Une certaine idée de la chanson

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Publié 05/02/2008 par Dominique Denis

Avec sa plume, qu’elle tient bien en main sur la photo de l’album, elle affiche d’emblée son identité d’auteure. Avec sa voix, aux échos de Barbara et de Renée Claude, elle ne laisse aucun doute sur ses repères en matière de chanson.

Avec le titre de ce second opus, Variations en femme majeure (Productions Abondance/Distribution APCM), elle souligne (si cela était nécessaire) la dimension foncièrement «adulte» de sa démarche.

Autant dire que Josette Noreau, qui est originaire de Québec mais habite maintenant la région d’Ottawa, n’hésite pas à fixer très haut la barre, quitte à revendiquer une idée de la chanson que certains qualifieraient de révolue.

Et il faut admettre que le très «barbaresque» Choisir d’aimer, le premier titre de l’album, propose un solide argument en faveur de ces textes-fleuves, finement ciselés et parcourus de formules qui nous interpellent (« Choisir d’aimer/C’est laisser passer la foudre/Se déchirer et se recoudre»).

Fruit du travail d’un groupe d’écriture qu’elle a fondé en 2000, l’œuvre de Noreau reflète une sensibilité d’orfèvre trop souvent absente de la chanson contemporaine, mais comme c’est souvent le cas d’artistes qui remettent cent fois sur le métier leur copie, il y a parfois quelque chose de forcé dans cette plume, et des titres comme Mes couleurs ou Les mots nous font l’effet d’exercices de style en proie à un excès de zèle.

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Et pour chaque formule qui fait mouche, Noreau nous balance un truc à faire grincer des dents («Je vais commettre des imprudences/Pour mériter votre confiance/Je baisserai mon pantalon/Pour attirer votre attention»).

C’est à se demander si c’est par délicatesse ou par paresse que ses copains du groupe d’écriture ne lui ont pas souligné ces faux pas qui, regrettablement, suffisent à rompre le charme de cet album empreint d’un amour du travail bien fait. Mais dans un paysage chansonnier régi par la loi du premier jet, a-t-on raison de chercher des poux à une œuvre dont la principale tare est de vouloir trop en faire?

Jazze-la ta chanson

Pas plus qu’elle ne s’est foulée pour baptiser ce nouvel album, Linda Racine, quant à elle, n’aspire pas à imposer un nouveau répertoire sur Racines (Deja Musique / Sélect), se contentant de se réapproprier, quitte à les jazzer un brin, une douzaine de classiques des répertoires français et québécois.

Et il faut bien s’entendre sur le sens de «jazzer» dans ce contexte: il s’agit principalement de prêter à Jim Corcoran (Perdus dans l’même décor), Daniel Lavoie (Ils s’aiment), Michel Fugain (Tout va changer) ou encore Richard Séguin (Chanson pour durer toujours) les couleurs du jazz, fournies en l’occurrence par l’exceptionnel pianiste et arrangeur Philippe Noireaut, qui a rameuté quelques pointures pour l’occasion, dont le saxophoniste Jean-Pierre Zanella et le contrebassiste Michel Donato.

Certains titres proviennent d’artistes qui avaient su intégrer le jazz à leur écriture (Sylvain Lelièvre et Michel Legrand, notamment), mais même chez des artistes aucunement pétris d’influences afro-américaines (Vigneault, par exemple), ce mariage d’un répertoire familier et d’une palette sonore bleu nuit se consomme agréablement.

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Dans le sens où Linda Racine ne fait pas de ces chansons le point de départ d’improvisations vocales, ne se permettant à peu près aucune réelle modulation rythmique, mélodique ou harmonique, on ne peut pas voir en Racines un disque de jazz à proprement parler (en contraste, des interprètes jazz-pop du genre Norah Jones et Madeleine Peyroux font figure d’audacieuses funambules).

Mais si on y voit l’occasion de revisiter une poignée de souvenirs d’adolescence autour de quelques fromages et d’une bouteille de Cabernet – et il n’y a pas de doute que c’est l’idée sous-jascente à ce projet – Racines atteint son modeste objectif.

Occasion manquée

Si elle voulait marquer un grand coup avec son troisième album, quelque chose qui l’imposerait tant sur le marché québécois que français (lequel lui fait de l’œil, semble-t-il), Dominique Nadia aurait pu trouver un titre plus inspiré – et inspirant – que Dans l’air figé (Titre A).

Au lieu de suggérer une carrière en mouvement, voilà qui nous laisse une fâcheuse impression d’immobilisme.

L’interprète originaire de Cornwall semblait pourtant avoir le vent dans les voiles, s’étant fait remarquer en 2005 comme pourvoyeuse de pop rétro-kitsch avec l’amusant Noël à gogo. Il eût été facile de poursuivre sur cette lancée en faisant danser les boogaloos avec ses bottes et ses minijupes, s’inscrivant dans le sillage de Niagara ou d’Alpha Roccoco.

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Malheureusement, Dans l’air figé a un parfum d’occasion manquée. Les choses s’annonçaient pourtant bien, puisque l’album ouvre sur un doublé – Le baume et Pour plus d’amour – qui possède quelques-uns des ingrédients clés de la meilleure pop: mélodies accrocheuses, séquences d’accords qui étonnent sans dérouter, paroles inconséquentes, mais du genre à nous rester en tête dès la première écoute.

Mais plutôt que de maximiser l’impact en assumant jusqu’au bout ce parti-pris pop, les arrangements souffrent d’une nette carence en vitamines, et une fois franchi le cap du troisième morceau, Dans l’air figé s’installe dans une espèce de torpeur, que n’aident pas, il faut dire, des paroles qui cèdent au plus banal nombrillisme («Savez-vous la détresse/De sanglots retenus?»).

Et l’ennui cède bientôt à l’agacement d’avoir à se farcir un autre disque qui ne se donne pas les moyens de nous faire un effet durable.

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