Un verdict qui déshonore les États-Unis

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 02/11/2010 par François Bergeron

Omar Khadr a accepté de plaider coupable du meurtre d’un infirmier américain, au combat, en Afghanistan, en 2002 quand il n’avait que 15 ans, en échange d’une peine maximale de huit ans de prison ou de la peine plus légère que pourrait arrêter son jury à Guantanamo.

En apprenant la nouvelle, il y a deux semaines, je me suis dit que le jeune «terroriste» avait peut-être cédé trop facilement. Que ses avocats auraient pu lui conseiller de se fier à l’honneur des officiers américains qui le jugeaient. Que ceux-ci comprennent sans doute mieux qui quiconque qu’un «combattant ennemi» n’est pas un criminel au sens où on l’entend dans la société civile. Qu’ils auraient pu finir par l’acquitter…

J’étais même encouragé par le fait que les membres du jury n’ont pas bronché quand l’épouse et les enfants de sa victime ont fait pleurer les autres intervenants en évoquant la mémoire de ce soldat, mort dans l’explosion de la grenade lancée par Khadr.

Illusion pathétique de ma part. Le jury est revenu dimanche avec son verdict: 40 ans de prison!

Il semble qu’Omar Khadr et ses avocats ont bien compris à qui ils avaient affaire: un système de justice militaire kafkaesque qui déshonore les États-Unis. Ils ont somme toute bien manoeuvré en réussissant à n’obtenir «que» huit ans de prison, et son retour au Canada dès l’an prochain.

Publicité

Inexplicablement, le gouvernement canadien a nié jusqu’à la dernière minute sa participation à cette entente.

Son rôle dans toute cette affaire est presqu’aussi haïssable que celui du régime de George W. Bush, qui a inventé ces kidnappings de combattants ennemis sur les champs de bataille de l’Afghanistan et cette prison de Guantanamo où ils pourrissent au mépris de toutes les Déclaration universelle des droits de l’Homme, Convention de Genève et Constitution américaine, comme l’a d’ailleurs reconnu la Cour suprême du Canada il y a quelques mois.

Comment des soldats, des officiers, de l’armée censée être la plus puissante au monde, peuvent-ils participer à une telle perversion de la justice, où un jeune de 15 ans, embrigadé par son père chez un ennemi du tiers-monde déjà en déroute, grièvement blessé sur le champ de bataille, est traité comme un danger mortel pour la sécurité du monde occidental?

Le renversement du régime des talibans, suite aux attentats du 11 septembre 2001 perpétrés par des Saoudiens qui étaient (peut-être) passés par un camp d’Al-Qaïda dans ce pays, était justifié par l’appui qu’il offrait à l’organisation d’Oussama Ben Laden. Mais sauf pour quelques chefs capturés (et les plus importants l’ont été plus tard, dans d’autres pays), rien ne justifiait de transporter de simples soldats comme le jeune Omar Khadr à Guantanamo, encore moins de leur faire un procès.

On a argué que la «guerre au terrorisme» n’est pas une guerre conventionnelle à la fin de laquelle les soldats ennemis capturés rentrent tout simplement chez eux. Comme ce type de conflit n’a pas de fin (ce qui fait l’affaire du complexe militaro-industriel), les combattants capturés ne devraient pas être relâchés car ils risquent de recommencer leurs activités.

Publicité

Si c’est le cas, pourquoi faire des prisonniers? Achevez-les sur les champs de bataille comme l’a fait un capitaine canadien, ou remettez-les aux nouvelles autorités afghanes, qui exerceraient un meilleur contrôle du pays si les États-Unis n’avaient pas détourné tant de ressources vers l’Irak.

La famille Khadr, en Ontario, n’a pas aidé sa cause en affichant sa haine de nos valeurs canadiennes, contredite par son insistance à vouloir rester ici. De plus, de tels « Canadiens » qui retournent participer aux conflits dans leur pays d’origine ou ailleurs ne sont pas, moralement, en droit réclamer la protection du Canada si ça tourne mal pour eux. L’opinion publique, qui aurait pu s’intéresser au sort d’Omar Khadr, est restée indifférente et ne punira pas le gouvernement conservateur de ne pas avoir examiné son cas plus objectivement.

On en revient cependant toujours à la même considération: Omar Khadr n’avait que 15 ans… Personne ne sort grandi de cette affaire.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur