appert au ministre français de l’Intérieur, de mars 1817, il écrit: «Dès l’année 1810 un Français, M. Girard, fabriquant de lampes, ayant acquis mon ouvrage, se rendit en Angleterre, où il eut l’effronterie de se dire l’inventeur du procédé».

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Quoi qu’il en soit, le procédé s’est rapidement développé au Royaume-Uni. Peter Durand vend le brevet à deux autres anglais, Brian Donkin et John Hall, qui ouvrent la première usine de boîtes de conserve en 1812, non loin de Londres.

Et dès 1813, les troupes et la marine britanniques bénéficiaient d’une alimentation saine et nutritive, grâce aux boîtes de conserve.

Bienfaiteur de l’humanité

C’est le titre qui sera décerné à Appert par les Anglais, titre que reconnaîtra en 1822 la Société d’encouragement de l’industrie nationale française.

En 1810, Appert avait publié Le Livre de tous les ménages ou L’art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales ou végétales, qui connaîtra plusieurs éditions, augmentées et traduites en plusieurs langues.

Appert ne connaissait pas l’explication scientifique de la conservation des aliments: le chauffage ou le vase clos?

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Ce n’est que Pasteur, 30 ans plus tard, qui fournira une explication, reconnaissant en Appert «un précurseur».

La concurrence britannique ruinera définitivement Appert, qui multiplie pourtant de nouvelles inventions: le bouillon en tablettes, les procédés de clarification des boissons fermentées, le lait concentré, et le premier lait que l’on qualifierait aujourd’hui de «pasteurisé», qui se conservait deux semaines en plein été.

Appert mourra dans la misère en 1841, et ne pouvant se payer une sépulture, il sera enseveli dans une fosse commune.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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