Après seulement dix ans dans le 21e siècle, Bordeaux a déjà connu deux millésimes du siècle (!!) avec les proclamations de 2005 et de 2009. Plus tôt ce mois-ci, le gratin médiatique et commercial avait rendez-vous dans cette ville jumelée à Québec pour évaluer les grands crus de Bordeaux. Les producteurs retiennent leur souffle alors que le très influent Robert Parker publie cette semaine ses notes de dégustations. Selon celles-ci, à chaque année, plusieurs châteaux établissent le prix de vente du nouveau millésime.
La naissance des Grands Crus
Au cours du 17e, et surtout du 18e siècle, le phénomène majeur dans la commercialisation des vins de Bordeaux est l’expédition de ces vins dans le monde, notamment avec la découverte du marché américain. Mais obéissant aussi à cette première mondialisation des échanges, on constate l’apparition d’une hiérarchie interne des crus et des terroirs.
Depuis l’époque médiévale, on parle de vin de palus, de ces lourds vins rouges provenant des fonds de vallées, en position presque idéale pour pouvoir s’embarquer sur les bateaux de rivières en direction de Bordeaux. On parle aussi, des vins de graves, c’est-à-dire de sols caillouteux et non pas de l’appellation telle que nous la connaissons aujourd’hui, et des vins de côtes correspondant aux Premières côtes de Bordeaux et d’ailleurs. Il existe une hiérarchie entre trois types de terroirs donnant des vins relativement différents les uns des autres, ainsi que par les prix pratiqués.
Lors d’une assemblée extraordinaire en 1647, les jurats de Bordeaux se réunirent pendant plusieurs jours pour taxer les vins. Il en résulte une liste de prix, une taxation qui apparaît comme une hiérarchie des vins considérés les meilleurs et les moins bons. Une hiérarchie de terroirs plus fine que ce qui existait auparavant.
Surtout au 18e siècle, les négociants prennent l’habitude de classer les vins à l’intérieur même de ces zones. Il en est de même à l’intérieur des côtes puisqu’on distingue des vins de premières côtes les vins de côtes de seconde qualité. Et plus encore avec une géographie paroissiale montrant que tel vin provenant de telle paroisse est meilleur que celui de la paroisse voisine.
Ceci aboutira dans un troisième temps à des classifications par propriétaires avec l’apparition d’un nom, de la généralisation d’un mot très courant qui va prendre une valeur très importante, le cru. On parlera de plus en plus du cru de M. X. Il est bien évident que dans la généralisation de cette notion de cru apparaît un vin individuel sous le nom d’un personnage, ce que nous appelons aujourd’hui le vin de propriété (le terme de château n’apparaît pas encore).