Se soigner en français à Toronto relève souvent du parcours du combattant, trouver un médecin de famille, un spécialiste… Quand le problème de santé ou la maladie atteignent un niveau de gravité important, il devient plus que nécessaire de pouvoir s’exprimer dans sa langue. Malheureusement cela n’est pas toujours possible. Si, vous ajoutez à cette difficulté le tabou que peuvent représenter certaines maladies ou infections, vous comprendrez la situation dans laquelle se retrouvent les 1 500 francophones qui vivraient avec le VIH à Toronto. Comment se soigner, vivre avec le VIH, en français à Toronto? Bilan de la situation, 25 ans après la découverte du virus.
«Il y a des choses qu’on sait pas. Il faut un diététicien pour contrer l’effet des médicaments. Ça fait du cholestérol, il y a beaucoup d’effets secondaires, on peut arriver à la crise cardiaque.» Consulter un diététicien, voilà le genre de services dont ont besoin les personnes VIH et auxquels on ne pense jamais.
Mark (le prénom a été changé), la quarantaine, a appris qu’il avait le VIH il y a de ça huit ans. Il refuse de se considérer comme une victime. Gai, il savait qu’il vivait dans un milieu à risque, fortement touché par le virus du Sida. «J’étais informé, je connaissais la maladie», reconnaît-il.
Accepter le diagnostique est une chose mais vivre avec la maladie en est une autre. Bilingue, Mark s’est fait dépisté dans un centre anonyme anglophone. Après les résultats, tous les organismes et services qu’on lui a proposé pour obtenir de l’aide étaient donc en anglais. Un an après, Mark a ressenti le besoin de bénéficier de services dans sa langue. «Pour le support moral, tout devait se passer en anglais, j’aurais vraiment aimé le faire en français.»
À ce jour, «des services pour les personnes atteintes de VIH existent en anglais et dans différentes langues, et pour différents groupes ethnoculturels», explique Jean-Rock Boutin, président de l’association FrancoQueer. La plupart du temps, les organismes proposant ces services sont adossés à la structure anglophone. L’inventaire des services disponibles en français fait pâle figure à côté de ceux des autres communautés. Jean-Rock fait un catalogue rapide des services médicaux en français liés au VIH: «Il existe le dépistage et le conseil en français au moment du diagnostique, quelques médecins privés francophones, et un médecin habilité à faire des ordonnances par rapport au VIH qui est présent une demi-journée par semaine au Centre francophone.» Le bilan est mince. Lucie Chauvette, directrice des programmes de santé au Centre francophone n’hésite pas à s’indigner ouvertement des services disponibles en français pour les personnes vivant avec le VIH: «C’est ridicule, c’est une blague.»