Un citoyen modèle

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Publié 25/10/2009 par François Bergeron

La Section 494 du Code criminel prévoit que «toute personne peut arrêter un individu qu’elle trouve en train de commettre un acte criminel» ou «un individu qui, d’après ce qu’elle croit pour des motifs raisonnables, a commis une infraction criminelle».

Cela devrait suffire. «Toute personne», ça couvre tout le monde, non? Et nous pouvons tous reconnaître «un acte criminel», du moins les plus communs: vol, vandalisme, agression… Malheureusement, nos lois sont souvent inutilement compliquées, dans le but, on dirait, de garantir du travail aux avocats, aux procureurs et aux juges.

Ici, par exemple, un second paragraphe vient limiter les droits de «toute personne» qui serait «le propriétaire ou une personne en possession légitime d’un bien» ou son employé, «une personne autorisée par le propriétaire ou par une personne en possession légitime d’un bien». Ce propriétaire ou cet employé, en effet, peut arrêter uniquement une personne «qu’il trouve en train de commettre une infraction criminelle sur ou concernant ce bien». Autrement dit, sur sa propriété et immédiatement, pas un coin de rue plus loin ou une heure après le méfait.

Un troisième paragraphe de la Section 494 précise que «quiconque, n’étant pas un agent de la paix, arrête une personne sans mandat doit aussitôt la livrer à un agent de la paix». C’est parfait, si par «aussitôt» on alloue un peu de temps pour appeler et attendre la police…

David Chen, un commerçant du quartier chinois près du Musée des beaux-arts, a appris à ses dépends cette année que le système judiciaire ontarien récompense les criminels et punit les héros.

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Le 23 mai, à la porte de son Lucky Moose Market, cet homme de 35 ans a reconnu un individu qui, une heure plus tôt, avait volé des plantes de son étalage et revenait en voler d’autres. Avec un employé, il s’est lancé à sa poursuite et l’a plaqué, ligoté, enfermé dans sa fourgonnette, pour finalement appeler la police.

Celle-ci n’a pas pris de temps à arriver: le poste est à un coin de rue de là! Les forces de l’ordre ont duement arrêté Anthony Bennett, 51 ans, un petit criminel bien connu du système judiciaire car il sévit depuis trois décennies.

Cependant, au lieu de féliciter M. Chen et de recommander qu’il reçoive une médaille de mérite civique, les policiers l’ont arrêté pour assaut, séquestration et possession d’arme (un exacto qui n’a jamais quitté sa poche).

Récemment, les sbires du Procureur général de l’Ontario lui ont proposé d’abandonner les accusations les plus graves s’il plaidait coupable aux plus légères, ce qui lui ne lui vaudrait «que» 18 mois de probation. Il a refusé net et réclame que cesse immédiatement ce harcèlement kafkaesque.. ou qu’on en débatte devant un jury.

Tous les Torontois adoreraient faire partie de ce jury pour donner une leçon de droit à ces procureurs obtus, réveiller ces policiers robotisés et réformer ce système tordu.

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«Tordu» c’est trop fort? Considérez ceci: Bennett a été condamné à 30 jours de prison… au lieu des 90 que réclamait la Couronne car il a accepté de témoigner contre Chen! Vous avez bien lu: les représentants du Procureur général de l’Ontario tiennent tellement à punir notre héros (et celui de sa communauté du quartier chinois, qui a recueilli plus de 5000$ pour l’aider à payer son avocat) qu’ils ont recruté sa «victime», en réalité son voleur!

Avant que son bureau de Toronto achève de complètement discréditer la justice ontarienne, le Procureur général devrait intervenir pour mettre fin à cet épisode embarrassant et retirer toutes les accusations qui pèsent contre David Chen, un citoyen modèle.

* * *
D’autres reportages et éditoriaux sur l’affaire de l’épicier chinois de Toronto:
Mars 2013: La nouvelle loi sur la légitime défense est en vigueur
Juillet 2012: Une loi inspirée de la saga de l’épicier chinois de Toronto
Janvier 2011: Les citoyens ne seront plus découragés d’intervenir contre le crime
Mai 2010: Bryant et Chen: deux horoscopes très différents

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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