Tout, chez Thierry Romanens, m’est éminemment sympathique: sa tête ébouriffée, d’abord, avec son début de calvitie qui rappelle Rivard au même âge, son visage mal rasé, moins à la façon d’un quelconque bad boy de la scène ou de l’écran que d’un prof de lycée distrait qui aurait manqué l’appel du réveille-matin, et, surtout, ses yeux allumés de l’intérieur, qui annoncent d’emblée le débordement d’activité neuronale qui a lieu derrière.
Déjà, sur son album précédent (Les saisons du paradis), on avait découvert chez cet auteur-compositeur belge quelqu’un qui avait la folie intelligente et qui savait chanter l’amour en évitant presque tous les clichés du genre, ce qui n’est pas un mince exploit. En prime, on y retrouvait sa reprise à toutes berzingues du Brave Margot de Brassens, qui, sans être une réussite absolue, avait le mérite de rappeler aux intégristes qu’il y a plus d’une façon de chanter l’œuvre du Sétois.
C’est un peu la même impression qui nous saisit à l’écoute de Le doigt (L’A-be/Sélect), fruit d’une fertile parenthèse de créativité en sol québécois, où notre homme a pris ses habitudes au cours des trois dernières années. Voilà, en effet, un disque qui respire de tous ses pores l’amour de la vie, de la Terre et – osons un terme au fort parfum de catéchisme – de son prochain.
Un disque qui a la générosité de partager sa bonne humeur jusque dans ses dénonciations de la connerie ambiante («Y’a pas plus nigaud qu’un blaireau/Quand on a tout compté, tout retenu/Trente-six fesses font dix-huit culs»), qui renouvelle le discours de la chanson engagée, tendance écolo (La planète est un modèle du genre), tout en aménageant en espace privilégié pour la tendresse et la passion (Des moments doux, Il était temps).
Il faut dire qu’avec des complices d’écriture de la trempe de Sarcloret et Kent, et les inestimables contributions des multi-instrumentistes Patricia Bosshard et Wally Veronesi, lesquels ont cosigné toutes les musiques dans un travail de symbiose organique, Thierry s’est donné les moyens d’atteindre la cible plus souvent qu’autrement.