Rien de gagné pour personne

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Publié 11/08/2015 par François Bergeron

Conservateurs, Néo-Démocrates, Libéraux et Verts ont rapidement proclamé leur chef respectif vainqueur du premier débat organisé le 6 août par le magazine Maclean’s en vue du scrutin fédéral du 19 octobre. En réalité, si les quatre s’en sont relativement bien tirés, les attentes n’étaient pas les mêmes pour chacun.

La barre était plus haute pour Stephen Harper, premier ministre depuis 9 ans, qui n’a pas particulièrement brillé. Il a semblé traiter cet événement – comme peut-être ces premières semaines de campagne – comme une opération de reconnaissance ou un exercice de réchauffement avant les véritables engagements de septembre et octobre.

L’attention et la curiosité se portaient davantage sur Thomas Mulcair, «le diable qu’on ne connaît pas», parce qu’il mène dans les sondages (car les médias sont obsédés par les sondages, plusieurs électeurs aussi, pour le meilleur et pour le pire). Depuis la vague orange de 2011 au Québec, le NPD est une coalition d’intérêts plus hétéroclites que celle des autres partis. C’est nouveau et ça lui présente autant de dangers que d’opportunités.

Mulcair s’ingéniera à réconcilier les voeux de sa vieille base «socialiste» (le mot a été purgé de la constitution du parti) et de la «classe moyenne» qu’il veut attirer, de sa nouvelle base québécoise et de ses fidèles en Ontario et dans l’Ouest. Il peut finir par crouler sous ces contradictions comme réussir à en faire un tremplin vers le pouvoir.

Les attentes étaient minimales pour Justin Trudeau, mais le jeune chef libéral (43 ans) ne s’est pas planté, confirmant sa passion et son dynamisme. Il s’est cependant illustré (contre Mulcair) sur l’enjeu le plus éloigné des préoccupations des Canadiens en 2015: l’unité nationale et la majorité référendaire qui permettrait au Québec de se séparer!

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Harper a eu le dernier mot ici en affirmant ne pas comprendre pourquoi on parlait de ça.

Cela nous rappelle toutefois que ce premier ministre introverti semble avoir en aversion le dialogue avec les premiers ministres provinciaux et avec la plupart des autres représentants des très diverses composantes de la mosaïque canadienne. Est-ce si difficile de convoquer une fois par année une conférence fédérale-provinciale sur une ou quelques questions importantes pour finir par faire avancer les choses (à commencer par l’abolition du Sénat)?

Elizabeth May était là, par souci d’équité, mais elle n’est pas invitée au prochain débat du Globe and Mail sur l’économie, ni à celui de l’école Munk de l’Université de Toronto sur la politique étrangère, qui font encore l’objet de tractations. La chef du petit Parti vert, dont le français est très approximatif, n’est pas invitée non plus au seul débat en français prévu à ce jour: celui de TVA le 2 octobre, qui inclura le nouveau/ancien chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe.

Le fardeau de la preuve

Dans cette campagne, le fardeau de la preuve incombe aux Néo-Démocrates et aux Libéraux. Le bilan conservateur est connu, les idées et le style de Stephen Harper aussi, et le parti au pouvoir ne propose rien d’autre que maintenir ce cap.

Le premier ministre est probablement moins populaire que son parti. Mulcair c’est l’inverse, étant plus modéré ou pragmatique que ses militants et certains de ses candidats.

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Personnellement, je ne peux plus supporter la vénération de Stephen Harper pour la monarchie anachronique. Voilà un beau projet du 150e anniversaire de la Confédération en 2017: affranchir le Canada de ses derniers liens formels avec la couronne britannique, ôter la face de la reine de notre monnaie et effacer le mot «royal» des noms de nos institutions. Qu’en dites-vous MM. Mulcair et Trudeau?

Je trouve aussi que Stephen Harper ne fait que le strict minimum pour respecter le caractère bilingue du pays. Par exemple, il vient de nommer un juge de la Saskatchewan à la Cour suprême. Il faut s’enquérir auprès du premier intéressé et de ses amis pour découvrir qu’il est bilingue, car cela n’est pas mentionné dans l’annonce officielle, et les Conservateurs refusent toujours de faire du bilinguisme un critère de sélection pour le plus haut tribunal du pays.

Bien sûr, le gouvernement sera jugé d’abord sur son bilan économique (comme dirait l’autre: «c’est l’économie, stupide»). Mais on peut arguer que la participation canadienne à la guerre contre l’État islamique en Irak et en Syrie et les questions de sécurité intérieure, tout comme les petits scandales de corruption et de tricherie électorale, sont aussi importantes cette fois-ci.

Et quoi qu’en dise l’opposition, ce bilan économique est défendable: comparé aux autres pays; dans le contexte du ralentissement du secteur des ressources naturelles; compte tenu des responsabilités des provinces et des villes. À Thomas Mulcair et Justin Trudeau de nous convaincre qu’ils auraient pu et qu’ils pourraient faire mieux.

* * *
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Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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