Si j’écrivais dans le Forum de L’Express un hommage à «l’honnêteté d’Ernesto (Che) Guevara» et «la franchise de Karl Marx», on rirait dans mon dos. Ça passerait pour une folie douce, un réflexe passéiste trahissant mon âge avancé, pour ne pas dire mon gâtisme.
Si, une autre fois, j’écrivais une diatribe contre Benoît XVI et le Vatican, ce «nique à fifs», en suggérant qu’après les tours de New York, «ça ferait une belle cible pour al-Qaïda», je serais peut-être poursuivi par la Commission des droits de la personne pour homophobie et fiché à la police pour affiliation terroriste.
Au minimum, je serais dénoncé par des lecteurs du journal pour mon manque de respect envers autrui, voire mes pulsions meurtrières. En examinant mes textes passés, dont un hymne aux «abattoirs de millionnaires», on comprendrait mieux l’ampleur du désastre intellectuel.
Mais si j’étais poète, chanteur et musicien comme Richard Desjardins, j’aurais été ovationné, comme il l’a été, par les 300 personnes qui ont rempli la salle Brigantine de Harbourfront samedi soir, pour son spectacle inaugurant la Semaine de la francophonie à Toronto.
Desjardins est un maître de la rime qu’on n’attend pas et de l’image qui nous transporte dans l’âme des gens qui méritent un monde meilleur: autochtones du Grand Nord, ouvriers des mines de l’Abitibi, nations opprimées d’Amérique latine (à l’exception sûrement du paradis communiste cubain).