Une drôle de guerre en Libye

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Publié 29/06/2011 par François Bergeron

Mouamar Khadafi contrôle toujours la capitale Tripoli et une bonne partie de la Libye, plus de 100 jours après le début de l’offensive militaire de pays de l’OTAN (France, Grande-Bretagne, États-Unis et Canada surtout) en appui à la rébellion qui contrôle notamment Benghazi et quelques ports pétroliers de l’est du pays.

Malgré les bombardements censés cibler ses postes de commandement et ses installations militaires, Khadafi passe régulièrement à la télévision et effectue quelques sorties en ville, jurant de mourir au combat, tandis que les rebelles ont formé un gouvernement provisoire, cherchent à recommencer à vendre leur pétrole et reçoivent des dignitaires étrangers.

Le 27 juin, John Baird, le ministre canadien des Affaires étrangères, les a rencontrés à Benghazi. Il s’est dit impressionné par leur engagement envers la démocratie (Khadafi continue d’affirmer que l’opposition est infiltrée par al-Qaïda) tout en reconnaissant que la transition ne se fera pas du jour au lendemain et que le nouveau régime «ne sera pas parfait».

Cette mise en garde est appropriée, considérant les changements moins radicaux que prévu apportés jusqu’à maintenant par les révoltes en Tunisie et en Égypte, les réformes plutôt cosmétiques que le «printemps arabe» a suscitées en Jordanie, Algérie, Maroc, et les violences qui se poursuivent au Yémen et en Syrie.

La chute du communisme en Russie et en Europe de l’Est a été plus nette en 1989-90. Mais dans ces pays-là aussi, un grand nombre de gens, qui s’imaginaient retrouver instantanément une prospérité à l’occidentale, ont déchanté. C’est en décennies et en générations qu’on mesure le vrai progrès économique et social, bien que la satisfaction d’avancer dans la bonne direction est incommensurable.

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Ce même 27 juin, la Cour pénale internationale a finalement lancé un mandat d’arrêt pour «crimes contre l’humanité» contre Khadafi, son premier fils Seif al-Islam et le chef de leur police secrète. Pour l’opposition, cela signifie que des négociations avec Khadafi (sur les modalités de son départ ou sur le partage du pays) ne sont plus possibles, et que l’intervention de l’OTAN ne peut prendre fin que par la capture ou la mort du dictateur.

Le mandat d’arrêt de la CPI est un geste symbolique. Plusieurs pays comme la Chine, l’Inde, la Russie, Israël et les États-Unis ne sont pas signataires du Statut de Rome et ne reconnaissent pas l’autorité de la CPI. Le président du Soudan, Omar el-Bechir, fait lui aussi l’objet d’un mandat d’arrêt depuis 2009, suite aux génocides dans sa province du Darfour, mais il est toujours au pouvoir. Le Soudan n’a d’ailleurs pas connu de «printemps arabe», même si un référendum a été organisé par diverses instances internationales sur l’éventuelle séparation du sud du pays. Et la CPI reste muette, jusqu’à maintenant, sur les massacres commis ces derniers mois en Syrie par le régime du président Bachar el-Assad.

L’OTAN a estimé qu’il lui faudra encore trois mois pour vaincre le régime Khadafi sur le terrain. Les responsables militaires ont beau nous expliquer que de telles opérations ne peuvent se dérouler dans la vraie vie aussi rapidement qu’au cinéma, on se serait tout de même attendu à ce que nos armées modernes soient déjà venues à bout des sbires de Khadafi ou du bonhomme lui-même.

L’une des conséquences les plus visibles du chaos en Libye est l’arrivée de milliers d’immigrants arabes et africains en Europe. Khadafi et les autres chefs de gouvernement d’Afrique du Nord servaient en effet de gardes-frontières de l’Europe de leur côté de la Méditerranée. Nul doute que c’est là l’un des premiers sujets de discussion entre les ambassadeurs européens et les nouveaux dirigeants installés à la faveur du «printemps arabe».

Mentionnons enfin que le Canada a envoyé des avions de combat et qu’un Canadien, le général Charles Bouchard, commande les opérations de l’OTAN contre la Libye, mais que cette drôle de guerre a rapidement été évacuée des premières pages de nos journaux. Pas plus que l’Afghanistan, d’où le gros des troupes canadiennes se retire cet été, la Libye a à peine été mentionnée par nos chefs politiques lors de la dernière campagne électorale fédérale, et ce n’est pas un sujet de discussion autour du barbecue…

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L’intérêt ne sera ravivé que lorsque le régime Khadafi tombera, mais très brièvement. D’aucuns condamneront cette apathie, mais force est de constater que la majorité des Canadiens est sans doute d’accord pour intervenir, avec nos alliés et dans la mesure de nos moyens, contre les régimes les plus meurtriers de la planète.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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