Une petite roulotte qui fait fi de l’économie de marché

Exposition Bolerama à la galerie Glendon

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Publié 28/03/2006 par Marta Dolecki

Les années 1960-70 ont été marquées par l’aventure hippie, Woodstock, la génération du flower-power, les costumes pailletés et l’avènement du disco.

Pourtant, il est une invention typiquement canadienne qui a fleuri pendant ces années-là, même si rares sont ceux qui en ont entendu parler. En 1972, le boler, une roulotte de camping en fibre de verre, petite et légère, a fait son apparition sur les routes et terrains de camping du pays, pour la plus grand plaisir des amateurs de plein air et de nature.

Lise Beaudry a grandi au milieu des plaines vertes et des fermes laitières, dans une petite communauté du nord de l’Ontario répondant au nom d’Earlton. La ville, en plus de ses traditionnelles activités agricoles, avait pour particularité d’abriter une usine de bolers. La jeune femme a vu ces petites roulettes rondes stationner dans les campings des environs, mais n’a pour autant jamais pensé à en faire le sujet d’une exposition.

Jusqu’au jour où un article sur cette curieuse caravane aux allures d’œuf rond a attiré son attention dans les pages d’un magazine consacré aux voyages. On y annonçait un bolerama – comprenez, un rassemblement de roulettes boler – qui aurait lieu durant l’été 2004 en Saskatchewan, à White City, petite ville de quelque 500 habitants située à l’est de Régina.

Un appareil photo sous le bras, l’artiste de 33 ans, étudiante en arts visuels à l’Université York, a décidé de se rendre sur place pour mieux comprendre cette bolermania qui, chaque année, rassemblait ses fidèles au gré de manifestations ponctuelles.

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Ce qui est parti d’une simple idée est devenu pour Lise Beaudry un sujet de maîtrise qu’elle a eu le loisir de développer et d’approfondir pendant deux ans. À la suite de ce premier bolerama où elle s’est liée d’amitié avec plusieurs inconditionnels de boler, Lise Beaudry a assisté à un rencontre similaire, cette fois un an plus tard, à Peterborough en Ontario.

Le résultat de son travail sur ces véhicules de plaisance, se retrouve affiché aux murs de la galerie Glendon jusqu’au 8 avril prochain. Une série de quinze photographies représentant des bolers vus de l’intérieur et de l’extérieur, une authentique roulette grandeur nature et des extraits d’entrevue avec des fabricants et propriétaires de bolers viennent fournir la matière de l’exposition Bolerama.

«En tant que photographe, il y a quelque temps que je m’intéressais à des lieux de rassemblement, des espaces ou des activités qui donnent l’occasion de se rassembler pour former des communautés», explique Lise beaudry à propos de la démarche qui l’a poussée à choisir ce sujet d’étude peu banal. «J’avais déjà consacré des séries de photos aux cabanes à pêche ou encore aux cinéparcs. Je trouvais intéressantes ces activités de groupe qui, dans le cas des cinéparcs par exemple, permettent de vivre l’expérience du cinéma de façon différente», ajoute la jeune femme.

Une communauté à roulettes

En pleine nature, éloigné de tout, le bolerama est un lieu de rassemblement par excellence permettant à une communauté entière de vivre en harmonie avec l’environnement, loin du confort et des installations de la vie moderne.

«Souvent dans les bolers, il n’y a pas de télévision, pas de micro-ondes. Les gens viennent surtout pour faire des rencontres, partager des choses, échanger des histoires. On rentre le soir dans sa roulotte pour dormir. C’est sûr que les personnes qui participent à ces manifestations sont un peu à part. Le boler est un véhicule simple, modeste, qui n’est pas là pour être exhibé comme signe de richesse, alors oui, ces gens sont un peu en rupture avec le monde actuel. Ils ne s’inscrivent pas du tout dans un discours de marché», fait valoir Lise Beaudry.

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Ce qui a frappé la jeune photographe dans ses pérégrinations à travers les différents campements est l’extrême créativité dont faisaient preuve les propriétaires de bolers, la façon dont ils réinventait l’espace interne et externe pour ensuite se le réapproprier.

«Beaucoup d’entre eux ont rénové, personnalisé leur roulotte. Ils en sont extrêmement fiers. Du coup, le boler n’est plus un simple objet, mais devient l’expression de la personnalité de celui qui l’habite. C’est aussi ce que je recherchais. Sans photographier les gens qui habitent les bolers, je voulais quand même représenter la façon dont ils s’organisent. Cela me permettait de raconter un peu qui ils étaient à travers leur véhicule.»

Lise Beaudry avoue aussi que cette exposition l’a fait replonger dans ses souvenirs d’enfance, du temps où elle et sa famille partaient chaque année à l’aventure sur les routes. «Le camping était très populaire dans les années 1980. Mon père avait une petite roulotte qu’il attachait à sa voiture. On ne restait jamais à la même place, on allait toujours de lac en lac. Certainement, le camping est une activité formidable qui permet de vivre des aventures et de rencontrer de nouvelles personnes», raconte la photographe.

Et de préciser que sa famille était elle-même directement impliquée dans la construction de bolers, ce qui aura très certainement conditionné son choix du présent sujet, affirme-t-elle.

«Ma mère travaille toujours chez Earlton Camping qui fabriquait des bolers dans les années 70. En tant qu’artiste, c’est toujours important pour moi de commencer par des choses qu’on connaît, des choses qui sont près du cœur. Si ce n’est pas intéressant pour moi, c’est difficile à le rendre intéressant pour les autres», conclut-elle.

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Bolerama, exposition de Lise Beaudry à la Galerie Glendon, du mardi au vendredi de 12 à 15h et le samedi de 13 à 16h.

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