Vers un monde multipolaire: chaos ou nouvel espoir?

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Publié 02/02/2010 par Nirou Eftekhari

Une simple étude des statistiques et prévisions publiées par la Banque mondiale et le FMI permet de conclure que le paysage économique mondial est en voie de changer rapidement. Si l’effondrement du mur de Berlin en 1989, en mettant fin à la guerre froide et au monde bipolaire hérité de la Seconde guerre mondiale, a consacré le rôle des États-Unis d’Amérique comme seule superpuissance économique et militaire, on assiste depuis environ une décennie à l’émergence de nouveaux pôles économiques qui s’affirment de plus en plus sur la scène internationale.

Il y a d’abord et incontestablement la Chine qui avec son progrès économique fulgurant ne manquera pas de marquer ce siècle, comme le firent en leur temps les pays de l’Europe occidentale, les États-Unis et le Japon au cours des deux siècles précédents.

On estime que la Chine, dont le PIB presque à égalité avec celui du Japon en 2008, a d’ores et déjà remplacé ce dernier comme deuxième puissance économique dans le monde. Entre 2025 et 2030, le PIB chinois dépassera le PIB américain et 20 ans plus tard, en 2050, il en sera presque le double. Par ailleurs, la Chine a détrôné l’Allemagne en 2009 comme première exportatrice mondiale.

L’Inde aura en 2050 un PIB équivalent à celui des États-Unis. D’autres pays, tels que le Brésil, le Mexique ou la Russie, avec des taux de croissance exceptionnellement élevés, feront également reculer le poids économique relatif des pays occidentaux et du Japon.

Le G20, ce regroupement des pays avancés et des économies émergentes constitué en 1999, est une confirmation de la multiplication de pôles économiques et de centres de décision, dont les pays occidentaux traditionnels du G7 dominé par les États-Unis n’auront plus le monopole.

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Dans quelle mesure cette transformation du paysage économique mondial va-t-elle modifier l’équilibre des forces politiques et militaires sur la scène internationale? Étant donné le déclin de leur importance économique dans l’ensemble mondial, les États-Unis, considérés comme la première puissance militaire, notamment à la suite de l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan et des centaines de milliers de troupes américaines qui y ont été débarquées, seront-ils toujours en mesure d’assurer ce rôle de gendarme du monde qui leur est attribué? En 2008, ce pays était responsable de 41,5 % des dépenses militaires dans le monde, tandis que son PIB, bien qu’en tête du peloton international, était inférieur à 25 % du PIB mondial.

S’il est vrai que l’audience politique et l’influence militaire d’un pays ne se mesurent pas nécessairement en fonction de sa puissance économique, comme le prouve l’exemple de l’Union européenne qui passe pour la première force économique dans le monde tout en étant dépourvue d’une véritable politique étrangère cohérente, ce sont cependant la vitalité et la compétitivité économiques d’un pays qui définissent toujours à long terme son rang et son statut dans ces domaines.

La récession de 2008 qui a durement frappé l’économie américaine avec des déficits record et un chômage de plus de 10 % que rien ne permet de confirmer qu’il s’agit d’un phénomène de courte durée, a conduit bon nombre d’Américains à s’interroger sur les vraies priorités de leur pays. Le mécontentement n’a en fait cessé de gagner du terrain aux États-Unis, comme le prouve la victoire du candidat républicain à l’élection sénatoriale partielle dans le Massachusetts le 19 janvier.

Dans son discours du mois de décembre 2009, Barack Obama a laissé entendre que les États-Unis pourraient se retirer de l’Afghanistan dès juillet 2011, tout en promettant de mater la rébellion des talibans d’ici là, à l’aide de 30 000 soldats supplémentaires qui y seront dépêchés, et de doter le gouvernement de Hamid Karzai d’une force de résistance face aux assauts des insurgés.

On peut bien sûr s’interroger sur ce dernier pari des États-Unis en Afghanistan dans la mesure où ils n’ont toujours pas réussi à en finir avec les talibans depuis qu’ils ont occupé militairement ce pays en 2001. Mais parler d’un éventuel retrait des troupes américaines alors que l’influence des talibans s’étend au pays voisin Pakistan qui est de fait déstabilisé, ne devrait-il pas être interprété comme un signe de désarroi et de faiblesse dans la stratégie militaire américaine dans cette partie sensible du monde?

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On peut également se demander si la République islamique d’Iran aurait pu poursuivre son programme nucléaire en ignorant les sanctions économiques décrétées par le Conseil de sécurité contre son pays si les limites de l’efficacité de l’intervention militaire américaine n’étaient pas perceptibles en Irak et en Afghanistan. L’exemple iranien est à coup sûr un test important pour l’avenir de la suprématie militaire américaine dans le monde.

Il est difficile d’admettre que le nouvel ordre économique international marqué par l’ascension de nouveaux pôles puisse coexister pour encore longtemps avec l’ordre militaire mondial actuel qui depuis plusieurs décennies repose essentiellement sur la prédominance de l’économie américaine.

Il semble plutôt que la multipolarité économique du monde en attisant la concurrence et la compétition pour accéder aux marchés, aux matières premières et aux ressources financières devra déboucher sur de nouveaux jeux d’alliance et de nouvelles ententes qui permettront peut-être, espérons-le, aux peuples et pays démunis et dominés, là-où se concentre la grande majorité de l’humanité, de trouver finalement le moyen de faire entendre leur voix.

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