Une Journée Terry Fox virtuelle pour le 40e anniversaire du Marathon de l’espoir

«Il faut que ça continue sans moi»

Terry Fox sur la route en 1980. Photo: Gail Harvey, Courtoisie Fondation Terry Fox
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Publié 19/09/2020 par Andréanne Joly

Chaque année, la Fondation Terry Fox récolte plus de 20 millions $ en dons pour financer les recherches sur le cancer. L’année de la CoViD-19 forcera-t-elle la Fondation à effectuer un revirement?

Contre vents et marées, la 40e édition de leur course annuelle, principale activité de collecte de fonds de l’organisme, aura bel et bien lieu ce dimanche 20 septembre, mais s’appuiera sur le virtuel plutôt que sur ses évènements habituels.

Lorsqu’il a entrepris son Marathon de l’espoir, le 12 avril 1980, Terry Fox espérait amasser 1 million $ pour faire avancer la recherche sur le cancer. Voyant grandir l’engouement pour sa course, il a revu son objectif à la hausse: recueillir 1 $ par Canadien, soit 23 millions $.

Quarante ans plus tard, la Fondation Terry Fox a récolté plus de 800 millions $ au nom de l’athlète qui a couru 5373 kilomètres malgré son cancer des os. De 2012 à 2019, plus de 20 millions $ étaient amassés chaque année. Qu’en sera-t-il en 2020?

Une figure rassembleuse

La toute première Journée Terry Fox s’est tenue le 13 septembre 1981, 11 semaines après le décès de l’athlète qui a quasiment rallié Saint John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) et Thunder Bay (Ontario) à la course.

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Cette journée a donné lieu à 760 évènements à travers le Canada et même outre-mer, réunissant plus de 300 000 personnes qui ont recueilli 3,5 millions $ – l’équivalent de 9,6 millions $ en 2020, selon la feuille de calcul de l’inflation de la Banque du Canada.

Dans les dernières années, 3,3 millions d’élèves auraient pris part à la Journée Terry Fox des écoles et plus de 160 000 personnes auraient amassé des fonds au pays.

La statue Terry Fox à Ottawa. Photo: Owen Byrne, Wikimedia Commons

Près de 15 000 participants

Peter Sheremeta, directeur provincial pour la Fondation Terry Fox au Québec, estime que «15% du Canada participe à la Journée Terry Fox des écoles»; un scénario qui pourrait être bien différent en cette année de pandémie.

Au 17 septembre 2020, soit à trois jours de l’évènement annuel, 2,8 millions $ avaient été amassés. De Dawson City au Yukon à Saint-Jean de Terre-Neuve, en passant par Arctic Bay au Nunavut et Kingsville en Ontario, 14 780 participants travaillaient pour la cause.

«Cette année, on n’est pas certains du nombre de personnes qui vont participer», concédait Peter Sheremeta 16 jours avant la journée virtuelle.

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La 40e édition du Marathon de l’espoir ne sera assurément pas comme les autres. «Mais quand même, on va ramasser beaucoup», avance-t-il, confiant.

Le pied de la statue Terry Fox à Ottawa. Photo: Mike Gifford, Wikimedia Commons

Rôle crucial des écoles

Malgré l’optimisme de Peter Sheremeta, les dons annuels semblent stagner ou connaître un léger déclin. Depuis 2012, la Fondation reçoit chaque année de 21,4 à 24 millions $.

Selon le directeur provincial pour le Québec, il existe des cycles clairs: une forte croissance jusqu’en 2000, suivie d’un plateau; une explosion en 2005 avec la participation formelle des écoles; une diminution jusqu’en 2010; suivie de petits plateaux et de légères augmentations.

Francopresse a tenté pendant quelques semaines et par plusieurs moyens d’obtenir les états financiers de la Fondation Terry Fox d’avant 2012 afin de livrer une perspective quantifiée, mais attend toujours réponses, explications ou données.

Chose certaine, l’entrée en jeu des écoles a changé la donne: de 4800 écoles inscrites à la Journée Terry Fox en 2004 à 10 500 l’année suivante. «C’était incroyable», se souvient Peter Sheremeta, à l’emploi de la Fondation depuis plus de 20 ans. «En 2006, on s’est dit que si on pouvait garder plus de la moitié de ces écoles, on serait heureux, et c’est ce qui est arrivé.»

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L’organisme va ainsi chercher des millions de participants, appuyés de contributeurs.

Depuis 2012, les dons sont plutôt stables pour la Fondation Terry Fox: de 23 à 24 millions $ annuellement. Photo: Andréanne Joly

Un gars normal

«L’armée de Terry», comme l’appelle Peter Sheremeta, compte plus de 3 millions d’élèves. En plus de contribuer aux efforts de financement de la recherche sur le cancer, cette participation perpétue la mémoire de Terry Fox, estime le directeur.

En 2015, dans une entrevue accordée à Denis Gratton du quotidien Le Droit, Fred Fox, le frère de Terry, disait parcourir le pays en entier pour présenter de 80 à 100 conférences par année. Il raconte aux élèves l’histoire de son frère, jeune, amputé, mais «un gars comme tous les jeunes de son âge» malgré tout.

Le message qu’il souhaite passer: «Faites de votre mieux, soyez déterminés, n’abandonnez jamais vos rêves malgré les nombreux obstacles que la vie peut mettre sur votre chemin, et terminez ce que vous commencez. Allez jusqu’au bout de vos rêves. Tout est possible quand on y croit vraiment.»

Peter Sheremeta a souvent accompagné les membres de la famille Fox dans les écoles et a constaté que le message passe. «Les élèves ont tendance à voir Terry Fox comme un héros, une légende, une icône, puis ils rencontrent un membre de sa famille et ils se rendent compte que c’est juste un gars normal qui a fait quelque chose d’extraordinaire.»

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Terry Fox sur la route. Photo: Gail Harvey, Courtoisie Fondation Terry Fox

Faire la différence

Marguerite Tölgyesi, présidente du comité Jeunesse Franco-Yukon (JeFY), se souvient même d’avoir reçu la visite de Betty Fox, la mère de Terry Fox, à son école. Elle en a bien retenu le message: «N’importe qui peut faire une différence. Terry Fox était un jeune avec une idée pour améliorer le sort de gens qui, comme lui, ont souffert d’un cancer. Sa mère nous a encouragés à nous engager pour faire une différence, même si c’est à plus petite échelle.»

Il est un modèle de détermination, de courage et de succès accessible, souligne Sue Duguay. La présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), originaire de Miramichi, a aujourd’hui l’âge de Terry Fox alors qu’il traversait le Canada. «Il me rappelle qu’en se lançant dans une cause qui est vraie, on est capable d’aider bien plus de gens.»

Originaire de Caraquet, Pier-Maude Lanteigne, médecin résidente en médecine familiale et militante pour les droits des personnes marginalisées, souligne la résilience de Terry Fox: «Garder espoir, trouver de nouveaux buts et se battre pour les atteindre malgré les obstacles rencontrés; qui n’en verrait pas une source d’inspiration?» relève-t-elle.

Terry Fox sur la route. Photo: Gail Harvey, Courtoisie Fondation Terry Fox

Immortel dans l’imaginaire collectif

Peter Sheremeta avait 11 ans lorsque Terry Fox a traversé le Canada. À ses yeux, il n’y a pas de doute: Terry Fox continuera de marquer l’imaginaire collectif encore longtemps. «J’espère que [les enfants] vont continuer de voir que c’est juste un gars normal qui a pris la décision d’aider les gens, de ne jamais lâcher, de réaliser ses rêves.»

Terry Fox ne cherchait pourtant pas la reconnaissance. Dans une entrevue accordée à la Presse canadienne en vue du 40e anniversaire du premier Marathon de l’espoir, Darrell Fox indiquait que son frère aurait échangé toute forme de reconnaissance contre un dollar pour la recherche sur le cancer.

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Pier-Maude Lanteigne a poursuivi son engagement comme bénévole lors des courses Terry Fox organisées quand elle était à l’université.

Lors de ses voyages au pays, Sue Duguay continue de participer aux marches communautaires et de contribuer à la Fondation. Toutes deux remarquent les endroits où l’on souligne les accomplissements de Terry Fox: «Ça fait chaud au cœur, quand on prend le temps de s’arrêter et de penser à son histoire, de savoir qu’un pays entier a pu ressentir l’impact d’une personne comme lui», souligne Sue Duguay.

«Terry a dit à plusieurs reprises qu’il espérait que s’il lui arrivait quelque chose, ça continue. Le 1er septembre 1980, sa course s’est arrêtée; la nôtre a commencé», conclut Peter Sheremeta.

Terry Fox à Toronto. Photo: Gail Harvey, Courtoisie Fondation Terry Fox

Mort à 22 ans

Jeune sportif, adepte du basketball et du rugby, Terry Fox naît en 1958 à Winnipeg, au Manitoba, et passe son adolescence à Port Coquitlam, en Colombie-Britannique. À 17 ans, un cancer des os force l’amputation de sa jambe droite.

En convalescence, il apprend qu’un marathonien court avec une prothèse. Il décide qu’il courra aussi et que sa course aura une incidence positive sur les autres personnes qui souffrent d’un cancer.

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Il s’entraîne pendant 15 mois en vue de son Marathon de l’espoir, qui doit le mener de Saint-Jean de Terre-Neuve à Vancouver, en Colombie-Britannique.

Son objectif de départ est d’amasser un million $, argent qui sera investi dans la recherche sur le cancer. Il entreprend sa traversée du pays le 12 avril 1980. Lorsqu’il voit l’engouement que provoque son projet, il décide de gonfler son objectif à 23 millions, soit un dollar par Canadien.

Le 1er septembre 1980, alors qu’il approche de Thunder Bay, en Ontario, la toux et la douleur le forcent à monter à bord de sa fourgonnette d’accompagnement et à se rendre à l’hôpital. Depuis le 12 avril, il avait refusé toute visite chez le médecin pour ne pas ralentir sa progression. Celle du cancer ne s’était toutefois pas freinée non plus: deux tumeurs déjà grosses logent dans ses poumons.

Neuf mois plus tard, il meurt à l’âge de 22 ans.

De son lit d’hôpital, Terry Fox a rappelé la raison d’être de son Marathon: «C’est ça le cancer, je ne suis pas le seul. Ça arrive tous les jours à d’autres personnes. Je ne suis pas spécial.»

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En septembre 1981, moins de trois mois après le décès du coureur, une première Journée Terry Fox a été organisée. Plus de 300 000 personnes y ont pris part et ont amassé 3,5 millions $ pour la recherche sur le cancer.

Terry Fox à Toronto, à la Place Nathan-Philips. Photo: Gail Harvey, Courtoisie Fondation Terry Fox

Terry Fox en 5 lieux

Winnipeg (Manitoba) : Terrance Stanley Fox y naît, le 28 juillet 1958. Terry Fox devient rapidement un athlète. Il aime particulièrement le basketball.

Vancouver (Colombie-Britannique) : Terry Fox grandit à Port Coquitlam, aujourd’hui dans le Grand Vancouver. C’est ici qu’il reçoit un diagnostic de cancer des os et subit une amputation de la jambe droite, en 1977.

Saint-Jean (Terre-Neuve) : Le 12 avril 1980, Terry Fox plonge le pied dans l’Atlantique, marquant le début discret de son Marathon de l’espoir, une course transcanadienne de 8500 km pour amasser des fonds pour la recherche sur le cancer.

Hawkesbury (Ontario) : De kilomètre en kilomètre, à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et au Québec, l’attention dirigée vers le Marathon de l’espoir s’accroît. À Hawkesbury, en Ontario, 200 personnes se massent le long de la route pour l’accueillir.

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Thunder Bay (Ontario) : Après avoir franchi plus de 5300 km, le cancer le force à suspendre son marathon, le 1er septembre 1980. Tery Fox s’éteint dans la région de Vancouver le 28 juin suivant, à 22 ans. Un monument de 2,7 mètres est érigé à Thunder Bay en 1982.

Les retombées de la Fondation Terry Fox

Près de 80% des dons accumulés par la Fondation sont versés à la recherche sur le cancer, notamment à l’Institut de recherche Terry Fox, qui finance à son tour le Réseau des centres d’oncologie du Marathon de l’espoir.

Ce réseau réunit des hôpitaux et universités du Canada dans le but d’améliorer le partage d’information et d’ainsi accélérer les progrès réalisés par la médecine de précision (nouvelles technologies, imagerie de pointe et intelligence artificielle) pour les patients atteints de cancer.

Selon la Société canadienne du cancer, en 2015, 45% des Canadiens et 43% de Canadiennes seront atteints d’un cancer au cours de leur vie et 26% des Canadiens et 23% de Canadiennes en mourront.

Aujourd’hui, 80% des personnes qui souffrent d’un ostéosarcome, le type de cancer qui a coûté à Terry Fox sa jambe droite, s’en remettent. Des années 1940 à 2019, le taux de survie au cancer, après 5 ans, est passé de 25% à 63%.

Auteur

  • Andréanne Joly

    À titre de journaliste et de rédactrice, Andréanne Joly couvre les communautés francophones de l'Ontario et du Canada depuis 25 ans. Elle collabore notamment avec Francopresse, Le Voyageur de Sudbury et L'Express de Toronto. Elle travaille principalement à des dossiers liés à l'histoire, à la culture et au tourisme.

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