Je n’ai aucun respect pour la monarchie, britannique ou autre, chez nous ou ailleurs. Il est plus qu’embarrassant qu’au XXIe siècle le Canada soit encore soumis – même seulement symboliquement – à la couronne britannique. Vivement l’instant où nous romprons ce dernier lien colonial et où les Anglais eux-mêmes rangeront au musée cet anachronisme ridicule.
La semaine dernière cependant, j’ai applaudi à la décision courageuse, iconoclaste, du gouvernement britannique et de la Reine Elizabeth II d’anoblir l’écrivain fugitif Salman Rushdie, au mépris des sentiments des islamistes.
L’auteur des Versets sataniques, un roman faisant intervenir le prophète Mahomet, était devenu le symbole de la liberté d’expression occidentale autant que de la folie meurtrière religieuse quand l’ayatollah Khomeini, inspirateur de la révolution iranienne, l’avait condamné à mort en 1989. Le mot «fatwa» (l’ordre sans appel d’un imam) était alors entré dans notre vocabulaire.
C’était avant la première guerre du Golfe, les événements du 11 septembre 2001, les invasions de l’Afghanistan et de l’Irak, les attentats de la gare de Madrid et du métro de Londres, l’agitation autour des caricatures danoises, l’élection du Hamas en Palestine et les menées du Hezbollah au Liban…
Il se trouvait alors des gens pour dire que Salman Rushdie n’aurait pas dû «provoquer» ses anciens coreligionnaires (il n’est pire infidèle, pour les chefs religieux musulmans, que celui qui renie sa religion); que son livre n’était pas si important; pas si bien écrit; que sa protection, assurée par la police britannique, coûtait trop cher…
Depuis ce temps, la récompense offerte par l’Iran à quiconque assassinerait Salman Rushdie a été augmentée, malgré le décès de l’ayatollah khomeini (qui ne peut pas revenir sur sa décision puisqu’il est mort, a-t-on expliqué sans rire!). Nul doute qu’on fait aussi miroiter toutes sortes de bonheurs célestes au martyr qui périrait dans l’opération.