Un site pour montrer aux jeunes gais qu’ils ne sont pas seuls

Faire parler l’expérience

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Publié 14/02/2012 par Guillaume Garcia

Après plusieurs affaires de suicides chez les jeunes, spécialement parmi les populations homosexuelles, le comique Rick Mercer faisait une sortie médiatique très remarquée en demandant aux membres célèbres de la communauté homosexuelle de sortir du placard pour encourager les jeunes et leur montrer qu’ils ne sont pas seuls. L’association FrancoQueer a choisi de lancer un site internet dédié aux jeunes où ils peuvent découvrir 24 vidéos où des «aîné(e)s» francophones homosexuel(le)s racontent leur expérience.

«Il y a deux ans, on cherchait une idée pour créer un projet qui toucherait les jeunes. Il y a eu la vague de suicides chez les jeunes homosexuels et on s’est dit que ça serait intéressant de montrer la vie de vieux homosexuels et de vieilles lesbiennes, de montrer qu’on est des exemples», rappelle Marcel Grimard, coordonnateur du projet.

Trouver les participants

L’équipe de FrancoQueer a donc commencé à monter une liste de personnes potentielles qui accepteraient de parler ouvertement de leur orientation et de leur expérience.

«C’est un acte très public de faire cela. On a eu un peu de difficulté à trouver les témoins. On a contacté une vingtaine de personnes et on a eu six réponses», explique Marcel Grimard.

Les six personnes qui ont accepté l’invitation de FrancoQueer parlent d’une époque qui semble très loin des jeunes d’aujourd’hui et dont peu de gens se souviennent. La loi omnibus de Trudeau dépénalisant l’homosexualité n’existait pas et la Police pouvait encore entrer dans les chambres à coucher de la population.

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C’était le temps des bars clandestins, de la vie en cachette et souvent de la migration vers les grandes villes aux mentalités plus progressistes. Parmi les témoins participant au projet, dont le lancement s’est déroulé mercredi soir dans les locaux du Théâtre français de Toronto, on retrouve des figures bien connues de la communauté francophone torontoise, comme Paul-François Sylvestre ou encore Guy Mignault.

En tout, ce sont trois hommes et trois femmes qui dévoilent leur vie devant la caméra: Paul Morin, Paul François-Sylvestre, Carmen Paquette, Mireille Ouellet, Guy Mignault, Denyse Boulanger-Culligan.

« Je pense qu’il y a eu une prise de conscience chez les LGBTQ de devenir des modèles sociaux pour les jeunes», avance Marcel Grimard. Certains rajouteront même : « De leur montrer que c’est possible de vivre ‘malgré’ », pour dédramatiser la situation.

«On a voulu connaître le début de l’histoire, avoir plus de détails sur comment c’était quand ils étaient jeunes.» On parle ici des baby-boomers, la première génération à être sortie massivement du placard, surtout au moment de la libération des mœurs dans les années 68. Juste avant la loi omnibus de Trudeau.

Montrer la voie

Mais pourquoi accepter de parler de son histoire, de parfois remuer le couteau dans la plaie? « Quand on est privilégié, il faut en remettre. Il faut donner un coup de pouces, surtout pour les jeunes », dit Guy Mignault. «On entend encore parler de suicide, d’homophobie, il faut enfin démystifier tout ça.»

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Directeur artistique du Théâtre français de Toronto, Guy Mignault, beaucoup d’entre vous le connaissent, s’implique de manière extraordinaire auprès des jeunes et cette campagne de sensibilisation faite d’expériences le montre encore. «On a pas besoin de s’écrire homosexuel dans le front, mais il faut dire les choses.»

Et dire les choses pousse à la réflexion. Comme celle de voir si les expériences des femmes et des hommes se ressemblent. Marcel Grimard, qui a étudié et fait son doctorat dans ce domaine, indique que les «hommes sont plus autonomes dans le choix de leur homosexualité que les femmes parce qu’ils sont autonomes financièrement». Ce qui était encore plus le cas dans le passé. «Cela permet de faire des choix», poursuit-il.

Chez les femmes il y a une «hétéronormalité» très forte. La femme devait rester à la maison et s’occuper des enfants.

«On voit que les coming-out chez les femmes plus âgées interviennent plus tard, après que les enfants sont devenus adultes, souvent après de nombreuses années de mariage.» Le portail projet mémoire met également en lumière la vie de ceux qui ont connu une double minorité, francophones et homosexuels. Quelqu’un comme Paul-François Sylvestre ne cache pas que s’il avait été hétéro et francophone au Québec il ne se serait certainement jamais mis à l’écriture. L’écriture a été l’exutoire à sa condition doublement minoritaire.

Les témoignages poignants mis en ligne nous replongent dans une période pas si lointaine où comme le rappelait Ronald Dieleman, président de FrancoQueer, se rassembler entre homosexuels représentait un risque de prison.

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L’homophobie existe toujours, et existera certainement encore longtemps, mais les jeunes peuvent désormais s’appuyer sur l’expérience des plus anciens et leur parcours. Aux écoles maintenant de montrer cela aux élèves et à chacun de faire passer le mot.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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