Tout un choc!

Quoi de neuf dans la famille? (Première partie)

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Publié 15/06/2010 par Nathalie Prézeau

Nombre de mères, dont je fais partie, ont ressenti le syndrome de l’imposteur le jour où elles ont ramené à la maison leur nouveau-né (sans manuel d’instruction). L’expression «nurture shock» fait référence à cet état de choc quand on réalise que le fameux instinct maternel, qui nous pousse à protéger et soigner ce cher nouveau-né, ne saura nous dicter comment agir dans toutes les situations. On apprend vite à s’en remettre à une foule d’experts sur tous les sujets et bientôt s’installe une sorte de consensus collectif sur la «bonne façon de faire» tout et rien. Or, voilà que les auteurs de NurtureShock remettent en question la sagesse collective actuelle en s’appuyant sur une série de trouvailles scientifiques des dix dernières années sur le développement de l’enfant.

Il y a quelque temps, je parlais du livre Mindset de Carol Dweck (récemment traduit sous le titre Changer d’état d’esprit: Une nouvelle psychologie de la réussite). On y découvrait que notre façon de complimenter nos enfants s’est retournée contre nous. On voulait développer leur estime de soi; on a plutôt renforcé la croyance que les «bons» réussissent du premier coup et que l’effort est pour ceux qui n’ont pas de talent.

Les auteurs de NurtureShock utilisent justement ce sujet (se référant entre autres aux recherches de Carol Dweck) comme entrée en matière pour démontrer à quel point le consensus collectif peut être faussé et sans rapport avec les comportements observés dans notre société. Puis ils enchaînent avec les résultats des dernières recherches en matière de développement des enfants et des adolescents, ayant certainement bénéficié des nouvelles technologies de scan qui ont révolutionné la radiologie.

Passez-moi le sel

Je trouve important de lire ce genre de livres de temps à autre parce qu’ils nous rappellent de prendre l’avis des experts avec un grain de sel. Et que les données ne sont pas fixées dans le ciment. Les recherches évoluent, notre compréhension de la vie s’améliore continuellement (ou du moins, on est de plus en plus conscient de ce qu’on ne sait pas).

Nous sommes inondés d’articles sur les découvertes du jour, lesquels sont repris dans les médias, blogues et tweets, ce qui grandit leur crédibilité à nos yeux. On n’entend que la partie de l’info qui nous promet de faire «avancer» notre bébé. Ça donne l’industrie du vidéo pour bébé (pensez Baby Einstein) avec un chiffre d’affaires annuel de 4.8 milliards de dollars, basée sur la valeur éducative perçue de ces produits.

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La compagnie Walt Disney (ayant acheté Baby Einstein en 2001) offrait récemment le remboursement des vidéos de Baby Einstein achetés entre 2004 et 2009 (le sujet du chapitre «Why Hannah Talks and Alyssa Doesn’t» dans NurtureShock) suite à la pression de groupes contre la promotion de la télé auprès des jeunes enfants.

Les recherches de 1997 indiquaient que le cerveau des bébés de moins d’un an n’était pas encore commis à une langue en particulier, prêt à reconnaître les phonèmes de toutes les langues du monde. Baby Einstein a donc été créé, présentant des mots et comptines dans sept langues différents dans l’espoir de cristalliser la connaissance de ces phonèmes pour faciliter l’éventuel apprentissage des langues étrangères.

Cependant, quelques années plus tard, les mêmes chercheurs découvraient que dans les faits, non seulement l’écoute de ces vidéos ne permettait pas aux cerveaux des bébés de reconnaître les phonèmes des langues étrangères, mais que les bébés exposés à ces vidéos accusaient du retard dans la reconnaissance des mots de leur langue maternelle comparés à ceux qui ne les avaient jamais regardés. Pourquoi? Il leur faut le visage humain pour apprendre à parler. Non seulement ça, il leur faut l’interaction d’un adulte à l’écoute qui réagit à leurs efforts langagiers, et qui leur nomme les objets qu’ils regardent.

Par ailleurs, n’oublions pas que ces chers bambins finissent tous par parler de toute façon…

Testing, testing

Pas facile la démarche scientifique, quand les résultats de nos analyses vont à l’encontre des croyances populaires! Par exemple, comment croyez-vous que le système scolaire public ou privé réagit devant le fait que selon la majorité des analyses, les tests d’évaluation pour déterminer si un jeune enfant est surdoué sont erronés dans 73% des cas?

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Dans le chapitre intitulé «The Search for Intelligent Like in Kindergarten», on apprend que 73% des enfants identifiés surdoués vers l’âge de 5 ans ne seraient pas dans cette catégorie s’ils repassaient ce genre de test trois ans plus tard. Nombre d’entre eux afficheront des résultats très moyens en 3e, 4e et 5e années. Par contre, une étude récente impliquant 70,000 élèves anglais a démontré qu’il y avait une grande corrélation entre les résultats que les enfants obtiennent dans un test d’intelligence effectué à l’âge de 11 ans et leurs notes aux examens de fin d’études secondaires.

On pense que les tests administrés en bas âge reflètent surtout un contexte familial stimulant. Par ailleurs, il est maintenant clair que le cerveau des jeunes continue de se développer entre 5 et 11 ans. (Tous ceux que le livre Tout se joue avant 6 ans a fait paniquer se remettront de leurs émotions.) Ce serait la période durant laquelle la matière grise se transforme en matière blanche. (Les neurones les plus utilisés sont éventuellement recouverts d’une couche blanche de matière grasse qui en accroîtra drastiquement la vitesse de transmission.)

Pourtant, les classements de surdoués ne sont jamais remis en question et certains élèves, finalement plutôt moyens, pédalent de peine et de misère pour rester dans le peloton (en présumant qu’ils soient dans un programme sérieux pour surdoués). Et pendant ce temps, des surdoués «sur le tard», non identifiés, ne bénéficient pas de l’enseignement stimulant qui serait mieux adapté à leurs besoins.

Bref, voilà de bons arguments pour résister à l’envie d’étiqueter nos enfants de plus en plus tôt!

Sois gentil avec ta petite soeur

Dans leur chapitre «The Sibbling Effect», les auteurs s’attaquent à la notion que les enfants uniques sont moins sociables que les autres (statistiquement faux), que l’écart de l’âge entre enfants d’une même famille détermine les chances qu’ils s’entendent bien ou non (un des facteurs les plus déterminants serait plutôt si l’aîné a déjà appris comment bien jouer avec ses amis avant l’arrivée du petit frère).

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Une des notions les plus intéressantes relevées par les auteurs est celle que Freud avait tort quand il affirmait que les enfants étaient en continuelle compétition pour l’attention de leurs parents. Ce serait plutôt Shakespeare qui a raison: le partage des biens matériels est la raison première de conflit entre des frères et soeurs (dans plus de 75% des cas selon certaines recherches).

Ce n’est donc pas de psychologie dont ils ont besoin, mais plutôt de techniques pour développer leurs aptitudes sociales de communication et de négociation. Et l’une des meilleures façons de s’y entraîner? Les jeux de rôle.

Sujet tabou

Leur chapitre «Why White Parents Don’t Talk About Race» est particulièrement intéressant pour ceux qui habitent Toronto, la ville la plus cosmopolite au monde.

Le consensus général des parents blancs dont les enfants vont dans ces écoles où les élèves proviennent souvent de 40 pays différents est qu’il ne sert à rien aux parents de soulever la question des races. On présume que le simple fait d’être exposés aux autres cultures dans leur quotidien rend automatiquement nos enfants indifférents à la couleur de la peau.

C’était ce que je présumais moi-même. Imaginez donc ma surprise le jour où j’ai fait du bénévolat en assistant un artiste dans son atelier d’art donné dans chacune des classes de l’école de mes enfants, située dans le centre-ville de Toronto. Dans la majorité des classes, de la 1re à la 6e, les élèves s’étaient naturellement regroupés en petites grappes homogènes: gars pâles, gars foncés, filles pâles, filles foncées!

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Mon observation allait de pair avec les résultats de recherche (on parle ici de 90 000 ados dans 112 écoles américaines) qui ont démontré quelque chose de réellement contre-intuitif. Plus l’école est cosmopolite, plus les groupes d’amis sont homogènes. Les jeunes enfants iront naturellement vers ce qu’ils connaissent. Et si on ne les encourage pas à briser ces allégeances toutes naturelles dès le début de leur scolarité, ils n’iront pas voir plus loin.

Je faisais part de la situation de mon école à une enseignante de l’école Nelson Mandela (particulièrement sensible aux questions raciales) et elle m’a parlé des techniques développées pour élargir le cercle des enfants dès la maternelle. C’est tout simple, les enseignants offrent régulièrement des occasions aux enfants de se regrouper différemment pour leurs activités. Un jour, c’est tous ceux qui ont un grand frère qui se mettent ensemble. Le lendemain, ce sont tous ceux qui ont un chien, un chat, un oiseau. Le surlendemain, tous ceux qui portent du jaune se regroupent.

Les recherches citées dans NurtureShock confirment les dires de mon amie. Ce genre de regroupement effectué durant huit semaines auprès d’enfants de 1re année augmente sérieusement le ratio de jeux entre les enfants de races différentes durant la récréation. Par contre, lorsqu’appliqués à partir de la 3e année seulement, ces exercices n’ont plus d’impact dans la cour d’école.

Vous imaginez un peu si toutes les écoles du Grand Toronto prenaient la peine d’entraîner leurs enseignants de maternelle, 1re et 2e années dans ce sens? L’impact au bout de cinq ans que ça aurait sur la tolérance?

Plusieurs autres résultats choc

Autres affirmations choc mises de l’avant dans NurtureShock: quand les ados argumentent, c’est positif; le cerveau des ados ne peut pas être excité par les petites ou moyennes récompenses, bref ils s’ennuient plus que nous; la télévision éducative promeut la violence relationnelle entre les enfants; mieux vaut se chicaner même fortement devant les enfants que derrière la porte de la chambre à coucher, c’est comme ça qu’ils apprennent la résolution du conflit; le manque de sommeil fait qu’on se rappelle surtout des mauvais souvenirs.

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Vous ne me croyez pas? Bravo! Bon réflexe. Mieux vaut lire NurtureShock par vous-même pour vous faire votre propre opinion. D’ailleurs, sur leur site, vous trouverez plusieurs articles gratuits reprenant la matière couverte dans leur livre.

(Note de l’auteure: Pour la recherche de mon guide Toronto Fun Places, j’ai effectué des milliers de sorties. Autant d’occasions qui m’ont permis d’observer les familles en action et de remarquer un certain stress toujours présent. Comme si on n’arrivait plus à relaxer, même dans un contexte de loisir, alors imaginez quand il s’agit de choses sérieuses! Quelles tendances de notre société influencent ainsi la vie de famille? D’où vient ce stress et comment le diminuer? Voilà le propos de la chronique On arrive-tu?)

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