Un NPD déjà plus moderne

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Publié 26/03/2012 par François Bergeron

J’habite dans Toronto-Danforth, l’ancienne circonscription fédérale de Jack Layton, que le NPD a conservée facilement le 19 mars en faisant élire le prof de droit Craig Scott avec 19 000 voix contre 9000 à son plus proche rival, le publiciste libéral Grant Gordon. Le Conservateur et la Verte n’ont obtenu respectivement que 1700 et 1500 votes.

Mon quartier est réputé le plus à «gauche» au pays. Ses élus scolaires, municipaux, provinciaux et fédéraux appartiennent tous au NPD, dont l’organisation sur le terrain est impressionnante.

Plusieurs de mes voisins sont sympathisants du NPD. Certains en sont membres actifs et, comme ses élus, ils me paraissent tous plus à «gauche» que l’image centriste, pragmatique, que cherche à projeter la haute direction du parti.

Ma conseillère municipale néo-démocrate est une ancienne chef du Parti communiste du Manitoba (il y a longtemps, il est vrai). Comme une foule d’autres notables d’aujourd’hui, mon député provincial aussi aurait brandi des drapeaux rouges au collège ou à l’université. En science-po ou en sociologie, c’était plutôt la règle que l’exception. L’important, évidemment, c’est d’évoluer; ce que la plupart des radicaux, soixante-huitards et autres hippies ont fait.

On dit que, samedi, le Nouveau Parti démocratique a évolué, a élargi sa base traditionnelle, s’est rapproché encore davantage du «centre», en élisant Thomas Mulcair comme chef.

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Et ne vous laissez pas distraire par les douze heures de vote et les quatre tours de scrutin: la victoire du député d’Outremont est sans appel. Mulcair avait gagné dès le premier tour. Peggy Nash aurait dû suivre l’exemple de Paul Dewar et Martin Singh (deux unilingues qui n’avaient pas d’affaires là) et abandonner la course après le premier tour.

Nathan Cullen, lui, était le seul candidat au leadership du NPD à souhaiter ouvertement un accommodement avec le Parti libéral de Bob Rae en vue des prochaines élections fédérales. Il était intéressant de voir jusqu’où cela pouvait mener: il a obtenu près de 25% des voix au troisième tour, dont les deux tiers se sont reportées sur Mulcair au quatrième.

Tout cela pour dire qu’entouré, dans Toronto-Danforth, de militants purs et durs de Brian Topp et Peggy Nash, vénérateurs d’Ed Broadbent et défenseurs du mot «socialiste» dans la littérature du parti, je ne croyais pas à une victoire de Thomas Mulcair.

Même s’il travaille dans l’immédiat à rallier ses ex-adversaires en affirmant vouloir «rapprocher le centre du NPD plutôt que le NPD du centre», cet ancien ministre libéral de Jean Charest n’est pas attaché à l’orthodoxie socialo/syndicaliste du NPD, qui a peu contribué à son succès électoral de l’an dernier et qu’on doit désormais considérer comme un courant minoritaire dans le parti.

Mais je suis en retard dans les nouvelles, car Jack Layton l’avait sans doute déjà compris, faisant campagne pour la «classe moyenne», les «familles» et même les «petites entreprises» plutôt que pour les «Canadiens ordinaires» ou les «travailleurs». N’empêche, le mot «liberté» ne figure pas une seule fois dans le «testament» politique de Jack Layton, la lettre qu’il a fait diffuser à ses amis après sa mort l’été dernier.

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L’important, ici, est que les Néo-Démocrates aient choisi un chef qui soit déjà prêt à affronter Stephen Harper au Parlement et sur toutes les tribunes, à répliquer aux attaques et aux publicités négatives des Conservateurs (qui auraient pris le plus grand plaisir à souligner la promesse de Brian Topp d’augmenter les taxes et les impôts), et qui ait au moins une chance de cultiver les appuis, encore superficiels, du NPD au Québec.

Comme la tortue de la fable, Mulcair n’a pas explosé des blocs de départ l’automne dernier. Mais il a grandement profité du vote ouvert aux dizaines de milliers de membres du NPD (plutôt qu’à quelques centaines d’officiers du parti, de délégués des circonscriptions et de représentants des syndicats comme dans le passé). Il aurait certainement aussi gagné des «primaires» ouvertes à tous les citoyens intéressés, le système qu’a choisi le Parti libéral du Canada pour élire son chef l’an prochain.

On a dit que le NPD a perdu du terrain au pays depuis six mois, en raison de la course au leadership qui a occupé ses meilleurs éléments à l’extérieur du Parlement. Mais cette absence du premier parti d’opposition a surtout fait croire au gouvernement conservateur qu’il pouvait faire n’importe quoi, comme accrocher le portrait de la reine partout et nommer des hauts fonctionnaires unilingues. Ce sont des erreurs que Mulcair devrait savoir exploiter.

Bien sûr, le NPD se démarquera aussi du gouvernement conservateur sur la protection de l’environnement et l’exploitation des ressources naturelles, sur les meilleurs moyens d’enrayer la criminalité, sur les dépenses sociales et le régime de retraite, la loi sur la santé et les relations fédérales-provinciales, la gestion de la pêche et de l’agriculture, l’immigration et l’action du Canada sur la scène internationale, etc. Mulcair ne chômera pas.

Un premier vrai test se présentera dès cette semaine avec le dépôt du budget fédéral, le premier d’un gouvernement conservateur majoritaire. À travers le monde, on comprend maintenant qu’on ne peut plus régler un problème d’endettement par encore plus d’endettement.

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C’est là qu’on verra à quelle enseigne loge Thomas Mulcair, de quoi il se chauffe, si son parti peut représenter une alternative crédible au gouvernement Harper, et s’il mérite d’éclipser les Libéraux au «centre».

* * *

Les résultats des quatre tours de scrutin au congrès à la direction du NPD samedi à Toronto:

1er tour:
Thomas Mulcair 30,3%
Brian Topp 21,4
Nathan Cullen 16,4
Peggy Nash 12,8
Paul Dewar 7,5
Martin Singh 5,9
Niki Ashton 5,7

2e tour:
Thomas Mulcair 38,3
Brian Topp 25
Nathan Cullen 19,9
Peggy Nash 16,8

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3e tour:
Thomas Mulcair 43,8
Brian Topp 31,6
Nathan Cullen 24,6

4e tour:
Thomas Mulcair 57,2
Brian Topp 42,8

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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