Chaque année, au mois de février, il n’y a pas que le joyeux défilé de festivaliers en costumes colorés qui répand sa magie le long des rues de Port-of-Spain. De nombreuses autres activités viennent rythmer les semaines précédant le carnaval. Aux lendemains de Noël, les habitants de l’île rangent leurs décorations et mettent la main à la pâte pour préparer ce que d’aucuns décrivent comme le plus grand party de la planète.
Le bus remonte lentement les collines de l’île pour enfin arriver à destination. C’est à Laventille, dans ce modeste faubourg niché sur les hauteurs de la ville, qu’est né le premier steel-drum, un fût de pétrole transformé en instrument de musique devenu depuis le symbole de toute une nation. Et, quand ce bidon d’acier se met à jouer ses mélodies vivantes et enjouées, c’est toute l’île qui, instantanément, frémit, s’embrase, et, dans un seul élan, se met à sautiller.
Ainsi, l’or de Trinité-et-Tobago, c’est non seulement son pétrole – ce dernier représente un cinquième des richesses naturelles de l’île – mais aussi son contenant, le baril, qui abrite le précieux liquide. Ce dernier aurait pu appartenir pour toujours à la triste famille des objets ordinaires. C’est sans compter sur la communauté noire de l’île qui l’a hissé au rang de véritable institution.
Des mouvements de baguettes rapides, un bon sens du rythme, des refrains chaloupés, c’est ça le steel-pan qui fait danser tout Trinité-et-Tobago. Comme chaque sport national, la discipline a ses artisans, souvent des gamins de 14, 15 ans, pour qui le tambour métallique est un facteur d’intégration.
Avec aisance, gracieuseté et précision, les orchestres de steel-pan tapent sur des bidons comme on martèlerait les touches d’un piano. Leurs accords donnent naissance à des musiques qui vont de la salsa au calypso en passant par le reggae. Les voir ainsi manœuvrer l’instrument avec autant d’habileté est d’autant plus surprenant qu’ils le font en mémorisant par coeur les morceaux et, parfois, sans réelle connaissance de ce qu’est une partition de musique.