C’est le branle-bas de combat dans les administrations publiques, les groupes sociaux et certains milieux commerciaux et financiers, contre la décision des Conservateurs de remplacer la version longue (40 pages) du recensement, distribuée à un cinquième des ménages, par une enquête un peu plus courte, facultative, au tiers des foyers du pays. La version courte (2 pages), distribuée à toutes les adresses, serait inchangée et resterait obligatoire.
Le chef de Statistique Canada, Munir Sheikh, a préféré démissionner plutôt que cautionner un processus qui dégraderait l’exercice quinquennal, dont le prochain est prévu en 2011. D’un point de vue scientifique (la statistique étant une science), il ne fait pas de doute qu’un sondage obligatoire recueillerait des données plus complètes et plus fiables qu’un sondage facultatif. De plus, le nouveau système provoquerait un «bris de série» en passant d’un type de questions à un autre: on pourrait plus difficilement comparer les nouvelles données aux anciennes.
Statistique Canada ne sera cependant jamais omnisciente ni infaillible. C’est un outil auquel on aurait tort de se fier aveuglément, comme le GPS qui rend parfois les automobilistes stupides. Les informations recueillies au moyen du recensement révèlent surtout des tendances que le gouvernement a le droit de chercher à corriger ou à encourager.
De plus, en l’absence de tout recensement, Statistique Canada arriverait sans doute à recueillir et analyser toutes les données dont on aurait besoin en ayant accès à celles d’autres agences fédérales (on pense notamment à l’impôt et à l’immigration), d’autres niveaux de gouvernement (ministères provinciaux des Transports, de la Santé, du Logement, municipalités, services policiers) et diverses fédérations professionnelles ou regroupements industriels.
Les recensements existent depuis l’Empire romain et servaient évidemment à mieux taxer les citoyens. L’un d’eux est associé à la naissance de Jésus: c’est pour s’inscrire sur la liste officielle, comme la loi les y obligeait, que Joseph et Marie se rendaient à Bethléem selon la légende. À l’ère de l’internet, on pourrait innover.