Un ressourcement salutaire

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Publié 27/02/2006 par Dominique Denis

Première impression: avec Double enfance (EMI), on retrouve le Julien Clerc des fastes années 70. Celui qui, mû par les fulgurances poétiques d’Étienne Roda-Gil, avait balisé un nouvel espace de liberté pour la chanson française, quelque part entre la variété et une manière de folk grandiloquent et joliment métissé.

Mais ça fait des lustres que Julien n’entretient plus de rapports exclusifs avec ses paroliers, et il aura fallu six plumes – certaines qui nous sont familières, d’autres pas – pour signer la constellation de ce nouvel album. Celle de Cécile Delalandre, sa plus récente collaboratrice, nous surprend grâce à deux perles (Rio Negro et Marie-Louise) que n’aurait pas reniées Julien à l’époque de ses longues boucles.

Quant à Jean-Loup Dabadie et Maxime le Forestier, on les savait depuis longtemps sensibles à l’univers du chanteur, et Maxime signe avec la chanson-titre une réflexion sur les douleurs – et les possibilités – du divorce, inspirée de l’enfance que Julien passa entre deux parents qui n’ont pas eu «la chance de s’aimer pour la vie».

En renouant avec le degré d’inspiration de ses premiers élans, Julien Clerc ne pouvait pas rêver d’une meilleure façon de boucler sa collaboration avec Étienne Roda-Gil, désormais parti «s’attabler au bistrot préféré des poètes disparus», et dont les deux contributions à cet album (Réfugiés et Donne-moi des nouvelles) figurent parmi ses plus directes et touchantes. Riche de ces collaborations, le crooner des poètes résiste à la tentation de la séduction trop facile, et signe son plus bel album depuis Utile.

Bons baisers de Paris… et Rio

On avait eu Ray Ventura à Rio (avec un très jeune Henri Salvador à la guitare), puis Orfeo Negro au cinéma, Baden Powell égrenant ses arpèges à Paris et, bien sûr, Barouh, Fugain et Cie déclinant la samba en français.

Le plus récent chapitre de la longue histoire d’amour entre la France et le Brésil, on le doit à Bïa et sa voix de velours. Pour ce cinquième album, Cœur vagabond – Coração Vagabundo (Audiogram) la belle se présente à nous comme un arbre, dont les racines (brésiliennes) dialoguent avec les branches (francophones).

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Le résultat? D’une part, sept adaptations françaises de titres signés Djavan, Chico Buarque ou Caetano Veloso, qu’on se surprend à connaître déjà (nouvelle preuve de l’ubiquité du génie brésilien). Et d’autre part, sept chansons françaises empruntées au répertoire de Gainsbourg (L’eau à la bouche), Voulzy (Belle île en mer), Souchon (Foule sentimentale), Brassens (La mauvaise réputation), sans oublier un superbe Bille de verre, de Maxime Le Forestier et Michel Rivard, devenu Estrela do Mar pour l’occasion. Dans un sens comme dans l’autre, ces adaptations semblent couler de source, donnant lieu au genre de disque qu’on reçoit comme une caresse.

La musique, à défaut de la comédie

En signant l’impérissable La bohème il y a plus de 40 ans, Charles Aznavour avait jeté, sans le savoir, les bases de ce qui deviendrait Insolitement vôtre (EMI), un curieux album consacré à la vie et l’époque de Toulouse Lautrec.

Bien qu’il ne soit rien dans ces 19 tableaux chantés que l’on puisse comparer au chef-d’œuvre précité, la prémisse était faite sur mesure pour un orfèvre comme Aznavour, qui se penche avec un plaisir évident sur les amours, les scandales et les tragédies qu’attiraient le petit homme à l’immense talent, prenant plaisir à recréer par moments le décor musical de la fin du XIXe siècle, cancan à l’appui.

Et avec une demi-douzaine de collaborations tantôt inspirées (Lio, dans le rôle de la prostituée qui en a vu d’autres, ou Lama, en fêtard noctambule), tantôt sirupeuses (Isabelle Boulay sur un Quand tu m’aimescalqué sur Après l’amour), Aznavour – un autre petit homme à l’immense talent – tenait tous les ingrédients d’une comédie musicale à succès. Pourquoi n’a-t-il pas emprunté cette voie? Il faut croire qu’à 80 balais bien sonnés, il n’avait pas le coeur à mener à terme une telle entreprise.

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