«Bonjour Toronto! Est-ce qu’on va parler français ou créole? Mon créole est pas mal plus fort que mon anglais! » D’entrée de jeu, le ton est donné. Rejoint par L’Express dans sa maison en Guadeloupe, Robert Charlebois est en pleine forme, fidèle à lui-même comme à son petit coin de paradis, où il séjourne chaque hiver depuis des décennies. Mais dans sa tête, le prochain rendez-vous avec le public – torontois, en l’occurrence – est déjà là. «Y’aura pas juste des francophones dans la salle, j’espère qu’il y aura des saxophones aussi!», lance-t-il en boutade. «On n’est jamais assez de fous pour avoir du fun!» Bienvenue dans l’univers de l’éternel ado de la chanson québécoise…
Dominique Denis: Votre plus récent album, Tout est bien, a fait l’unanimité auprès de la critique et du public. Après plus de 40 ans de métier, est-on toujours aussi sensible à ça?
Robert Charlebois: Le but d’un artiste, ce n’est pas de faire l’unanimité, c’est de toujours progresser et de se mettre un peu en danger, et d’arriver avec des couleurs nouvelles et des choses qu’on n’a jamais dites. C’est assez difficile, après 300 chansons, de toujours trouver un nouvel angle. Là, j’arrive avec une couleur qui existait dans les albums précédents – je n’ai pas inventé les ballades, loin de là! – mais ça faisait longtemps que je n’avais pas touché à ce genre d’émotion intérieure, qui gratte le bobo, comme on dit.
Il est vrai que l’émotion est palpable tout au long de l’album…
Il faut dire que j’étais bien entouré. Le réalisateur Claude Larivée pressentait probablement le drame qui allait lui arriver (il a perdu sa fille au jour de l’an), et il était très ému par des choses noires. C’est pas qu’on voulait mettre la tristesse en avant – ce n’est pas une question de mode, la tristesse, tout le monde en a en lui. Il y a des chansons marrantes sur l’album, bien sûr, mais les quelques chansons qui sont noires le sont vraiment. Je pense que Claude est en grande partie responsable de ça.