Une solution à la recherche d’un problème

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Publié 08/04/2010 par François Bergeron

L’an dernier, l’Université Ryerson commandait à un comité de profs, d’étudiants et d’experts extérieurs un rapport sur le «racisme» ambiant dans cette institution, suite à quelques incidents insignifiants.

Publié cet hiver, le rapport a conclu que certains étudiants de ce campus très multiculturel, situé dans la ville la plus multiculturelle au monde, sentent parfois qu’on les regarde de travers ou qu’on ne les prend pas au sérieux, en raison peut-être de leur ethnicité ou de leur religion ou d’autres caractéristiques personnelles.

De jeunes adultes qui ne sentent pas parfaitement intégrés à leur nouveau milieu universitaire? C’est un scoop! De là à conclure à la prévalence d’un racisme «toxique» (mais «invisible», «subtil», «systémique», «structurel»…) à Ryerson, il n’y a qu’un pas, que ces adeptes de la victimisation collective avaient franchi d’avance.

Le rapport d’une centaine de pages, en anglais seulement (discrimination!), disponible à http://www.ryerson.ca/antiracismtaskforce/index.html, reconnaît la bonne volonté de toutes les parties en présence mais aussi, malheureusement, leur ignorance du problème ou leur inconscience de son ampleur.

L’Université Ryerson, anciennement «collège polytechnique», a pris beaucoup d’expansion ces dernières années, dynamisant tout le quartier du Dundas Square. On imagine mal, en voyant cette foule estudiantine bigarrée qui rentre et sort des cours à toute heure du jour, et en entendant le bruit de leurs conversations animées et parfois même leurs rires, le stress terrible qui les accable…

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Eux non plus d’ailleurs, car en grande majorité ils ont répondu aux enquêteurs sur le racisme que ça se passait relativement bien pour eux à Ryerson, dont ils avaient une impression très positive. Même sentiment chez les profs et les cadres. Le comité propose de remédier à cet aveuglement en créant un «Bureau de l’équité, la diversité et l’inclusion» et en rééduquant toute la communauté universitaire, en commençant par le personnel, au moyen d’ateliers et de cours donnés par des experts issus, comme eux, de l’industrie de la justice sociale.

Dans une première réaction des plus prévisibles, le président de Ryerson, Sheldon Levy, a promis de créer la structure anti-discrimination demandée et de faire adopter officiellement par l’institution une déclaration valorisant la diversité et l’inclusion.

À l’entendre, surtout après avoir lu le rapport, le campus vient d’éviter la guerre civile.

Figurez-vous que des étudiants musulmans critiquaient parfois les politiques d’Israël, au vu et au su d’étudiants et de profs juifs qui en étaient évidemment tout retournés.

Pire, d’autres étudiants appartenant à la majorité (précisons: blanche-anglo-chrétienne) ont pu amalgamer impunément le terrorisme à l’islamisme dans des conversations sur l’actualité, encore là indisposant des étudiants et des profs musulmans. (Quoi? Il y a des profs musulmans à Ryerson? On savait qu’on y tolérait les juifs… On constate que le campus n’est pas très éloigné du quartier gai… Ne me dites pas qu’il y a même des noirs!)

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On rit mais c’est triste: les mesures anti-discrimination proposées à Ryerson favoriseront non pas l’inclusion mais bien au contraire la ségrégation des étudiants, des profs et des cadres en fonction de leur race, leur religion, leur sexe (et peut-être d’autres caractéristiques auxquelles je ne pense pas parce que, justement, comme pratiquement toute la société, on n’y pense plus). Il faudra les recenser, sonder, catégoriser, récompenser ou réprimander afin d’évaluer périodiquement le succès ou l’échec de l’entreprise.

L’Université Ryerson va apporter une foule de solutions à des problèmes réglés depuis quelques décennies déjà.

Malheureusement, on ne s’attend pas à ce que cela suscite beaucoup de débats. Intéressés par les emplois et l’influence qu’un tel détournement d’énergie et de ressources leur apportera, les initiateurs de cet exercice identifieront tout dénie ou minimisation du racisme ou du sexisme comme une manifestation du mal qui justifie leur intervention.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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