Une Saint-Jean chaude et festive

Kevin Parent sur la scène extérieure de Harbourfront

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Publié 20/06/2006 par Marta Dolecki

Une journée unique, des petites lueurs du matin aux dernières heures de la soirée. Les Québécois l’ont hissé au rang de Fête nationale. En Ontario, la Saint-Jean-Baptiste est plutôt perçue comme la fête du peuple canadien-français. Il n’en fallait pas plus pour ajouter de l’eau dans le vin. Alors, le 24 juin, Fête nationale des Québécois ou fête de tous les Canadiens-Français?

Entre les deux, le cœur balance. D’aucuns ont des avis arrêtés sur le sujet. Pour beaucoup, la question revêt des allures de non-débat. Car, au-delà des querelles terminologiques et des divergences d’opinion, la Saint-Jean permet à tous les francophones d’Amérique du Nord de célébrer leur appartenance à une même grande famille.

Passé le côté politique, c’est aussi une bonne excuse pour se remplir la tête de musique festive en naviguant au gré de partys, gonflé à bloc d’une fierté toute francophone. De gigantesques rassemblements, défilés populaires et autres traditions rythment cette fête peu ordinaire partout au Québec. La Ville-Reine, quant à elle, n’est traditionnellement pas en reste.

Doucement et à son rythme, la métropole anglophone se prépare à sortir ses drapeaux ornés de fleurs de lys. À l’occasion, les Torontois, toutes nations confondues, pourront venir danser sur des airs fredonnés dans la langue de Molière.

Cette année, la Franco-Fête clôt son dernier volet avec une tête d’affiche alléchante. Le Samedi 24 juin prochain, nul autre que Kevin Parent débarquera sur la scène extérieure de Harbourfront. L’artiste viendra y semer ses chansons à la fois énergiques et intimistes, extraites de ses trois derniers albums.

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Avant lui, la fête ou plutôt, la fiesta, débutera avec le groupe latino-montréalais Colectivo, précédé de l’humoriste Jean-Christian Thibodeau et d’un passage obligé par La Ferme de Jojo, gracieuseté de Johanne Lefebvre.

Kevin Parent à Toronto

Si l’on parle souvent de francophones en milieu minoritaire, Kevin Parent a connu la situation inverse. Anglophone né en terre francophone, il a grandi dans le petit village de Nouvelle, en Gaspésie. Le chanteur ne renie pas ses racines, mais se déclare aussi Québécois de cœur.

Les soirs de Saint-Jean, il n’hésite pas à endosser un gilet fleurdelisé quand vient le moment de monter sur scène. «Mon berceau, c’est le Québec, dit-il en entrevue. Le public ici a été très généreux avec moi. J’ai eu la chance de faire ma part et d’obtenir un bon accueil de la part des Québécois. J’aimerais poursuivre cette relation-là et continuer d’avoir ma place là-bas.»

Parce qu’il a vécu en Gaspésie, le chanteur dit comprendre la situation des francophones, constamment menacés par la langue anglaise au Québec et partout au pays.

«J’ai moi aussi fait partie d’une minorité. La proximité d’autres francophones m’a encouragé à découvrir leur culture, dit-il. Je ne l’ai jamais prise pour acquis. Elle ne faisait pas nécessairement partie des valeurs avec lesquelles j’avais grandi et il a fallu que je l’assimile. Cependant, c’était aussi plus enrichissant de l’apprendre et de la respecter ainsi.»

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Et cela n’a pas raté. Si à 16 ans, Kevin Parent commençait à faire la tournée des bars en reprenant de vieux morceaux de Bob Dylan et de Cat Stevens, le jeune homme essayait toujours d’introduire quelques tounes en français, des morceaux de Francis Cabrel ou encore du Québécois Plume Latraverse.

Les premiers disques enregistrés en français, suivis de l’album Pigeon d’argile, qui a récolté cinq Félix en 1996, sont ensuite arrivés. Tout s’est alors enchaîné très vite. Peut-être l’auteur de La Jasette, l’un des succès qui l’a fait connaître, arborera-t-il, comme de rigueur, une fleur de lys lors de son passage à Toronto le 24 juin prochain?

En attendant, Kevin Parent se dit enchanté d’aller rencontrer les francophones vivant à l’extérieur de la Belle Province.

«La langue française est ma langue seconde. Depuis que je fais de la musique ici au Québec, j’ai toujours été étonné par l’accueil très chaleureux des gens. J’ai eu l’occasion de voyager à plusieurs endroits, que ce soit dans l’Ouest canadien, en Belgique ou en Suisse. J’ai toujours trouvé qu’il y avait, à l’extérieur du Québec et de la France, une belle solidarité entre les francophones qui se retrouvent entre eux.»

L’écriture, loin des regards du public

Dans l’ombre, préférant ne pas attirer l’attention avant d’avoir sorti un nouveau disque, Kevin Parent continue de composer des textes. Il se dit beaucoup plus apaisé et serein que par le passé. Plus mature aussi, avec le passage des années.

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«J’ai eu une période plus tranquille où j’ai vécu à l’écart des projecteurs. Cette discrétion retrouvée m’a permis de reprendre contact avec certaines réalités. Plus de 10 ans me séparent de mon premier album, raconte le chanteur. Je me suis installé à Montréal, j’ai aussi beaucoup voyagé. Au fil des ans, l’exigence de rigueur a fait place à une certaine tolérance et à une plus grande ouverture. C’est aussi simple que le fait de mieux comprendre ses parents à mon âge, alors que quand on est jeune, c’est plus facile d’être rebelle.»

L’écart de deux, parfois trois ans, entre les différents albums n’est pas, de son propre aveu, le résultat d’un choix délibéré, mais plutôt le fruit de contraintes professionnelles venues freiner les projets du chanteur.

«Si ça venait de moi, je serais plus prolifique, admet-il. Il y a eu des changements dans ma structure professionnelle. Il faut alors du temps pour choisir, assembler la bonne équipe. Autant les gens trouvent que sortir un album prend du temps, autant on est facilement sujet à la critique si ce dernier n’est pas au point.»

Cependant, entre lui et le public, l’artiste a aussi eu besoin de laisser un espace, histoire de retrouver ses racines, partir pour mieux revenir, dit-il. «Quand on devient un peu plus célèbre, on a beau dire qu’on veut rester soi-même, il y a toujours ce désir implicite de vouloir faire plaisir à son public. Ça fait du bien de créer une espèce de vide, un écart entre les spectacles. Parfois, il faut que tu te détaches du public pour ressaisir tes propres valeurs», remarque Kevin Parent à ce propos.

Cependant, un prochain album en français se prépare doucement, promet le chanteur. Et il peut d’ores et déjà annoncer qu’il y aura une chanson dédiée à une personne chère à son cœur et qui n’est nulle autre que sa mère. «Ça fait 10 ans que j’écris ce texte et là je suis tout près, mais vraiment tout près de ce qu’elle mérite», de conclure l’artiste.

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Fiesta muy caliente

Faire la fête à la chanson française ou faire la fête tout court… Shantal Arroyo, chanteuse et fer de lance du groupe Colectivo, s’est retrouvée à hésiter entre ces deux options. Surtout que sa tribu, si elle est composée de quelques  »francos », se caractérise plutôt par un mélange des cultures – une dizaine au total.

Ensemble, tout ce joyeux monde, Haïtiens, Italo-québécois, Chinois rastafariens, Anglo-Québécois et Hispaniques d’horizons divers, vient former Colectivo.Shantal, elle-même, née à Mexico, a grandi à Chicoutimi avant de venir s’installer à Montréal.

Depuis maintenant six ans, le groupe surfe sur la nouvelle vague hispano-francophone lancée par les Manu Tchao et autres Mano Negra, une World fusion colorée, brassage de reggae-dub mâtiné de ska-punk aux accents salsa, le tout saupoudré de quelques bonnes doses de rock attitude.

La plupart des membres de Colectivo font partie d’anciens groupes de la scène alternative montréalaise tels Grimskunk, Redcore ou les Funkafones. Shantal, elle, est l’ancienne bassiste et chanteuse d’Overbass. «Quand on nous a dit que nous allions faire un show de la Saint-Jean à Toronto, on a été un peu étonnés», raconte Shantal, en entrevue depuis Montréal. «On ne savait pas trop si on devait se concentrer sur le côté francophone, mais en même temps, on s’est dit que notre musique était vraiment trop diversifiée. Il fallait un spectacle qui soit le mélange de nos deux albums et de quelques reprises que l’on fait, mais de façon très spéciale», dit-elle.

Sur la grande scène de Harboufront, en première partie de Kevin Parent, cette particularité viendra se traduire par des reprises de Santana et des Pink Floyd, mais «version reggae, des choses assez capotées», assure Shantal Arroyo. Le groupe a pour particularité de passer du français à l’italien pour finir une seule et même chanson en espagnol.Un espagnol francisé, précise la chanteuse, qui vient se teinter d’expressions québécoises, celles d’immigrants de la seconde génération qui réinventent une nouvelle langue colorée aux accents à géométrie variable.

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La musique endiablée du Colectivo n’est pas, quant à elle, sans effets secondaires. Bientôt, les pieds démangent, se mettent à battre la cadence. Soudain, le corps entier est pris d’une irrésistible envie de danser. «On a la chance d’attirer un public large. Ça va des petites filles aux dames de 60 ans et plus, affirme Shantal. Ce qui frappe quand on joue, c’est que 70 % de l’assistance est féminine.» Curieux de voir autant de filles pour un band qui revendique ses racines punk et metal hardcore?

«On a 13 super beaux gars dans le groupe, lance la chanteuse à la blague. C’est aussi une musique qui se danse, rectifie-t-elle immédiatement. Les filles viennent, les gars arrivent parce qu’ils voient des filles. Tout le monde y trouve son compte», conclut la jeune femme dans un clin d’œil.

Et pour faire la transition du 24 au 25 juin tout en douceur, c’est ensuite au tour de Francophonique de prendre le relais. À partir de 23h samedi prochain, le groupe organise une «après-soirée» au Boathouse Bar & Grill, sur les bords du Lac Ontario. À grands renforts de musique franco et de sangria, la soirée devrait se prolonger jusqu’au petit matin. Pour plus d’informations: www.francophonique.com

Franco-Fête: Kevin Parent, Colectivo, Jean-Christian Thibodeau, Johanne Lefebvre. Le samedi 24 juin au Harbourfront Centre, grande scène extérieure, 235 Queen’s Quay Ouest, à partir de 18h30. Adresse courriel: [email protected]

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