Une pluie chaude sur le chapeau

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Publié 09/06/2009 par Dominique Denis

Avec La vie en bleu, paru en 2007, Cindy Doire avait imposé d’entrée de jeu une certaine façon de chanter, d’écrire, d’assumer sa féminité mi-câline, mi-farouche, qui ne pouvait laisser indifférent. Avec ses couleurs de jazz, façon Norah Jones, ce premier opus proposait suffisamment de plaisirs atmosphériques pour faire oublier une écriture qui cherchait encore sa voie en marge des procédés faciles. Deux ans plus tard, avec Chapeau de pluie (distribution APCM), on sent que Cindy a beaucoup écouté, beaucoup lu, et ne se contente pas de jouer les mêmes cartes. Si le charme opère toujours, il n’est plus une fin en soi.

Il ne fait aucun doute que ce nouvel album porte la griffe de son réalisateur, nul autre que Colin Linden, autant que celle de son auteure. Ce qui n’est pas pour suggérer que Cindy n’a fait que se couler dans le moule nashvillien – ce qui eût été parfaitement compréhensible, vu le calibre des musiciens dont elle se trouvait entourée (dont le génial Paul Reddick à l’harmonica). Je crois plutôt qu’il y avait, à la base, une affinité naturelle entre l’univers de Cindy (qui vit désormais à Montréal, comme se doit de le faire toute artiste de Timmins qui ne s’appelle pas Shania Twain) et celui du guitariste-réalisateur qui a notamment travaillé avec The Band et Emmylou Harris.

Se glisser dans l’univers sonore de Chapeau de pluie, c’est comprendre la différence subtile mais fondamentale entre une interprète féminine et une interprète doublée d’une femme, et qui utilise la femme comme filtre (et comme philtre!) pour prêter une couleur particulière à ses interprétations. Difficile, à l’écoute de ce nouvel album, de faire abstraction de la charge sensuelle dont ces chansons se trouvent investies.

À l’instar de Lucinda Williams, Cindy assume cette sensualité avec un naturel qui peut séduire ou déconcerter, même s’il lui reste quelques échelons à gravir avant d’atteindre le niveau de qualité d’écriture de son homologue américaine.

Une écoute suffit pour se convaincre que l’étincelle est déjà là dans des chansons comme À genoux (au carrefour de Daniel Bélanger et Lhasa de Sela), Ollabelle, qui évoque le Dylan des années 65-66, et Noir, c’est noir, qui flirte avec le classique dont elle emprunte le titre avant de cerner sa propre mélodie et son propre propos.

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Dans le sillage de ce second album, Cindy est sans doute celle qui, dans le sillage de Damien Robitaille, pourrait être la prochaine Franco-Ontarienne à s’imposer sur le marché québécois et, pourquoi pas, français.

Et pourtant, au lendemain du lancement de l’album, elle admettait se sentir déchirée entre l’exigence du service après-vente, si j’ose dire, et le désir de graver tout de suite un nouvel album à saveur plus «indie» (lisez «moins calculé pour percer»). Une tentation discutable, sur le plan stratégique, mais qui suggère que l’artiste est mue par une telle soif d’explorer et de rendre compte de ses trouvailles qu’il serait dommage de l’en empêcher.

Njacko Backo, fidèle à lui-même

Parler d’un nouvel album de Njacko Backo, c’est un peu se condamner à reformuler les mêmes idées, les mêmes éloges et les mêmes réserves, puisque l’homme se trouve tellement bien dans son univers musical qu’il n’éprouve de toute évidence aucun besoin de se remettre en question.

Et pourquoi le ferait-il? Depuis plus de quinze ans, le multi-instrumentiste d’origine camerounaise décline la même palette d’influences – makossa, soukous, rumba – dans un répertoire qui prône des valeurs fédératrices telles la tolérance, la fraternité et le respect de la planète, ce qui lui assure d’être le bienvenu sur toutes les scènes de tous les festivals folk et roots de Vancouver à Saint John, sans parler des écoles de l’Ontario, où son omniprésence laisse croire que ses chansons sont inscrites au curriculum. Ce n’est que lorsque quelques mesures de rap se font entendre qu’on a le sentiment d’être en présence de quelque chose de nouveau.

Bref, ceux qui sont tombés sous le charme souriant du joueur de kalimba (cette petite boîte munie de lames de métal que l’on caresse avec les doigts pour produire des arpèges cristallins) ne risquent pas de se sentir dépaysés avec Où est l’amour? (Autoproduction).

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Les contributions instrumentales sont de très haut niveau (le bassiste Juan Pablo Dominguez se distingue particulièrement), et les refrains repris par un chœur sont d’une simplicité accrocheuse.

Mais s’il fallait identifier une faiblesse dans la musique de Njacko Backo – et dans bon nombre d’enregistrements africains – c’est précisément la simplicité précitée, qui s’avère trop souvent simpliste. Même si ses textes viennent du «royaume de la bonté», comme l’affirme Njacko, le recours systématique à des images et des phrases du genre «Non, non, non à la pollution» laisse l’impression d’être en présence d’un disque destiné exclusivement aux enfants, ce qui n’est sans doute pas l’objectif de son auteur.
Lancement du CD Où est l’amour? de Njacko Backo Vendredi 19 juin 2009, 20h30, hôtel Gladstone, 1214, rue Queen Ouest, 20$ avec CD/ 10$ sans CD/ 5$ pour les enfants de moins de 16 ans

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