Un toi dans la tête…
et une flèche dans le cœur

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Publié 17/11/2009 par Dominique Denis

Bigrement accaparé par des activités diverses, j’ai quelque peu négligé nos rendez-vous discographiques depuis la rentrée. Un hiatus qui tombait mal, compte tenu du nombre de disques intéressants parus au cours des dernières semaines.

D’abord, commençons par l’incontournable, à mes oreilles. Un toi dans ma tête (Disques Victoire) est le huitième album de Luc De Larochellière, celui-là même qui, après des débuts fulgurants, s’était installé dans une carrière au rayonnement plus confidentiel.

Avec Un toi dans ma tête, Luc semble avoir accepté que ce registre-là – celui de la confidence – est celui qui lui sied le mieux.

Pour refléter ce nouvel ordre de priorités, il a décidé d’inverser son procédé d’écriture en commençant par les textes plutôt que la musique. Le résultat est proprement…bouleversant. Sans devenir secondaires pour autant, les canevas musicaux habillent et mettent en relief un propos qui allie à la perfection le fond et la forme.

Chronique d’une rupture amoureuse que son auteur porte – et purge – pour nous, Un toi dans ma tête est un disque qui fait mal autant qu’il fait du bien.

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À l’exception du percutant Des murs, constat impitoyable sur un monde qui se replie sur lui-même, Luc brosse ses tableaux avec une belle économie de moyens, à l’image des climats sonores (quatuor à cordes, guitares acoustiques à la Leonard Cohen ou Nick Drake) que son fidèle complice Marc Pérusse a de nouveau su conjurer, et dont on sait d’emblée qu’ils vieilliront admirablement.

D’entrée de jeu, Beauté perdue nous laisse entendre que si sa blessure est encore vive, Luc a pris assez de recul pour y poser un regard dans lequel chacun saura se reconnaître («Sûr, j’en aurai du courage/J’en ai eu souvent avant/Je saurai filtrer ma rage/Et laisserai filer le temps/Et j’irai poser les armes/Bien avant d’ouvrir le feu/Mais il m’en faudra bien plus/Face à ta beauté perdue»).

Mais la persistance d’un propos qui suinte la désillusion (Tu m’as eu, Non-amour, mon amour) ne devrait pas laisser l’impression que Luc s’abandonne tout à fait au pessimisme.

Comme en témoigne l’inventaire de J’ai vu (qui n’est pas sans rappeler A Hard Rain A-Gonna Fall, de Dylan), le mode mineur cède tôt ou tard au majeur, comme l’aube qui arrive après la nuit pour découper à l’horizon le visage de l’espoir, qui, dans les yeux de Luc de Larochellière, s’obstine à porter les traits de l’amour.

Le virage soul de Damien Robitaille

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Dans un tout autre registre, tant stylistique qu’émotionnel, se trouve le second album de «notre» Damien Robitaille, désormais fermement ancré dans le sol et l’imaginaire montréalais.

Sur Homme autonome (Audiogram), il s’est offert le véhicule de rêve pour franchir sans embûches le périlleux cap du second album. Un véhicule qui, à première vue, ressemble à une Cadillac Fleetwood 1972 aux banquettes couvertes de peau de léopard, d’où notre héros émergerait sapé en proxénète dandy, comme un des méchants du film Superfly.

Vous l’aurez compris: c’est en soul brother rétro que le petit gars de Lafontaine a choisi de faire sa grande rentrée.

Évidemment, il s’agit d’un personnage, tout comme Bowie ou Madonna ont eu les leurs, mais Damien l’habite avec un plaisir tellement contagieux qu’il serait fou de résister à la tentation d’embarquer avec lui, surtout quand son numéro est au service du genre de chanson qu’une seule écoute suffit à nous installer définitivement au creux de la mémoire…et dans le bas des reins.

Avec la chanson-titre et l’irrésistible Le mot de passe, Damien démontre une maîtrise parfaite des rouages d’une bonne chanson soul (quand se retenir, quand y aller à fond – un peu comme l’amour, quoi), sans toutefois tomber dans le piège de l’affectation négroïde.

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Toutes les couleurs y sont: piano électrique, chœurs, cuivres et cordes somptueuses, mais sous ces oripeaux de velours, c’est le même regard candide que nous découvrions sur son premier album.

Mais le bougre a plus d’une carte à son jeu: lorsqu’il ne puise pas chez Al Green ou Barry White, c’est du côté des Beatles qu’il tire l’essentiel de son inspiration, comme en témoigne le joliment vulnérable Un jour, ton jour viendra, ou encore le charmant Plein d’amour, qui n’aurait pas été déplacé sur le classique album blanc du quatuor précité.

Avec son précédent opus, L’homme qui me ressemble, Damien avait balisé un territoire où l’humour cohabitait avec le rêve, jouant la carte d’une candeur naïve dont on avait du mal à déterminer si elle était feinte ou réelle.

Du coup, il s’était placé dans une position bizarre, risquant d’être contraint de faire l’andouille pour amuser la galerie, et d’ainsi devenir le Forrest Gump de la chanson québécoise. Homme autonome suggère qu’il est encore très loin de s’autoparodier, et que les personnages qu’il incarne, quels qu’ils soient, ne seront jamais une béquille tant qu’ils se mettront au service d’un répertoire aussi réjouissant – et riche – que celui qu’il nous propose ici.

Auteur

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