«Une chanson doit faire rire ou pleurer», disait un jour Sarclo en entrevue. Ce n’est donc pas surprenant qu’il définisse son métier en termes de polarités, puisque le bougre polarise très nettement l’opinion depuis son tout premier album, ironiquement intitulé Plus grands succès, clin d’œil prémonitoire à une carrière passée en marge de la reconnaissance commerciale et médiatique.
Il faut dire que Sarclo profite de sa position excentrique – il est suisse, donc loin du milieu parisien, et architecte à ses heures, donc libre des exigences du business de la chanson – pour nager à contre-courant des idées reçues et des bons sentiments («Je veux bien faire chanteur tendre/Si tendre, ça veut dire bander», lance-t-il sur le magistral Épaule de cochonne).
Naturel, donc, que son propos épingle – ou hérisse carrément – une foule de gens au passage, y compris quelques-uns de ses homologues, Cabrel et Souchon en tête.
Mais son alliage de mots tendres et de mots crus a quelque chose de salutaire: certes, ses chansons font rire, parfois pleurer, mais elles donnent invariablement à réfléchir, en posant sur le monde un regard qui met à nu l’hypocrisie amoureuse autant que le racisme quotidien d’une Suisse cossue (Les Kurdes) ou l’abrutissement du marketing que l’on subit sans broncher (L’amour est un commerce mais la décharge est municipale).
Et s’il était besoin de nous ouvrir une porte d’entrée additionnelle vers cet univers déjà riche d’une douzaine d’albums, Sarclo a choisi de revisiter son catalogue avec la complicité de Bob Cohen, le sorcier de la guitare qui avait aidé Ferland à accoucher de Écoute pas ça, et qui contribue largement à faire de Tendresses et cochoncetés: Compilation acoustique (Productions Côtes du Rhône / Interdisc) un véritable trip pour amoureux de guitares entrecroisées, en plus de régaler les connaisseurs de chansons qui provoquent à l’intelligence, comme disait Ferré.